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Les Lellouche, des Tunisiens pure souche !
Publié dans Le Temps le 10 - 01 - 2015

Qui ne connaît pas la famille Lellouche, installée depuis des générations à la Goulette et plus précisément tonton Jacob et sa maman Nelly Soror, alias Mamie Lily? Cette famille juive accueille depuis 1987 ses amis, et non pas clients précise Jacob, à leur table d'hôte, pour leur y faire goûter les délices de la cuisine judéo-tunisienne. Dans ce dernier restaurant juif casher du pays, les patrimoines culinaires se croisent et les saveurs subtiles et prononcées enchantent les papilles gourmandes qui hésiteront toujours entre une Mrouzia, une Bkaïla, une Mechmachia. En ces temps troubles, où le monde s'embrase, empêtré dans un conflit idéologique complexe, il est intéressant de remonter le temps pour plonger dans l'histoire de cette famille qui voue un amour indéfectible à son pays natal et qui considère que la Tunisie est une succursale du Paradis.
Gilles Jacob Lellouche est né du mariage de François Lellouche et de Nelly Seror Abravanel. Il raconte: « Les origines de mes parents remontent à beaucoup plus loin que la Tunisie. La famille de mon père est d'origine Cananéenne. Après la première destruction du temple d'Al Qods, mes aïeuls se sont exilés, non pas à Babylone mais à Tarsis, qui est une zone légendaire comprise entre la Tunisie, la Sicile et les Îles Espagnoles. Ils y sont restés pendant des siècles puis ont émigré en Turquie qui avait à cette époque ouvert ses portes aux Juifs d'Espagne. Mes ancêtres se sont donc installés pendant de longues années à Thessalonique, autrefois ville turque et aujourd'hui capitale dynamique du nord de la Grèce et des Balkans. Ils ont continué à exercer les mêmes métiers traditionnels de la famille, à savoir l'élevage et la boucherie. Pour la petite anecdote, le nom de famille Lellouche vient de « Alouech », qui signifie éleveurs de mouton. Fournisseurs attitrés des armées ottomanes de bétail, ils les ont suivies durant leur conquête de l'Afrique du Nord et c'est ainsi qu'ils se sont retrouvés en Tunisie vers l'année 1540. Devenus par la suite fournisseurs de l'armée beylicale en Tunisie et du Dey d'Alger, mes aïeuls se sont installés dans les zones militaires, principalement dans le Sahel, à Béja anciennement grenier de Rome, à la Goulette, siège de la cour beylicale et à la frontière algérienne. C'est précisément à cette branche de la famille Lellouche qu'appartient Claude Lellouche, le réalisateur. Quant à ma mère, elle est issue d'une famille espagnole très pieuse dont le plus célèbre ancêtre est Don Isaac (Itshak ben Yehouda) Abravanel, né en 1437 à Lisbonne (Portugal). Philosophe, commentateur biblique et financier, il était le seul juif Grand d'Espagne, il était conseiller à la Cour d'Isabelle la Catholique. Bien que très apprécié à la cour et jouissant d'un certain prestige, il fut contraint, suite à la chute de Grenade et la signature du décret de l'Alhambra, de choisir entre la conversion à la chrétienté ou l'exil. Il a choisi la deuxième option et est parti avec sa famille s'installer à Naples, avant de remonter vers la Vénétie, l'actuelle Venise. Jusqu'au jour où il a été décidé d'ouvrir des comptoirs en Afrique du Nord, ma famille maternelle s'est installée en Tunisie précisément dans les villes du sud avant de remonter petit à petit vers le Nord. Issus de deux familles juives immigrées, mes parents se sont rencontrés en Tunisie et se sont mariés en 1946. A l'époque, cette union avait suscité des remous et était mal vue puisque ma mère était considérée comme une « gornia », du fait de son origine italienne et mon père était un « Tounsi » car sa famille plus anciennement installés en Tunisie. Mais les choses se sont vite arrangées et c'est ainsi que mes frères, sœurs et moi sommes venus au monde, à la Goulette. »
La Goulette d'antan, une joyeuse mosaïque
La Goulette des années cinquante et soixante qui constitue un doux souvenir pour Jacob mais qui préfère ne pas trop s'attarder sur le passé. Il se rappelle toutefois de quelques moments clés de son enfance, du temps où ce mythique joyau de la banlieue nord était une joyeuse mosaïque de communautés. Il raconte: « L'amour de la Tunisie m'a été transmis par héritage. Même si je l'ai quittée pendant de longues années pour m'installer en France, j'y suis resté fidèle. Et c'est naturellement qu'en 1996, j'ai décidé de retourner définitivement dans mon pays natal. Ce retour aux sources n'a pas été des plus faciles mais j'ai toujours souhaité finir ma vie là où elle avait commencé, soit à la Goulette. Je me rappelle de cette époque magique où l'on vivait, toutes communautés confondues, en paix. Il y avait alors une mosquée, une église et quatorze synagogues et oratoires. Nous allions tous aussi bien à la procession de la madonne qu'aux réunions de la synagogue sans oublier à la procession de Sidi Cherif. Ces rendez-vous religieux concernaient tous les Goulettois et non pas une communauté en particulier. Je me rappelle aussi de Mr Lahmi, le propriétaire du cinéma Rex. Ce monsieur ouvrait ses portes de son cinéma gratuitement aux enfants trois fois par an, à Noël, le jour de l'Aïd et pour Pourrim. Enfant, nous attendions impatiemment ces jours-là et notre dernier souci était de savoir qui fêtait quoi. Nous prenions nos glibettes et profitions de l'occasion pour visualiser de bons films. A travers son geste symbolique, ce monsieur a réussi à rassembler les trois communautés. Aujourd'hui, c'est notre mission à nous de transmettre le flambeau et inciter les communautés à se découvrir les unes les autres. Car rien n'explique le racisme sauf l'ignorance et la désinformation. Alors que les juifs étaient 300 mille pour une population de 2 millions de citoyens, aujourd'hui nous ne sommes plus que 1300 pour 12 millions de Tunisiens. Une vraie peau de chagrin ! Alors autant vivre dans la paix et la tolérance. D'ailleurs, nos histoires sont indissociables. En remontant un peu la généalogie de chaque famille tunisienne, on peut facilement se rendre compte que nous sommes non pas des cousins mais des frères. Le tronc est commun mais il y a juste beaucoup de ramifications. En témoignent les noms de famille communs aux deux communautés: Haddad, Hattab, Halali, Taïeb, Zitoun... »
La Tunisie, un meltingpot culturel et gastronomique
Indiscutablement, la Tunisie est riche de ses origines multiples. Grâce aux nombreuses civilisations qui s'y sont succédées, ce pays a acquis une pluralité qui se ressent aussi bien au niveau des us et coutumes qu'au niveau de la gastronomie. Jacob Lellouche explique par exemple que de nombreuses traditions présentes chez les familles tunisiennes musulmanes ont aussi une symbolique dans la religion judaïque. Il explique qu'au Sahel, bon nombre de femmes allument vendredi soir une bougie. Comment alors ne pas faire le lien avec la bougie de shabbat. De même, dans beaucoup de mariages, des femmes cassent un verre pour éloigner le mauvais œil. Dans le judaïsme, cette tradition est aussi pratiquée et fait allusion à la destruction du temple de Salomon. Quant à la gastronomie, nombreux plats traditionnels tunisiens sont en vérité une adaptation locale de mets internationaux tels que les « okod », ce ragoût à base d'appareil génital du jeune taureau cuit en sauce. Apprécié en Tunisie et réputé pour être aphrodisiaque, ce plat est originellement espagnol, où il porte le nom de « Callos a la Madrileña », un mets qu'on sert traditionnellement au toréador vainqueur de la corrida. Même chose pour le fameux « couscous aux boulettes ». Il s'agit en fait d'un pot-au-feu, le « Cocido madrileño », servi en Espagne avec de petites pâtes semblables à la « chorba ». Importé en Tunisie, les petites pâtes ont été remplacées par un ingrédient local, le couscous. En bons Méditerranéens, les Tunisiens ont su faire de ce brassage multiculturel une force et une richesse. A l'heure où les conflits politiques et religieux divisent, la Tunisie a su serrer ses rangs et préserver son unité, malgré toutes les tentatives pour diviser le peuple. Pourvu que ça dure !


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