Lançant un sanglant défi, le porte-parole officiel d'Ansar charia, Seifeddine Erraies, ne s'est pas empêché, vendredi soir, après la prière d'el-Icha, à la Mosquée Okba Ibn Nafaâ à Kairouan , de dire tout haut l'allégeance de son organisation à Aboubakr Al Baghdadi , « émir » de Daech, qui s'est autoproclamé dernièrement calife de ce qu'il a appelé « l'Etat islamique de l'Irak et du Levant». Seifeddine Erraies, porte-parole officiel, d'une organisation interdite, classée terroriste, enseigne à Sousse et prononce librement ses prêches, dans l'une des mosquées notoires de la Tunisie et aussi du monde musulman. Uncamouflet au nez et à la barbe de l'Etat et de l'ANC, tandis que celle-ci se perd en conjecture pour aller chercher une définition au terrorisme, dans le projet de loi sur le terrorisme qui tarde à être voté. Les liens de parenté entre Daech et Ansar Chariaâ ne sont plus à démontrer. 80% des combattants de Daech sont des Tunisiens. Leur enrôlement a été effectué par Ansar Chariaâ. Néji Jelloul, universitaire spécialiste dans les mouvements islamiques, considère que les liens familiaux entre Daech et Ansar Chariaâ sont très développés. Des divergences avaient surgi, dans le passé, entre Ansar Chariâa et Al-Qaïda. Plusieurs observateurs estiment que Daech est infiltré par les services de renseignements américains ainsi qu'Ansar Chariaâ. Sur le plan politiqueet médiatique Daech a malheureusement réalisé des succès considérables. « Le Tunisien a des préférences pour les partis forts. Depuis des mois j'avais dit que tout allait dans le sens de l'adhésion d'Ansar Chariaâ à Daech. Sociologiquement, Daech est presqu'une organisation tunisienne. Son succès va doper les Jihadistes tunisiens. Ils sont gonflés à bloc avec un moral au zénith », déclare au Temps notre universitaire. Néji Jelloul reproche à l'Etat son laxisme. « Seifeddine Erraies a parlé à Kairouan. Personne ne lui a demandé quoi que ce soit. Je ne dis pas qu'il y a complaisance, mais il me semble que les autorités tunisiennes ne réalisent pas la gravité du problème. En plus il y a la banalisation du terrorisme. C'est très grave que le terrorisme fasse partie de notre quotidien. Nous risquons d'avoir de mauvaises surprises pendant la campagne électorale », prévient l'universitaire. Le terrorisme menace la stabilité du pays. Il est urgent de mettre sur pied une stratégie pour accueillir les jihadistes de retour, sur la base d'enquêtes très approfondies. Ils doivent rester sous contrôle sécuritaire pendant un moment bien déterminé tout en respectant les Droits de l'Homme. Il faut essayer de les réintégrer dans la vie socio-économique avec le concours des hommes de religion, des sociologues et des psychologues. Il faut discuter avec eux de façon à rectifier leurs idées extrémistes comme le Takfir et le Taghout. Cette stratégie devrait se faire en collaboration avec nos voisins. Sur le plan sécuritaire le travail doit se faire à l'échelle maghrébine. Une campagne médiatique doit être lancée pour expliquer les dangers de ce mouvement et présenter une lecture plus saine et plus tolérante de l'Islam. Les élections doivent être tenues dans leurs délais. Un Gouvernement stable avec des institutions permanentes aura plus de latitude à combattre le terrorisme. Certains spécialistes estiment qu'il ne faut pas succomber à la phobie d'Al-Qaïda et des mouvements terroristes en général, car ces mouvements comptent sur la propagande médiatique pour prospérer.