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«Un rapprochement entre Nida Tounès et Ennahdha est impensable»
L'invité du Dimanche: Taïeb Baccouche, secrétaire général de Nida Tounes
Publié dans Le Temps le 13 - 10 - 2013


Entretien conduit par Faouzi KSIBI
Notre invité de ce dimanche est un syndicaliste et homme politique tunisien. Il est l'une des figures les plus marquantes du gouvernement de transition de l'après 14 Janvier en tant que ministre de l'Education et porte-parole du gouvernement que ce soit sous Mohamed Ghannouchi ou sous Béji Caïd Essebsi. Le sexagénaire est multidisciplinaire, puisqu'il est détenteur de plusieurs diplômes: un doctorat d'Etat en linguistique à la Sorbonne en 1980, une agrégation d'arabe en 1968, un DES en linguistique en 1966, et ce en plus de maîtrises en arabe, en littérature française et en archéologie. A partir de 1969, il est enseignant-chercheur à l'Université de Tunis, une carrière académique qu'il a du interrompre pour intégrer le monde syndical puis celui de la politique.
En effet, il devient le secrétaire général de l'UGTT entre 1981 et 1984, et directeur du journal « Echaâb » (Le Peuple), organe principal de la centrale syndicale et son porte-parole entre 1981 et 1985. Et à partir de 1998 et jusqu'à sa nomination au gouvernement de l'après révolution, il préside l'Institut Arabe des Droits de l'Homme.
Dès son entrée en fonction, il multiplie ses rencontres télévisées avec les élèves en direct sur la chaîne nationale, ce qui déclenche une manifestation de professeurs devant le ministère pour exiger de lui une excuse officielle pour les avoir humiliés en public. Cependant, son passage au gouvernement n'est pas marqué que par cette maladresse mais aussi par beaucoup d'actes positifs qui resteront dans les annales de l'école publique en raison de leurs portées politique et sociale profondes : en mars 2011, il annonce la suppression du CAPES ( certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement secondaire), puis, il interdit le port du « niqab » dans l'enceinte des établissements scolaires et annonce que l'Etat n'a pas les moyens de construire des salles de prières au sein des écoles. Il dénonce aussi la politisation de ces lieux du savoir. Durant son mandat, il veille au bon déroulement des examens nationaux, notamment celui du baccalauréat, et pour éviter que l'année scolaire 2010/2O11 ne soit une année blanche, il prend des mesures exceptionnelles en regroupant les deux derniers trimestres et en allégeant le programme des classes terminales. Des mesures salutaires qui permettent de sauver le processus scolaire et l'école des dangers qui la guettait et des dérapages où elle risquait d'être entraînée.
Après avoir quitté le gouvernement, il fait partie des personnalités se rassemblant autour de l'initiative de Béji Caïd Essebsi, avec d'anciens ministres comme Lazhar Karoui Chebbi et Ridha Belhaj, et qui se transforme en parti politique, Nidaa Tounes, lors d'un grand meeting organisé le 16 mai 2012, dont il devient le secrétaire général. Néanmoins, l'intellectuel converti à la politique reste foncièrement penseur et linguiste, il médite bien ses propos, choisit minutieusement son lexique et accorde une grande importance aux structures et tournures de ses phrases. Parmi les réflexions audacieuses qu'il développe, il y a celle relative à la comparaison entre laïcs et islamistes qu'il considère comme fausse, insidieuse et pernicieuse. Pour lui, la différence réside dans la relation antinomique entre la religion et la politique, en ce sens qu'islamiste ne signifie pas musulman et que laïc ne signifie pas athée non plus. C'est le portrait de notre invité que la conjoncture assez délicate que connaît le pays endurcit et amène à exprimer ses positions de manière directe et sans ménagement, le moment n'est propice ni à l'esthétique, ni à la linguistique… A vous d'en juger…
-Le Temps : plusieurs observateurs soutiennent que la signature de la feuille de route par Ennahdha est une manœuvre supplémentaire de sa part de préparer le coup d'Etat du prochain 23 octobre. Partagez-vous ces soupçons ? Et si oui, comment vous allez réagir ?
-M Baccouche : cela a été le cas pour le 23 octobre passé et tous les indices militent en faveur de cette thèse selon laquelle Ennahdha va essayer de récidiver encore cette fois, et ce au mépris de l'intérêt supérieur de notre pays. Son intention de garder le pouvoir pour toujours se précise de jour en jour et ses actes trahissent de plus en plus ses discours contradictoires. Elle n'a pas d'autre projet à part celui d'asseoir son autorité et de la pérenniser en multipliant les astuces pour tromper la vigilance des citoyens et les fourvoyer oubliant par là que ces derniers sont assez édifiés sur ses manœuvres dilatoires et que ceux qui étaient dupes en 2011 ne le sont plus. De notre côté, nous ne resterons pas, de toute évidence, les bras croisés pour contempler la scène et nous réagirons vis-à-vis de cette manœuvre frauduleuse. Notre réaction se fera au moyen de la concertation avec nos alliés dans le cadre de l'Union pour la Tunisie et le Front de Salut National et, évidemment, avec le quartet. Nous la déclarerons en temps opportun.
-Certains pensent que le CPR, Al Aridha et le parti de Réforme et de Développement agissent sur les ordres d' Ennahdha. Etes-vous de cet avis ?
-Ce qui importe pour moi, ce n'est pas sur les ordres de qui ils agissent, mais c'est plutôt l'absence de logique dans leur comportement, puisqu'ils prétendent que la signature de la feuille de route doit se faire ultérieurement et non pas au départ du processus dialogique. Ils confondent, ainsi, la feuille de route comme cheminement du processus, depuis le départ jusqu'à la fin, et l'accord final, ce qui constitue un amalgame flagrant de la structure du dialogue. Par ce biais, ces partis essayent de bloquer tout le mécanisme démocratique qui vient d'être déclenché pour faire perdurer la crise et sauvegarder, ainsi, leurs intérêts particuliers aux dépens de ceux de la patrie. Ce sont des trouble-fête que l'histoire jugera tôt ou tard.
-Ne voyez-vous pas que le fait de lier le processus constitutionnel et celui du gouvernement est un moyen détourné de récuser la feuille de route ?
-J'en conviens tout à fait, car le lien est arbitraire et les deux projets ne sont nullement indissociables, c'est-à-dire qu'il n'y a aucun rapport d'implication entre eux. Beaucoup d'indices vont, en effet, dans ce sens, et je me demande si ceux qui cherchent à gagner du temps sont conscients qu'ils en font perdre beaucoup à l'ensemble de la nation et qu'ils compliquent la situation au point de la rendre inextricable. Le quartet qui parraine le dialogue fera, je pense, de son mieux pour le faire aboutir et préserver l'intérêt supérieur de notre pays ; il désignerait, si nécessaire, la partie responsable de son échec comme il l'a déjà fait lors de la conférence de presse qu'il a tenue suite aux tergiversations continues de la Troïka. Quand l'intérêt du pays est menacé, il faut sévir contre tous ceux qui se permettent d'attenter à sa sûreté et ne rien leur concéder, car au moindre fléchissement, ils essayent de renforcer leur position pour apporter des coups encore plus meurtriers l'Etat et à la communauté nationale.
-Comment vous évaluez le comportement des députés de la majorité ?
En fait, ils se comportent exactement comme des parlementaires, étant donné qu'ils continuent à légiférer faisant comme si de rien n'était. Ils font la sourde oreille aux différents appels de la société civile et politique et affichent une indifférence et une nonchalance inquiétantes à l'égard de la crise très aigüe que connaît notre pays. Ces constituants qui continuent à siéger ont dépassé leur mandat limité à un an où ils étaient appelés à rédiger la constitution et organiser les élections prochaines, et malgré cela, ils se permettent de parler de légitimité, une légitimité périmée aussi bien par le temps que par l'échec cuisant. En réalité, leur attitude ne vise qu'à rester aux commandes le plus longtemps possible, ce qui est préjudiciable aux intérêts de notre peuple.
-Les syndicats des forces de l'ordre viennent de demander à leur ministre de présenter sa démission en raison de la confiscation de ses prérogatives par le chef du gouvernement. Soutenez-vous cette sollicitation ?
-Il est vrai que M le ministre de l'Intérieur n'a pas le contrôle de son ministère, vu que la nomination des hauts cadres se fait par le chef du gouvernement auquel ils font acte d'allégeance, ce qui fait que le premier n'a aucune autorité sur eux. Il est, donc, établi que M Ali Laârayedh est le patron effectif du ministère de l'intérieur, c'est lui qui dispose de tout et qui dirige tout au sein de cet établissement régalien, et M Lotfi Ben Jeddou n'en détient qu'un titre honorifique. En témoigne le fameux document émanant de la CIA dont ses subalternes administratifs ne l'ont pas tenu au courant. Toutefois, le problème ne se limite pas un ministre pris isolément, mais concerne l'ensemble du gouvernement qui est à changer conformément au projet présenté par le quartet.
-Depuis le déclenchement du dialogue national, on entend parler de plus en plus de l'Union pour la Tunisie et du Front Populaire et de moins en moins du Front de Salut National. Est-ce le début du démantèlement de cette coalition ?
-Pas du tout ! C'est tout à fait le contraire de ce que vous dites, nous collaborons étroitement et nous conjuguons nos efforts comme nous l'avons, toujours, fait depuis le départ, en vue de surmonter cette crise qui n'a que trop duré. D'ailleurs, les raisons qui nous ont rapprochés les uns des autres et qui ont servi de base à notre rencontre sont toujours là, et je dirai même qu'elles se sont renforcées encore davantage, vu que la Troïka s'obstine à rester au pouvoir en contournant l'initiative du quartet par divers moyens. Cette donnée majeure nous pousse à serrer les rangs, aujourd'hui plus que jamais, et à renforcer notre action commune pour défendre l'initiative et imposer son application par l'application de la feuille de route en recourant à tous les moyens pacifiques possibles. C'est de cette manière et pas autrement qu'on pourra sauver notre pays et le faire sortir de la crise dans laquelle il plonge depuis de longs mois. L'union pour la Tunisie et le Front Populaire sont en fait deux blocs politiques qui se complètent dans le Front de Salut et qui apprennent à mieux se connaître, à se conforter et à agir ensemble pour surmonter les divergences. On ne se cherche plus querelle comme avant, bien au contraire, on se consulte à propos de tout et on prend les décisions ensemble. Je peux dire que la réalité nous a dessillé les yeux et qu'une nouvelle mentalité est née chez l'opposition démocratique tunisienne.
-On ne cesse de soupçonner des rapprochements entre Nida Tounes et Ennahdha. Comment vous répondez à ces accusations ?
-Je dirai tout simplement que des coalitions politiques ou électorales de ce genre sont impensables tant qu'il y a divergence totale au niveau du projet sociétal et politique. Ennahdha défend un programme islamiste, elle a une conception autre que la nôtre en ce qui concerne la manière d'organiser la société ainsi que les lois régissant les rapports entre ses membres. Tandis que nous, nous prônons l'application des droits de l'homme dans leur universalité et leur généralité. Nous divergeons également sur le plan politique, étant donné qu'en tant que parti démocratique nous croyons à l'alternance pacifique au pouvoir, ce qui, visiblement, n'est pas le cas du parti au pouvoir qui donne l'impression de s'y agripper et de ne pas être disposé à y renoncer. La différence entre nous, à ce propos, est de taille : la démocratie est, pour nous, une culture, alors que, pour les islamistes, elle consiste en un ensemble de techniques dont ils usent juste pour accéder au pouvoir et dont ils se débarrassent et jettent à la poubelle comme des éléments usés une fois qu'ils sont sur le trône.
-La demande formulée par M Béji Caïd Essebsi concernant la destitution de président de la République est interprétée par ses adversaires politiques comme étant un subterfuge de sa part pour accéder à cette institution. Qu'est-ce que vous leur répondez ?
-La prise de position de M Béji n'a rien à voir avec le hôte actuel du Palais de Carthage. Il a déjà exprimé cela depuis le 6 février dernier à la suite de l'assassinat de Chokri Belaïd, assassinat qui a signé l'échec de la Troïka sur tous les plans surtout au niveau sécuritaire, ce qui a entraîné la démission du gouvernement de M Hamadi Jebali. Les deux têtes de l'exécutif, présidence de la République et gouvernement, sont issues de la Constituante, c'est, donc, tout le système politique du 23 octobre 2011 qui est à revoir. Ce n'est pas par des semi solutions qu'on va pouvoir rectifier les choses et réparer les préjudices énormes causés par l'ensemble de ce système dont aucun des protagonistes ne doit être épargné, tous ses acteurs se doivent d'assumer, solidairement, l'entière responsabilité qui forme un tout indissociable.
- Certains observateurs voient dans le visa accordé à M Hamed Karoui une manœuvre de la part de Ennahdha en vue d'exercer une pression sur Nida Tounes ? Comment vous appréhendez la question ?
-Personnellement, je ne le pense pas, et de toutes les façons, je ne veux faire de procès d'intention à personne ; je préfère m'en tenir uniquement aux propos tenus par l'intéressé. M Hamed Karoui a affirmé dans ses déclarations que son parti n'était pas créé pour contrecarrer Nida Tounes et qu'il n'avait pas pour projet de s'allier au parti Ennahdha. Nous en prenons acte.
-Comment vous réagissez en tant qu'universitaire face aux grandes menaces que connaissent l'indépendance de l'université et les libertés académiques ?
-En ce moment, l'université vit une vraie crise à cause de l'ingérence incessante de l'autorité de tutelle dans ses affaires. Cette dernière se permet de s'immiscer même dans des questions académiques et fait fi des structures élues qui sont chargées de ces fonctions pédagogiques. Pire, elle refuse de reconnaître les résultats des élections démocratiques organisées par les instances universitaires légitimes et impose les siens, ce qui veut dire que même l'université n'est pas épargnée de cette politique des nominations empruntée par le parti au pouvoir dans l'administration tunisienne. Les libertés académiques font partie intégrante des libertés publiques, elles sont, à ce titre, à défendre farouchement, car leur violation ouvre la voie à toutes les formes de répression de toute voix libre.


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