Un peu plus tard, nous sommes sur la plage et je retrouve tous ces beaux coquillages que j'ai vus disparaître des plages de la Méditerranée. Ici ils sont présents par milliers et ils nous dessinent des oiseaux dans le sable à chaque fois que l'eau se retire. Ils sont si gros qu'ils se substituent aux galets pour ricocher. Marrons, blancs, oranges, gris, noirs, ils s'harmonisent comme les pièces d'une mosaïque romaine déposées par le hasard sur le sable mouillé. J'en ramasse quelques uns comme une preuve de mon passage. Le ciel gris s'est transformé en une pluie fine qui n'a pas l'air de déranger les albatros. Nous non plus elle ne nous dérange pas. Elle est tellement légère que les gouttelettes sont presque agréables. Et loin dans l'horizon on peut voir son inconstance. C'est sur l'avis d'un vieux pompiste rencontré sur le chemin du retour, que nous avons décidé de passer la nuit à Rawene. Nous avons donc parcouru quelques dizaines de kilomètres supplémentaires puis embarqué notre voiture sur un petit Bac avant d'arriver de l'autre côté. Il était 18h quand nous avons débarqué à Rawene et les enseignes s'éteignaient déjà. Le rythme de vie extérieure, notamment dans les provinces, est essentiellement basé sur la course de la terre autour du soleil. Quand il se couche, tout se passe à l'intérieur des maisons et les rues sont désertes plongeant la ville dans une pudeur mystérieuse qui ne se s'effacera que le lendemain matin à notre plus grand bonheur. Nous nous sommes réveillés dans un cadre merveilleux entouré de marais et de montagnes. Rawene, toute petite ville de pêcheurs avait une âme que nous n'avions alors trouvée nulle part ailleurs. Quelques façades modestes mais colorées, une cabane de pêche sur pilotis réinvestie en café, des petites barques blanches alignées en série apportaient une série de contrastes intéressants. Je me voyais bien m'y arrêter quelque temps. Rester en prétextant que je devais y écrire des milliers d'histoires encore. A la sortie de la ville, un ponton en bois cheminait parmi des mangroves. Ce décor qui m'était totalement inconnu m'inspira soudainement fascination et chaos. Au cœur de ce terrain vaseux et odorant des arbres poussent et fleurissent comme au beau milieu d'un pré. C'est le principe d'une mangrove me direz-vous, mais quand on n'est pas habitué à ce genre de paysage, c'est surprenant. Intriguée par un bruit incessant de bulles qui éclatent, comme si la boue sous nos pieds bouillonnait, je me penche en avant. L'action est très rapide mais je peux voir que ce sont en fait des milliers de petits insectes qui s'enfoncent dans leurs trous, apeurés par la lourdeur de nos pas sur le bois. On entend encore ses oiseaux invisibles qui chantent sur nos têtes. La promenade s'achève mettant fin à cet inoubliable séjour dans les terres et les mers du nord de la Nouvelle-Zélande. Ce soir nous serons de retour à la maison, le cœur grandi de sentiments nouveaux et la tête débordante de souvenirs. Difficile de croire que tout cela ne représentait qu'un dixième du pays et qu'il reste tant de choses à découvrir encore. L'idée de devoir maintenant raconter ce premier voyage me donne un petit trac. Aucun mot ne pourra fidèlement expliquer ce que j'ai ressenti ni décrire ce que j'ai vu. La photographie, si artistique soit-elle, n'en serait qu'une reproduction banale et inexpressive. Leyla Katarina CHERIF