La vente des pains (tabouna, Khobz chir, mbasess, mlaoui...) sur le bas-côté des routes, à l'entrée des marchés voire même des garages est devenue, ces derniers temps, un créneau qui attire de plus en plus de commerçants au vu des gains substantiels qu'ils réalisent et surtout de l'absence de toute forme de contrôle de la part des autorités compétentes. La majorité des espaces, réservés initialement aux piétons, sont squattés par les vendeurs du pain « noir » qui concurrencent les boulangeries industrielles. Ces commerçants qui échappent à tout contrôle, ont élu domicile dans les moindres recoins de la ville, lui conférant des allures de souk, où se négocient toutes sortes de marchandises. Sur certains tronçons, on trouve des dizaines de vendeurs des pains traditionnels collés les uns aux autres. Ce commerce informel est devenu le seul moyen pour que quelques familles puissent gagner leur pain. De nombreux jeunes chômeurs exercent ce genre d'activité, parce que ne bénéficiant d'aucune autre source de revenu. Ce phénomène a pris ses racines dans la société, bien que les autorités aient annoncé que toutes les mesures ont été prises pour mettre fin au commerce informel. Ces vendeurs sont obligés de vendre les fruits sur les routes pour subvenir un tant soit peu à leurs besoins. Fatma est habituée depuis maintenant trois ans à commercialiser le produit que sa maman confectionne à la maison, devant la porte du Marché Central. Sa mère gagne sa vie grâce à la tabouna et mlaoui. Amina se charge donc de la vente de ces spécialités pendant Ramadan et parvient à économiser une petite somme d'argent pour l'Aïd. Un peu plus loin, Salem a choisi de se spécialiser dans le khobz chir. «Je fais ce métier pendant Ramadan depuis l'année dernière. Je me débrouille pour avoir la marchandise de chez quelqu'un avec qui je partage la recette. Ce que j'arrive à gagner me permet de satisfaire certains besoins et d'avoir un argent de poche quoi que symbolique. C'est mieux que rien» D'autres garçons âgés de 14 à 17 ans vendent ce pain très demandé pour l'iftar. Ils partagent le même objectif : aider leur famille et se procurer une source de revenu qui leur évitera de devoir emprunter de l'argent ou de mendier Les gens transforment leurs maisons en ateliers pour préparer cette denrée alimentaire. Maher qui a obtenu son baccalauréat cette année, explique qu'il se lève tôt pour aider sa mère à préparer le kobz tabouna et le distribuer aux magasins et aux vendeurs ambulants."Cette année, je mettrai un peu de cet argent de côté pour payer mes études à l'université" Il est vrai que le Tunisien consomme, lors du mois de Ramadan, trois fois plus de pain, En dépit de l'émergence de différentes variétés de pain similaire ou très proche au traditionnel, l'engouement pour le pain traditionnel préparé à domicile est de plus en plus grandissant. La forte demande sur ce pain oblige les ménagères, dont une mère de famille habitant à Hammamet à proximité de l'autoroute, à préparer des quantités dépassant leurs prévisions. Ses deux fils font plusieurs navettes (aller et retour), incessants jusqu'à la prière d'El Asr, pour satisfaire la demande de plus en plus croissante des clients. Ils sont plus d'une centaine de femmes à s'installer de 14h00 à 19h00 le long de ce tronçon pour écouler leur pain « tabouna » . A 800millimes la pièce, à prendre ou à laisser ! Chacun dicte sa loi. Les gens achètent et ne reculent pas « Je suis obligé d'acheter un kg chaque jour car mes deux enfants ne veulent pas manger le pain industriel. C'est cher. La qualité est douteuse car la préparation du vrai pain traditionnel exige du levain naturel, de l'expérience et du temps de fermentation plus long » nous confie Leila. Jamel boulanger estime que ces pains ont perdu en saveur. La faute en est aux procédés (fermentations courtes et pétrissage intensifié) et à la qualité de la farine. Mais ces boulangers traditionnels clament haut et fort leur qualité d'artisans de proximité durant ce mois sacré. Ils sont toujours « votre boulanger » qui façonne avec amour un pain authentique dans le respect de la tradition. Mais à quel prix ?