Si les résultats des élections législatives ont constitué un séisme politique, oui on peut le dire, et M. Béji Caïd Essebsi a réussi son pari, le Nida, parti qu'il a enfanté voilà deux ans a fait une entrée fracassante sur la scène politique nationale aux premières législatives de son histoire. Le seul parti qui ait montré au cours de cette campagne une proximité authentique avec les électeurs, quand bon nombre de ses semblables, et sans rentrer dans les détails, ont été impurs. Dans un climat de scepticisme politique précédant le jour du scrutin, de pessimisme socioéconomique et d'inquiétude sécuritaire, ce jeune parti chapeauté par le plus expérimenté des hommes politiques actuellement en circulation et ses brillants colistiers a été auteur d'un retournement de situation spectaculaire grâce au séduisant plan de relance proposé aux masses. Comme quoi, le favori du printemps et de l'été n'a pas été le vainqueur en automne. Les Tunisiens qui sont allés voter sont tous à féliciter, car cette fois-ci ils ont su raison garder. Tous ceux qui sont partisans de ce qu'on appelle par ‘wedge politics', politique de division, ceux-là mêmes qui dans leurs communications essaient de passer en filigrane des messages rétrogrades, et tous ces thèmes sensibles de manière à allumer polémiques, générer différends et provoquer querelles, ceux-là mêmes qui se sont engouffrés dans la politique depuis 2011 et avérés bonimenteurs tolérés pendant plus de trois ans... le peuple n'a plus confiance en eux et ne veut plus les écouter. Il en a assez, ras le bol. Etait-ce un vote sanction ? Les politicologues sont les mieux placés pour l'analyse, mais plus terre à terre, ce qui s'est produit dimanche dernier est bien sûr, en majeure partie, un effet de l'impopularité croissante d'une classe politique avérée (faits à l'appui) très en deça des aspirations escomptées. Mais également, l'ampleur de l'éviction, du nouveau paysage politique, de certaines sommités renvoie principalement aux multiples cafouillages de communication, de stratégie, qu'ils ont commis dans la dernière ligne droite. Tout le monde s'attendait à mieux de leur part mais finalement la déception était monstrueuse. Ils n'ont fait que brûler les cornes en place et lieu de l'encens. Il arrive des moments où l'histoire politique d'un pays bascule quand personne ne l'imagine. Les urnes de dimanche traduisent aussi un knock-down subi par certains autres respectables. Coup vraiment dur pour ces derniers car il ne s'agit pas d'un petit phénomène d'érosion de leur capital-confiance, mais bien plus. Difficile pour eux de se remettre de ce mécontentement populaire, de cette onde explosive subie de plein fouet... Que retenir de ce fameux dimanche, sinon que les punitions étaient innombrables et que les erreurs des uns ont occasionné la réussite d'autres, en particulier les jeunes émergents qui ont su profiter de la situation de discrédit d'une certaine classe politique, de l'amateurisme vénal d'une autre classe opportuniste et sans scrupule, mais la cerise sur le gâteau fut la victoire spectaculaire de M. BCE. A tous points de vue. Comment expliquer que cet homme fasse l'objet d'une adoration et d'une popularité, inédites depuis le départ de Feu Habib Bourguiba ? Comment est-il, en deux ans, arrivé à incarner le rêve d'un bon nombre des Tunisiens qui aspirent à une autre vie normale après ces inoubliables années obscures et ténébreuses? Comment est-ce que tous ces jeunes, ont-ils été séduits au bout de quelques communications par ce visionnaire confirmé, et croient aujourd'hui dur comme fer qu'il est le seul à pouvoir transformer leur présent sordide en un avenir des plus radieux ?... Force est de constater que M. Béji Caïd Essebsi accapare l'admiration du monde entier, considéré sûrement le plus intelligent des hommes politiques arabes. Le seul ayant compris qu'il est impossible de résister au vent démocratique qui est en train de souffler sur le monde. On a tout fait pour le spolier, on a essayé de piper les dés, on a financé des supports factices, il n'en a même pas été secoué. Au contraire, il en est sorti grandi... Curieux que depuis dimanche soir bon nombre de ses farouches rivaux, ceux-là mêmes qui rejetaient la démocratie, à leurs yeux, un concept étranger à leur ‘monde' se sont mués en défenseurs des valeurs démocratiques universelles défendues par M. BCE.Etrange que ces acteurs politiques en question trouvent vite un habillage contraire à leurs principes, une rhétorique qu'on ne leur connaît pas pour justifier leurs calculs d'intérêts. Un peu plus haut nous l'avons taxé de visionnaire et nous n'avons pas tort. Déjà, bien avant la création de son parti il a été l'unique personne à sentir, à l'époque, grincer la machine politique. Le pays ne pouvait être gouverné sans équilibre des forces. Le temps lui a procuré raison. M. Béji CaïdEssebsi, par le biais de son Nida, sur la base d'un projet ambitieux et d'une campagne de porte à porte où l'accueil était généralement poli quand d'autres ont été dégagés, a su intégrer bien des passions dans son action, dans ses idées et leur donner une forme civile dans toutes ses expositions. Le bateau ivre longtemps entre mains inexpertes, qu'il voyait flotter au milieu d'une tempête d'une rare violence, a été sauvé dimanche dernier. Quand beaucoup de ces politicards arrivistes embobinaient les gens, M. BCE, détenait un art dont il a seul le secret, l'art de parler simple, l'art de dire la vérité et rien que la vérité, l'art de rendre civiles toutes les passions, et surtout l'art d'unir. Il ne nous reste qu'à connaître maintenant quelle démarche est la plus à même de faire avancer son projet.