Toute l'année, même en été, malgré l'absence d'une belle plage à proximité immédiate de la zaouïa de Sidi Daoud, y aller en « pèlerinage » est un plaisir. Les vestiges historiques qui l'entourent puis quelques kilomètres plus loin, vers l'Ouest, une très belle plage de sable accessible par une grande piste forestière justifient amplement le déplacement.
LE SITE
Une petite route goudronnée, y mène, à partir de la route conduisant à El Haouaria. On circule d'abord entre de petits champs plantés de piments, de tomates, parfois de pommes de terre ou d'arachides et délimités par des haies de maïs ou, parfois, de roseaux. Actuellement, Sidi Daoud est célèbre pour ses pêches aux thons. Dans l'Antiquité, on devait fabriquer ici du « garum » : sauce de poissons salés très appréciée des Romains. De nombreuses éoliennes immenses couronnent les collines, vers El Haouaria et assomment de nombreux oiseaux de passage parce qu'elles tournent, la nuit, dans une des plus importantes voies de migration ! Puis, on arrive au village blotti le long d'un rivage rocheux. Les jours de vent, les vagues crêtées de mousse nacrée se brisent avec fracas sur les récifs déchiquetés. Par beau temps, les vaguelettes brodent d'argent les grès ocre foncé. La mer, lavée de jade ou de turquoise, au bord, puis, bleu marine rejoint l'azur à l'horizon, où se découpent les silhouettes des îles de Zembra et Zembretta plus petite. Des maisons aux murs chaulés, émerge la silhouette massive du sanctuaire. La Koubba de Sidi Daoud a été entourée par des chambres destinées à loger les pèlerins. Leur mur, aveugle vers l'extérieur, donne au sanctuaire l'aspect d'une citadelle surmontée d'une grande coupole entourée de quatre petits dômes. L'entrée principale s'ouvre face à la mer. D'après ce qu'on nous a raconté, Sidi Daoud serait venu du Maroc au XIIIème siècle et se serait établi en ces lieux où s'élevait un Ribat : un monastère fortifié. A cette époque, il en existait une « chaîne » tout au long des rivages tunisiens à l'instar de celui de Monastir. Des sages, pieux et instruits, y séjournaient et enseignaient les règles religieuses. Ils servaient aussi de combattants et surtout d'entraîneurs d'hommes en cas d'attaque ou de débarquement des soldats chrétiens, les Normands de Sicile en particulier. Il ne reste pratiquement rien d'une ville musulmane qui aurait existé ici à cette époque. La ville « romaine », appelée Missua, qui l'avait précédée et dont le nom est mentionné sur une mosaïque trouvée à Ostie, le port de Rome, devait donc avoir une importance certaine en matière d'échanges commerciaux. Il n'en subsiste que les quelques pauvres vestiges informes de thermes et les innombrables quadrilatères, émergés ou couverts d'eau, prouvant l'importance des carrières locales. On peut voir aussi, au bord de la mer, un « bassin » taillé dans les rochers. Etait-il un « vivier » où conserver des poissons vivants ou les restes d'une extraction de blocs rocheux ?
LES PROMENADES
A partir du sanctuaire, on peut emprunter un sentier sablonneux qui longe les carrières taillées dans le littoral, vers le Sud-Ouest. On rencontre, au lieu-dit Aouinet Lâgha, deux excavations creusées dans un banc de pierre. Tombeaux ? Silos à grains : « Matmour » ? De quelle époque ? Puis, après une flânerie longue de 4,5 kilomètres environ, on arrive à la source appelée Aïn Ed Diab. De nombreuses camionnettes viennent y remplir des montagnes de petits bidons de plastique qu'elles vont vendre jusque sur la côte Sud, à Korba et Béni Khiar, tant cette eau est recherchée. Cinq cent mètres plus loin, se dressent les ruines d'un « corps de garde » construit sur les roches du Kef Ghrab. Tout le littoral du Cap Bon a été garni de ces petits forts où logeaient, au XIXème siècle surtout, de petites garnisons qui protégeaient les rivages des incursions, italiennes, surtout. On peut très facilement parvenir à cette plage proche d'Aïn Ed Diab en ressortant sur la route nationale et en la remontant vers l'Ouest, c'est-à-dire en s'éloignant d'El Haouaria, sur un peu plus d'un kilomètre. Dès que la route est bordée de pins à droite, on ralentit car on va emprunter la première piste qui s'enfoncera dans la forêt. On la suit, on dépasse la source, souvent entourée de camionnette et on arrive près de la plage. L'été, elle est d'autant plus intéressante, qu'elle est peu connue, donc peu fréquentée. Seuls, les habitants des maisons voisines y viennent ! Tout près, une jeune forêt de pins pignons invite les randonneurs à venir déjeuner. Mollement allongés, à l'ombre, sur un maigre gazon, « grisés » par les senteurs de la forêt et des sous-bois, ils écoutent d'une oreille distraite, les vaillants curieux leur faire l'inventaire de la flore méditerranéenne : palmier nain, lentisque, bruyère, « hendi » : figue de Barbarie, « guendoul » épineux et mandragore mortellement toxique aux clochettes bleues : « Teffah El Ghoul ». La chimie médicale en extrait des alcaloïdes qui traitent les maladies mentales. Au Moyen-Âge, en Europe, on pensait qu'elle poussait un cri mortel quand on arrachait sa racine « anthropomorphe ». Aussi la faisait-on extraire par un chien ... noir ! Des morceaux secs de la racine étaient réputés apporter la richesse à leur propriétaire ! L'après-midi, les marcheurs infatigables peuvent aller jusqu'au port de Sidi Daoud. La diminution dramatique des thons rouges en Méditerranée explique, peut-être, que seuls des « palangriers » et des barques dotées de projecteurs, pour la pêche à la sardine, soient amarrés le long des quais. L'absence de gros mulets « kerchou », celle momentanée de belles daurades grasses et celles des loups qui ne viennent au bord qu'en hiver, à la fin de la tempête, justifient la mine déconfite de quelques pêcheurs à la ligne, ce jour là. Mais une longue promenade, le long du rivage, en direction d'El Haouaria est à même de contenter tout le monde. On commence par cheminer au bord de la mer en constatant qu'ici aussi, d'année en année, des « villas d'été » sont construites les unes à côté des autres le long du rivage bien que tout le monde sache que le « bétonnage » du littoral nuit beaucoup à la mer. 1,5 kilomètre environ après avoir commencé à marcher sur la piste de sable, on découvre les vestiges du « Borj El Mdaouer » : un autre corps de garde côtier. 1,5 environ plus loin, on arrive à un cap bien découpé : Ras El Ahmar. On découvre dans la crique une pêcherie abandonnée et un peu en retrait, à l'intérieur des terres, un champ de vestiges antiques. Ce serait peut-être les ruines de ville romaine : Aquilaria. Quel dommage, au moment où on parle beaucoup de tourisme alternatif, que cette côte ne soit pas mieux mise en valeur ! Puis, l'ombre est descendue du ciel et des collines d'El Haouaria, a enveloppé Zembra et s'est étalée sur la mer. Alors, les cris des mouettes et des goélands ont sonné l'heure de s'en aller, au terme d'une belle journée.