Avant le match aller contre le Cameroun à Radès, FIFA.com a rencontré l'attaquant pour évoquer notamment ce repêchage miraculeux, son début de saison à l'Olympique de Marseille, et son but fantastique inscrit la saison dernière avec Evian-Thonon-Gaillard. Mais après s'être crus éliminés, Khalifa et ses partenaires n'ont - littéralement - rien à perdre Saber, la Tunisie était éliminée et s'est retrouvée qualifiée suite à la sanction administrative du Cap-Vert. Comment avez-vous appris cette qualification de la Tunisie ? Franchement, après la défaite contre le Cap-Vert, j'étais dégouté. Après trois ou quatre jours, on a reçu cette nouvelle et j'ai eu du mal à y croire. J'étais chez moi, et un journaliste tunisien que je connais m'a envoyé un message pour me dire qu'on était qualifié. J'ai cru à une blague, j'ai pensé qu'il se moquait de moi. Je suis allé immédiatement sur internet et j'ai vu sur Facebook que tout le monde s'excitait et mettait des messages “on est qualifiés, le Cap-Vert a joué avec un joueur suspendu.” J'ai téléphoné en Tunisie aux dirigeants de l'équipe nationale qui m'ont confirmé la nouvelle. J'ai été étonné mais très très très content ! Comment accueillez-vous ce coup de pouce du destin ? On était au fond du trou, et soudain, on se retrouve de nouveau sur la route de la Coupe du Monde. C'est un miracle, un cadeau de Dieu. C'est une chance immense. Jouer une Coupe du Monde, c'est pour certains une fois dans une vie, en tous cas tous les quatre ans, et nous avons laissé passer cette chance. Là, on nous redonne une possibilité de la jouer alors qu'on était hors course. A combien d'équipes ça arrive une chance comme ça ? Il ne faut pas la laisser passer. Je me rappelle du Danemark en 1992 qui n'était pas qualifié, qui se retrouve repêché au dernier moment et qui gagne l'Euro. On connaît l'histoire, ils n'ont pas laissé passer leur chance. On va essayer de s'en inspirer. Avec cette qualification heureuse, la Tunisie sera-t-elle encore plus difficile à battre ? On est conscient de la chance qu'on a, mais ce coup de pouce ne nous a pas rendus meilleurs que ce que l'on est, il ne faut pas oublier qu'on a perdu contre le Cap-Vert à domicile. Il faut se battre pour exploiter cette chance, il ne faut pas lâcher, tout donner pour passer. Vous n'avez pas encore marqué cette saison depuis la reprise, ni avec la sélection ni avec l'Olympique de Marseille. Vous êtes-vous réservé pour le Cameroun ? (rires) J'espère, oui ! C'est vrai que ça fait longtemps que je n'ai pas marqué. Avec l'équipe nationale, on n'a joué qu'un match depuis la reprise, contre le Cap-Vert et on sait tous comment ça s'est passé. Et avec l'OM, j'ai signé tard, j'avais un retard dans la préparation, donc je n'ai pour l'instant pas beaucoup de temps de jeu. J'espère que je vais retrouver le chemin des filets contre le Cameroun, mais si je reste encore muet, et qu'on gagne, je peux encore attendre un peu pour marquer ! Le nouveau sélectionneur Ruud Krol est arrivé pour une mission de deux matches. Quel a été son discours ? Depuis qu'il est arrivé, on a beaucoup parlé, il a fait des réunions, et il a été très clair avec nous : il nous a dit qu'il a joué au très haut niveau et gagné beaucoup de titres, mais la Coupe du Monde, c'est autre chose. Il en a joué deux, il a atteint deux fois la finale, et il nous a bien fait comprendre que ce qui nous attend en Coupe du Monde, c'est encore plus beau que tout ce qu'on a pu vivre avant. Mais sincèrement, pour ce match-là, à la limite on n'a même pas besoin d'entraîneur, ni de prime, ni de rien du tout ! C'est un match pour les joueurs, le match de notre vie. Il faut tout donner pour jouer la Coupe du Monde. Tactiquement, quel sera votre rôle dans son système ? Il m'a appelé pour parler un peu, me demander dans quel poste je me sentais le plus à l'aise. Je lui ai dit : “Franchement coach, je peux joueur à droite, à gauche, ou attaquant de pointe, dans les trois postes.” Il m'a coupé immédiatement et m'a dit : “Je ne te demande pas où tu peux jouer, je veux savoir ce que tu préfères, où tu te sentiras le plus à l'aise et où tu prendras le plus de plaisir.” Alors, je préfère jouer à gauche. Mais il a des contraintes pour faire son équipe, donc si ce n'est pas possible, je respecterai évidemment son choix. Vous allez affronter le Cameroun, où Samuel Eto'o a annoncé son retour. Est-ce le même adversaire avec ou sans lui ? Ce n'est pas pareil, c'est sûr ! C'est un joueur de grande valeur. Mais même avec lui, ce n'est plus le Cameroun des années 90 et 2000. Ils ne se sont pas qualifiés pour les deux dernières Coupes d'Afrique des Nations. Nous sommes presque dans la même situation, nous avons vécu quelques années difficiles. Mais dans notre situation actuelle, peu importe que ce soit le Cameroun, le Ghana ou la Côte d'Ivoire, avec leurs meilleurs joueurs. Il faut se mettre dans la tête qu'il faut qu'on passe à tout prix pour jouer la Coupe du Monde. Vous risquez d'être en duel direct avec Nicolas Nkoulou, votre coéquipier en club. En avez-vous déjà parlé ? On en parle presque chaque jour dans les vestiaires à Marseille depuis le tirage au sort ! C'est un très bon défenseur, il me connait bien, mais c'est sur un match, dans un contexte particulier. Surtout, on joue à domicile, donc j'aurai l'avantage ! Je l'ai déjà prévenu. On a de grands supporters, une grande motivation. Même s'il ne faut pas oublier qu'il y a un match retour, donc il faudra éviter de prendre trop de risques. Avez-vous l'impression d'avoir franchi un palier et qu'on attend plus de vous en sélection depuis votre transfert à Marseille ? C'est normal. On attend beaucoup plus de moi, et le fait de jouer dans un grand club m'habitue à la pression. Ça change beaucoup d'Evian-Thonon-Gaillard. Ce nouveau statut me donne plus de responsabilités en sélection. Vous avez connu des moments difficiles dans votre carrière : vos relations tumultueuses avec l'Esperance de Tunis, six mois sans jouer avant votre transfert à Evian, et la guerre civile en Libye. Qu'avez-vous retiré de ces expériences? Je suis passé par beaucoup de moments difficiles dans ma vie. Et ces instants difficiles, on peut les surmonter en étant fort dans sa tête. Ça m'a forgé mon caractère. Je n'ai pas d'autre choix que d'être fort. J'ai choisi un métier magnifique, mais qui est aussi très difficile si on veut atteindre le très haut niveau. J'ai toujours été concentré sur cet objectif, et ça m'a permis de surmonter ces moments difficiles. Par exemple à Benghazi, c'était difficile de se concentrer sur le football lorsque le soulèvement a commencé. Je n'oublierai jamais ce passage en Libye, j'en suis parti juste la veille des bombardements de la ville, mais tout le monde n'a pas eu la chance de partir. Maintenant je suis dans un grand club qui joue des titres et je vais me battre pour gagner ma place. Je me suis toujours battu pour en arriver là.