Les jeunes étaient avant-hier peu nombreux à voter. «Comme vous pouvez le constater, nous sommes là. « Seule inquiétude pour ce scrutateur du bureau de vote, les jeunes électeurs ne se bousculent pas. Ils boudent les urnes. Ce désengagement si significatif est malheureusement le reflet d'un constat observé au cours des élections législatives. Il explique cette défiance de la jeunesse à l'encontre de la classe politique et des autorités et de ce qu'elles représentent. En Tunisie ce sont essentiellement les jeunes qui ont été à l'origine de la contestation qui a précipité la chute du régime de Ben Ali et ouvert la porte à la transition démocratique ce qui prouve que les jeunes ne sont pas aussi dépolitisés qu'on ne le pensait. Mais leur participation à la vie politique après le 14 janvier 2011 et leur représentation au sein des partis politiques et des institutions de la transition demeurent très faibles. Les jeunes semblent avoir privilégié les formes contestataires comme les grèves, les manifestations, les sit-in...«On a toujours observé un décalage entre les jeunes et les vieux, observe Bernard Fournier, chercheur canadien québécois et auteur de nombreux écrits sur l'engagement politique des jeunes. C'est un peu normal, à cet âge, car ils ne sont pas encore insérés socialement, ils sont en devenir. Ce qui est plus inquiétant depuis quelques années, c'est qu'ils se socialisent dans un climat cynique par rapport à la politique. Or, si un jeune ne vote pas la première fois qu'il le peut, les chances sont plus élevées qu'il ne vote pas aux élections subséquentes. ll n'y a pas de formule magique, affirme -t-il .Si on veut que les jeunes s'intéressent à la politique, il faut que la politique s'intéresse à eux sans cynisme. Or, les partis nous parlent de ce qu'ils ne pourront pas faire par manque d'argent plutôt que de parler de projets et d'avenir.» Sami, un jeune qui a boudé le scrutin estime que les partis politiques à qui revient la mission d'intéresser les jeunes à la politique n'ont pas su identifier leurs attentes et surtout comment nous attirer vers la politique. La morosité constatée à l'annonce de la tenue des élections pourrait expliquer cette désaffection de l'électorat jeune. A défaut de communiquer par les urnes auxquelles ils ne croient plus et qu'ils boudent allègrement de scrutin en scrutin. Ils se moquent, tournent en dérision la chose politique. « . La politique n'apporte pas de solutions à nos préoccupations immédiates » Nabil étudiant en gestion s'intéresse peu à la politique « Je sais que c'est important de voter. Pour le moment, ce n'est pas ma priorité. Plus tard, j'y penserai » Mohamed Salah étudiant en médecine « Je n'ai pas pu voter à cause de mon éloignement. J'étudie à Sfax et je n'ai pas pu me déplacer le jour du scrutin » Samira étudiante en médecine souligne que les attentes des jeunes ne sont pas comblées et rares sont les signes annonciateurs de lendemains meilleurs. C'est une élection sans enjeu pour moi. » Pour certains politiciens cette désaffection s'explique par les problèmes que vivent ces jeunes « Plusieurs sont en chômage. Ils attendent des réponses à leurs problèmes socio-économiques. C'est pourquoi ils ont préféré déserter le scrutin » estime Abdessatar Moussa Président de la Ligue tunisienne des Droits de l'Homme (LTDH), avant-hier lors d'un débat télévisé. « Le discours politique des partis ne répond pas aux attentes de nos jeunes. Ils ont préféré rester chez eux que de venir aux urnes. C'est une sorte de rébellion » explique le coordinateur général du réseau Dostourna Jawhar Ben Mbarek. Il est vrai que les jeunes s'intéressent peu à la politique et ne font preuve que de peu d'intérêt à son égard. Leur désintéressement et leur absence dans les grandes manifestations est là pour le rappeler. La société, les repères idéologiques et les grandes problématiques ont changé. Par conséquent le rapport à la politique n'est plus le même, Ils s'engagent moins que leurs aînés dans des partis politiques. Ils, se sentent concernés plutôt par les problématiques économiques et sociales et ont un taux d'engagement dans les associations civiles. Ils font peu ou pas confiance du tout aux hommes politiques. Mais comment perçoivent les jeunes les hommes politiques qui nous gouvernent ? Pourquoi ce désengagement des jeunes vis-à-vis de la politique ? Même si on a légitimement le droit de reprocher aux candidats la faiblesse de leurs discours par rapport au contexte économique et social, l'élection demeure un enjeu crucial, ne serait-ce que du point de vue sociétal. ll n'y a rien de plus énervant affirme Henda une universitaire que d'entendre des jeunes se plaindre de beaucoup de choses et de savoir qu'ils ne vont pas aller voter pour participer au changement des choses. «Lorsque l'on est mécontent, il faut agir. Pourquoi s'abstenir? Qu'est-ce que cela apporte une solution à leurs problèmes ? Nous vivons dans un système où nous avons l'obligation d'avoir des députés. Nous sommes obligés d'avoir quelqu'un au parlement pour nous représenter. Pourquoi alors refuser ce droit (devoir de citoyen) ?