Les férus de bonne musique ont certainement été affectés par la disparition de l'un des plus grands musiciens de l'histoire de la musique Arabe à savoir Wadii Essafi qui nous a quittés le vendredi 11 octobre , à l'âge de 92 ans, suite à une longue maladie. Natif du 1er novembre 1921 dans le village de Niha au sein d'une famille très modeste, le chanteur libanais, de confession chrétienne , Wadii Béchara Francis (Essafi) surnommé "La voix du Liban" a débuté sa carrière de chanteur dès l'âge de dix ans (1938) avant d'obtenir, alors qu'il en avait dix sept , le prix de la meilleure interprétation devançant quarante quatre jeunes chanteurs. Et c'est à partir de 1941 qu'il a entamé ses nombreux périples en se rendant tout d'abord à Alep, le fief des Koudouds et autres Mouachahats, en compagnie de la célèbre Laure Daccache. Il enchaina avec l'Egypte en 1945 où il a travaillé avec Sabah et Nour El Houda. En 1947, et à l'instar d'un bon nombre de Libanais, il s'exila en Amérique du Sud et plus précisément au Brésil et ce jusqu'en 1950. A son retour au Liban, sa carrière connut progressivement un nouvel élan. C'est alors qu'il enregistra pour la radio Libanaise, de sa composition, "Ellouma, Ellouma" qui fit un tabac. A partir de là, Wadii Essafi, sa voix exceptionnelle et sa maitrise du luth aidant, a su gravir les échelons jusqu'à constituer, avec Fairouz , le duo représentatif de la chanson Libanaise authentique. D'ailleurs, c'est avec Fairouz qu'il participa, en 1959, pour la première fois au célèbre festival de Bâalabak. Il y a lieu de préciser que Wadii, dont le répertoire comporte plusieurs centaines de chansons, avait collaboré avec de grands compositeurs dont les frères Rahabani (Birouhi tilka el ardh), Baligh Hamdi (Ala rimch ayounha), Riadh Essombati (Nagham saher), Zakaria Ahmed (Ya lilet el aid) , Philmoun Wahba (Bitrahlak Michwar), Farid Latrache (Alallah teoud alallah) et Ilyès Rahabani (Tayer tayer qalbi tayer). De la composition d'Abdelwahab, qui a toujours été son idole, il interpréta tout particulièrement "Andak bahria" en plus de la reprise de treize de ses chefs-d'oeuvre (nous citons entre autres "El Ghondoul", "Ennahr el khaled", "Imta ezzamen" et "Inta omri"). De sa propre composition, il chanta notamment la fameuse "Allah yerdha alik ya ibni " et "Kafani ya qalbi ma ahmilou". Wadii Essafi a chanté l'amour, la Patrie, la famille et la prairie Libanaises ainsi que la Cause Arabe. Il a également abordé divers thèmes religieux et autres "Ibtihalats" (Implorations). Par ailleurs, il lui est arrivé, à plusieurs reprises, de chanter en français ("Je n'aime rien de la vie", "Au Liban", "Toi"), en anglais, en espagnol voire même en allemand. Ses paroliers furent essentiellement les frères Rahabani, Michel Tâama, Maroun Karam, Asâad Saba, Ily Chouiri, Ilyès Rahabani et Mustapha Mahmoud. Mais Wadii mit également en musique des poèmes de quelques grands noms de la littérature Arabe tels que Antara, Omar Ibnou Abi Rabiâa, Al Moutanabbi ,Abou Nawas, Abou El Ala El Mâarri ,Assamatou Al Kouchairi , Ilya Abou Madhi et Mahmoud Bayram Ettounsi. Entre 1946 et 1970, Wadii Essafi incarna des rôles dans cinq films musicaux dont trois furent réalisés par le regretté Mohamed Selmène, l'ex-époux de Najah Salam. Il participa également à des pièces de théâtre et des opérettes aux côtés de Fairouz, Sabah, Nasri Chamseddine et Najah Salam. Le grand Wadii, "Le géant de la chanson montagnarde", visita la Tunisie pour la première fois dans les années soixante. Mais nous avons eu l'occasion et l'énorme plaisir de le voir se produire lors de nos manifestations culturelles plusieurs fois depuis. Il était présent au festival international de Carthage où il chanta en duo avec Mohamed Jebali en 1999 puis avec sa concitoyenne Najoua Karam en 2005. En 2008, il était question qu'il soit parmi nous et qu'il anime la soirée d'ouverture du festival international de Sfax mais son état de santé l'en a empêché. Avec le départ de Wadii Essafi, la scène artistique Arabe perd encore un maillon fort d'une chaine qui se fragilise d'une année à l'autre. Paix à son âme.