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L'invitée du dimanche: Tasnim Gazbar, tête de liste de l'Union Pour la Tunisie (UPT) à la circonscription de la Manouba..«Le vote utile n'est qu'un prétexte pour renforcer la bipolarisation»
Publié dans Le Temps le 14 - 09 - 2014

C'est une jeune femme qui a quitté Nida Tounes, au mois de juin dernier, pour se rallier, tout de suite après, à l'Union Pour la Tunisie où elle se sent beaucoup plus à l'aise. Là, on lui fait, pleinement, confiance. Cette universitaire se réjouit en tant que femme et aussi en tant que jeune et donne libre cours à ses ambitions qui étaient refoulées auparavant. Selon elle, la femme ainsi que les jeunes peinent encore à trouver leurs marques et la place qu'ils méritent amplement sur l'échiquier politique à cause de l'attitude hégémonique des hommes et de leur main mise sur ce secteur qu'ils considèrent comme leur chasse gardée. En fait, ce comportement leur est dicté par une certaine éducation culturelle qui leur enseigne aussi bien le paternalisme que le machisme. Toutefois, ces acteurs potentiels écartés ne sont pas, toujours, des victimes, car, parfois, ils sont la cause de leur propre exclusion. Soit qu'ils n'aient pas la stature qui sied pour pouvoir s'investir dans un champ qui requiert beaucoup de compétences et de savoir-faire, soit qu'ils choisissent, délibérément, de se mettre à l'écart de la scène politique.
Pour elle, les femmes devraient se battre dans cette société patriarcale et misogyne pour s'imposer et arracher leurs droits confisqués. Des jeunes, oui, mais faudra-t-il encore qu'ils aient l'aptitude à assumer des rôles d'avant-postes afin qu'ils puissent éviter d'être manipulés par certains partis politiques qui font d'eux un moyen de propagande et rien de plus. Notre invitée, qui est Dr en gestion et expert consultant, se livre à cœur ouvert et ne mâche pas ses mots pour dénoncer certaines pratiques qu'elle juge malsaines et qui sont de nature à fausser les résultats des prochaines élections. Elle incrimine plusieurs parties, à ce propos, dont, entre autres, les instituts de sondage.
-Le Temps : sur quelle base vous-a-t-on choisie tête de liste ?
-Tansim Gazbar :ce choix s'explique, tout d'abord, par ma qualité d'universitaire, représentant un secteur qui a son poids dans le pays. Ensuite, parce que je suis une femme activiste de la société civile, de longue date, et je continue de l'être. C'est aussi parce que j'ai tenté une expérience politique après la Révolution dans le but d'apporter ma contribution à la réussite de la transition démocratique en participant à des débats nationaux et internationaux et en organisant des manifestations. Donc, il y a eu une mobilisation de ma part qui a fait que je sois visible et appréciée par les acteurs de la société civile et politique.
-Comment s'est déroulé votre glissement de la vie associative vers la vie politique ?
-En fait, j'étais consciente que l'effort fourni par la société civile, après la Révolution, était important pour la transition vers la démocratie, la justice transitionnelle et la dignité, c'est-à-dire pour la réalisation des objectifs de cette révolution. Nous étions des activistes qui aspirions à un changement et qui proposions des programmes ; nous étions assimilés à une force de proposition qui œuvrait à implémenter, réellement, le changement souhaité qu'on discutait avec les partis politiques et le gouvernement. Nous défendions des problématiques inhérentes aux différents secteurs auxquels on appartient. Personnellement, je prenais la cause de l'enseignement supérieur à cœur et j'ai fondé avec des collègues une association pour la réforme du système universitaire. Ensuite, nous avons créé, avec un groupe d'activistes de la société civile, la « Fondation Averroès pour la démocratie et le progrès », dont le président était Hakim Ben Hammouda, l'actuel ministre de l'Economie et des Finances, le secrétaire général, Ghazi Ghraïri, et la directrice administrative et financière, moi-même. Nous étions le premier « Think tank » qui croyait pouvoir influencer la donne politique par une force de proposition adaptée, et nous nous étions engagés dans cette voie d'expertise pour dire que nous, les experts, nous étions au service de la politique. Du fait que nous tenions à rester neutres, nous n'étions pas, pour autant, à l'abri des influences de cette dernière, étant donné qu'il y avait parmi nous des fondateurs qui faisaient, en parallèle, un peu de politique.
-Qu'est-ce qui a motivé votre décision de vous engager sur un terrain aussi escarpé?
-En voyant que la volonté politique n'allait pas dans le sens souhaité, qu'elle était faible pour exécuter, réformer et implémenter, on s'est dit qu'il y avait quelque part une panne politique dans les structures des partis ou un vide politique qu'il fallait combler par des gens qui soient à la fois experts et patriotes qui puissent ajouter de l'expertise à la donne politique, la rendre beaucoup plus consistante et lui donner de la matière. Réellement, c'est ce qui a fait que j'ai commencé à me persuader de la nécessité de migration d'une partie de la société civile vers la sphère politique. Notre objectif consiste à rapprocher les forces démocratiques les unes des autres auxquelles manquait une vision stratégique que nous, les experts, pourrions apporter. Nous étions invités par des partis politiques et, personnellement, j'ai répondu favorablement à ces invitations, parce que je voyais, comme je l'ai précisé plus haut, que le changement n'allait pas dans la bonne direction. Il fallait être, donc, parmi ceux qui traçaient des orientations pour le pays et qui les défendaient, c'est-à-dire que notre modèle était menacé, qu'il n'y avait pas de politiciens qui arrivaient à assumer, comme il se doit, cette tâche et qui n'étaient pas assez charismatiques. Donc, la participation de la société civile s'imposait, en raison du fait qu'il y avait du charisme en son sein qui manquait aux partis politiques où il y a, parfois un leader ou deux autour duquel tout le monde gravitent. Pour nous, il faut qu'il y ait beaucoup de leaderships, de gens charismatiques, de gens influents qui arrivent à fédérer les Tunisiens autour d'un projet, d'un modèle de vivre ensemble, d'une vision démocratique partagée et de réformes consistantes. On n'a pas réussi à unifier les forces démocratiques à partir de la société civile c'est pourquoi on a décidé de migrer vers la vie politique. On voulait réduire les tensions qui existaient, et on était convaincu que notre modèle n'était pas menacé par le modèle opposé, c'est-à-dire le modèle islamiste, mais par le modèle moderniste qui était menacé de l'intérieur par ses concepteurs et ses défenseurs à cause de la structuration défaillante de leurs partis respectifs. C'est le constat que j'ai établi vers la fin de 2011 et auquel je reviens aujourd'hui encore.
-Est-ce que vous voulez dire par là que les forces démocratiques sont aussi éparpillées qu'elles l'étaient en 2011 ?
-En fait, je ne dirai pas qu'elles sont plus dispersées, mais qu'elles le sont encore assez. Il y a quant même un léger mieux, vu qu'elles ont essayé de s'unir autour de l'UPT et du Front de Salut National. Cette union était faite surtout pendant des moments de crise et d'instabilité sécuritaire qui secouaient le pays à cause des assassinats politiques et du terrorisme qui s'installe. Pour cette seconde coalition, j'étais persuadée, depuis le départ, qu'elle était momentanée, mais concernant la première, j'étais convaincue qu'elle allait perdurer dans le temps et se structurer. Il s'est avéré, par la suite, que ce n'était pas aussi évident que ça, vu les divisions, les égos et les différentes visions. Il est vrai qu'on porte le même projet, cependant on a des stratégies différentes pour arriver au pouvoir, mais après les élections, toutes les composantes de cette union vont se retrouver. Donc, quoi qu'il en soit, je pense que l'UPT existe encore et que cette division est momentanée, elle va durer le temps des élections, en ce sens que chacun veut mener la bataille électorale en solo, pour des raisons politico-politiciennes, juste pour savoir combien il pèse dans la balance électorale. Cela n'empêche que la coalition va se faire quels que soient les circonstances et les taux obtenus par chacun d'entre eux. Al Massar, le PTPD et les indépendants, dont je fais partie, vont réunifier tout le monde au parlement autour de l'UPT. Il s'agit d'une vision qui est partagée par les fondateurs de cette union.
-Mais à partir du moment où interviennent des calculs partisans, peut-on encore parler de coalition ?
-Je pense que les calculs politico-politiciens ne servent à rien dans l'absolu, bien au contraire, ils mènent à davantage d'éparpillement et de désunion même par rapport à son électorat, qui, en vous voyant, une fois, unis, et une autre fois, désunis, ne vous fait plus confiance. En dépit des égos et des intérêts partisans, les rencontres entre les différents secrétaires généraux des partis continuent et se multiplient même. Samir Taieb a déclaré que Nida Tounes était notre allié. Je pense que ni l'UPT, ni Nida Tounes, ni Al Jomhouri, ni même le Front Populaire n'ont d'autre choix que de se rassembler au sein d'une coalition élargie, à l'instar du FSN. Ce dont on a tous besoin, maintenant, c'est le poids électoral, c'est là où réside le vrai enjeu. La division n'est pas profonde, et il ne faut pas s'inquiéter, parce que la famille finit, toujours, par s'unir. Il n'existe pas entre nous de grands points de différence. Pour revenir, encore une fois, à l'UPT, il aurait été, certes, préférable que tous les partis soient ensemble, mais quand l'un d'entre eux se retire et qu'il décide de faire cavalier seul, les autres ne peuvent pas l'en empêcher.
-Cette désunion ne risque-t-elle pas d'éparpiller les voix pour l'UPT?
-Pourvu que ces voix restent dans l'enceinte des forces démocratiques, mais il ne faut pas en privilégier les unes aux dépens des autres. Il y en a qui sont nouveaux et d'autres qui sont anciens, et chacun a son timbre. Et il y a aussi des Tunisiens qui s'identifient plus à l'un qu'à l'autre, à un militantisme particulier qui peut être ancré dans l'histoire, ou bien à un parti récent qui se présente comme alternative. On sait très bien que les Tunisiens font la différence. Globalement, on aspire, tous au même modèle, à savoir le modèle démocratique moderniste d'une Tunisie digne et prospère, cependant, je pense qu'il faut laisser le libre choix aux Tunisiens, ce qui est respectable en lui-même et non pas dramatique, comme certains essayent de le dépeindre. L'UPT continue à lancer des appels aux démocrates pour les persuader de la nécessité de s'unir et œuvre, toujours, à le faire. Elle n'a pas lâché la structure, elle est restée fidèle à ses promesses.
-Quelle est votre position vis-à-vis de ce qu'on appelle le vote utile ?
-On en entendait parler, depuis un certain temps, quand la campagne a commencé discrètement. En réalité, on a essayé de manipuler les Tunisiens, par le biais des sondages politiques, en leur mettant dans la tête une idée erronée selon laquelle le « vote utile » permet de consolider des votes déjà existants en faveur d'une grande masse en se focalisant sur l'exigence de faire le contrepoids à Ennahdha et de la contrer. Il faudrait savoir que ce « vote utile » ne servirait que la bipolarisation stérile qu'il rendrait de plus en plus stérile. Dire qu'un tel parti bénéficie d'un grand pourcentage et qu'il faut le renforcer davantage ne donnerait aucune chance aux partis démocratiques qui sont bien enracinés dans l'histoire, qui sont connus pour leur militantisme sans égal, qui ont fait leurs preuves sur le terrain et qui ont des militants intègres auxquels on voudrait ravir le droit d'exister en tant que forces démocrates au sein du parlement. Donc, pour moi, il faut travailler sur plusieurs électorats, et le vote juste, c'est le vote intelligent, le vote libre. Dire aux gens que si vous ne votez pas utile, c'est-à-dire donner sa voix aveuglément à un parti particulier, celle-ci sera jetée à la poubelle est, tout simplement, du leurre. Il y a, en moyenne, cinq/six partis valables qui ont du poids et qui devraient exister ; les priver de leurs masses électorales respectives sous prétexte du « vote utile », c'est un maquillage qui biaiserait la donne et qui ne renforcerait même pas le camp des démocrates. Alors, il faut les placer tous sur un pied d'égalité et ne plus parler de ce soi-disant « vote utile », parce que c'est du non sens.
-Est-ce que vous entendez par là que les instituts de sondage ont contribué à l'émergence de cette bipolarisation de la vie politique en Tunisie ?
-C'est exactement ça, les sondages qui ont été menés, tout au long de la phase de transition démocratique, ont participé, de près ou de loin, à l'installation de cette réalité. En tant que spécialiste en analyses de données, je peux dire que la majorité des sondages publiée n'a pas respecté les méthodes scientifiques et dont la représentativité même des échantillons était restreinte. D'ailleurs, je me demande pourquoi ces instituts n'ont-ils pas employé tous les moyens qui étaient à leur disposition pour agrandir ces échantillons pour faire des sondages plus crédibles. Je crois que le jeu politique a fait que ces derniers étaient conçus juste pour influencer l'opinion publique. De plus, il n'y avait pas de transparence au niveau du financement de ces opérations de sondage, on ne savait pas par qui elles étaient financées. Il était clair que l'intention, se trouvant derrière les taux très élevés qu'on attribuait à de nouveaux partis, après un/trois mois de leur apparition, c'était de faire le contrepoids. C'était un peu travaillé sur l'état d'esprit de l'électorat. En d'autres termes, on a médiatisé les sondages dans le but d'orienter l'opinion publique. Je crois que cette bipolarisation va maintenir l'abstention de cet électorat, qui s'est manifestée d'une manière très sensible en 2011, sinon l'agrandir, ce qui l'arrangerait. L'électorat est en phase d'apprentissage et n'est pas assez mûr pour se reconnaître dans des partis. C'est la raison pour laquelle il va vite vers les sondages qui l'appellent, ainsi, à entériner leurs résultats, ce qui conforte certaines positions.
-Le trait marquant des élections de 2014, c'est la présence massive des jeunes sur les listes partisanes. Comment jugez-vous ce phénomène ?
-Leur présence massive dans le monde politique de l'après révolution s'explique par leur volonté de changement et de prendre leur destinée en main. Ils tiennent à fournir l'effort qu'ils n'ont pas fourni avant, étant donné qu'il n'y avait pas assez d'espace pour qu'ils puissent s'impliquer dans la vie politique et relever des défis. Néanmoins, tous les jeunes n'ont pas la même qualification pour intégrer cette sphère, aujourd'hui. Il y en a ceux qui sont qualifiés, qui ont l'aptitude à faire de la politique qu'il ne faut pas confondre avec le potentiel de compétence, en ce sens qu'on peut être compétent et jeune sans pour autant avoir cette aptitude.
Donc, l'idéal serait de combiner ces deux qualités pour pouvoir bien réussir dans ce domaine. Ce sont deux conditions nécessaires mais pas suffisantes, car il faut qu'il y ait aussi de la morale. Au-delà de ces considérations, je dois reconnaître que les jeunes ont été, également, exploités par les partis politiques pour assurer la mobilisation. D'autre part, il y a beaucoup de jeunes qui ont quitté les partis, au cours de cette phase électorale, parce qu'après tous les efforts qu'ils ont consentis on leur a, carrément, fait savoir qu'ils n'avaient plus rien à faire, que leur tâche était terminée.
Les jeunes tunisiens sont très conscients de cette réalité, ils savent très bien qu'ils étaient manipulés. Mais, ils ne baissent pas les bras, ils sont là, ils se battent pour inverser la donne et arracher leur place, et c'est ça la force de la jeunesse. Personnellement, je les encourage à tenir bon et à persévérer dans cette voie, comme j'encourage ceux qui sont encore dans des partis, je les appelle à y rester en vue d'acquérir de l'expérience, comme l'ont fait nos parents et nos grands-parents, et à essayer d'opérer le changement de l'intérieur.
-Contrairement aux jeunes, on remarque que la femme n'est pas assez présente dans la vie politique. Quelles en sont les raisons, d'après vous ?
-La femme tunisienne est militante par nature. Qu'elle soit dans le monde politique, au foyer ou partout ailleurs, elle fait, indirectement, de la politique. Autrement dit, elle est, toujours, actrice dans ce domaine, sans qu'elle ne soit pour autant responsable ou adhérente au sein d'un parti. Cependant, sa présence timide s'explique, à mon sens, par différents types d'arguments. Les femmes démissionnent, volontairement, quand elles ne s'estiment pas assez compétentes ou assez prêtes pour pouvoir participer à la vie politique bien qu'elles en soient capables. C'est une attitude négative, car même si on n'a pas l'aptitude requise, il faut commencer et s'engager et l'expérience va jouer son rôle, le terrain va nous apporter beaucoup d'appui pour la formation politique. C'est le chemin par lequel je suis passée, personnellement, je n'ai jamais fait de politique auparavant, mais en défendant des causes, j'ai pu me forger une expérience ; la société civile m'a préparée pour entrer dans la sphère politique qui m'a ouvert les yeux sur ce monde et qui me prodigue encore des apprentissages additionnels pour améliorer ma formation. Donc, j'invite les femmes qui pensent qu'elles ne peuvent pas s'engager dans la politique à essayer de le faire. Parallèlement à cette catégorie de femmes, il y en a celles qui choisissent, volontairement, de ne pas faire de la politique, parce qu'elles estiment que c'est un jeu immoral. Pour ce qui est de la démission involontaire, elle est imposée par les contraintes de la vie de tous les jours, contraintes de tout ordre, professionnelles, familiales qui ne leur laissent pas le temps nécessaire pour s'adonner à des activités politiques ou autres en dépit de leur disposition psychologique et leur grand désir d'y prendre part. Mais il y a aussi la contrainte culturelle due à la société qui reste, profondément, machiste et patriarcale. Certaines femmes, qui sont engagées politiquement, parviennent à s'affranchir de ces chaînes de l'habitude bien qu'elles aient une vie professionnelle et une vie familiale grâce à leur détermination à combattre ces carcans sociaux. Le passé de la Tunisie, surtout la période allant de Bourguiba à Ben Ali, n'a pas fait naître des femmes leaders en politique. Le leadership, dans notre pays, a toujours été mené par l'homme. C'est ce qui a fait que l'effet culturel a continué son bonhomme de chemin et on a même oublié l'histoire d'Alyssa et d'EL Kahna. Nos femmes tunisiennes ont besoin de se retrouver dans des profils qui existent dans la société civile. C'est pourquoi elles trouvent le temps de faire des activités au sein d'associations qui prennent, pratiquement, le même temps qu'elles devaient consentir pour les activités politiques. Elles peuvent se libérer pour les unes et pas pour les autres, parce qu'on continue à attribuer les premiers rôles politiques aux hommes et à les en exclure systématiquement au nom de cette approche culturelle rétrograde.
-Plusieurs élèves, parmi ceux qui abandonnent les bancs de l'école prématurément, et plusieurs étudiants partent au jihad en Syrie, en Iraq et ailleurs. Comment expliquez-vous le phénomène en tant qu'enseignante ?
-Je pense que ce qui a déclenché ce phénomène c'est surtout le niveau de vie des Tunisiens. Cette réalité fait que les familles de la classe pauvre et aussi une partie de la classe moyenne ne supportent plus les charges de leurs enfants. Mais parallèlement à cela, la vulnérabilité intellectuelle de ces derniers facilite leur endoctrinement par les terroristes. C'est, en fait, la résultante, de structures d'enseignement qui ne sont pas capables de les retenir en leur permettant d'atteindre un certain niveau de conscience. Le système éducatif est défaillant à tous les niveaux, il n'y a pas eu de réformes de fond, ni même superficiel d'ailleurs, pour assurer une bonne qualité d'enseignement qui soit susceptible de faire évoluer les esprits et de les immuniser contre ces dogmes fanatiques. Il y a une rupture totale entre l'enseignement et l'environnement social.
Les modules n'ont pas assez de consistance pour pouvoir éveiller, dès leur jeune âge, les jeunes sur certaines problématiques actuelles. Pourquoi ne pas introduire un module d'éducation civile ? Les encourager à créer des clubs ? Egayer les milieux scolaire et universitaire et les rendre des endroits récréatifs ? Installer des cellules psychologiques pour les écouter et savoir quels sont leurs problèmes ? Les enseignants aussi devraient faire un effort et se rapprocher de ces jeunes pour les dissuader de quitter l'école, le lycée ou l'université. Il faudrait être conscient de l'urgence de réformer le système éducatif ne serait-ce que partiellement, c'est-à-dire sur le court terme afin de diminuer ce taux de fuite de ces apprenants qui seraient ainsi une proie facile pour les terroristes.
FK


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