La police c'est le bras armé de l'Etat. C'est le seul dépositaire de la « violence légale » qui permet à un agent au nom de la loi de « porter atteinte » à la liberté d'un citoyen en l'arrêtant pour tout acte sanctionné par cette même loi. Depuis la nuit des temps, la police a été redoutée pour ses dépassements souvent imposés par le terrain d'intervention, mais aussi par la manipulation politique. Entre l'ordre « politicien » et l'ordre « légal », la frontière est souvent hasardeuse et floue, parce que les hommes d'Etat et du gouvernement finissent par croire une fois intronisés ou même élus dans leurs fonctions qu'ils sont « possesseurs » de l'Etat et donc ordonnateur de la violence légale et l'usage de la force contre tous ceux qui s'opposent à leurs pouvoirs, ou essaient de les confisquer au nom de l'alternance politique. D'où ce statut de « droit divin » des rois antiques et médiévaux et toute la « sacralité » qui entoure le possesseur du glaive étatique et gouvernemental. Même en démocratie qui a tempéré l'usage du pouvoir policier et ses ardeurs par cette fragmentation désignée par la « séparation des pouvoirs » et surtout la soumission de tout l'art du gouvernement à la loi, on ne peut éviter les dérapages et les dommages collatéraux. Quand il y a prise d'otages dans une banque ou un supermarché, il est imprévisible de faire l'omelette « libératrice » sans casser des œufs. D'où la mort de certains otages victimes des interventions musclées et parfois disproportionnées mais... nécessaires ! En Tunisie l'Histoire de notre police ne diffère en rien de l'évolution générale de l'humanité. Nous avons connu et vécu l'usage surdosé de la force, nous avons connu aussi l'allégeance de la police à la « politique » et pas à l'Etat. C'était même une étape du cycle naturel de l'évolution dans la construction de l'Etat. N'oublions pas que le monarque jusqu'au dernier siècle était non seulement le symbole de l'Etat... mais, aussi l'Etat lui-même. Les Beys de Tunis étaient les « possesseurs » du royaume (Malek el iyala attounoussia), encore que cette dynastie husseinite était la plus « soft » des monarchies arabes et musulmanes et on ne peut pas parler jusqu'à l'avènement du protectorat français en Tunisie d'un véritable ministère beylical de la police, mais plutôt d'une branche sécuritaire de l'armée beylicale (Al Mahalla). La tunisification de la police tunisienne opérée par feu Habib Bourguiba et surtout le grand ministre Taïeb M'hiri, n'a pas été opérée pour quadriller le peuple et le soumettre, d'autant plus que la nomenclature gouvernementale et les principaux cadres de notre police étaient des combattants et des résistants au colonialisme, ayant eux mêmes connu les prisons du temps du protectorat. D'où cette relation spéciale et décontractée entre les agents de l'ordre surtout dans les zones urbaines et les citoyens et les rapports souvent chaleureux et détendus qu'on voit souvent devant les feux rouges « grillés » où les croisements piégés où l'on se fait attraper pour non respect du « stop ». En fait, nos vrais malheurs ont commencé par la conjonction de la montée de la manipulation politique du temps du « Parti-Etat » et de la montée des extrémismes idéologiques, marxistes du temps de Bourguiba, et islamistes du temps de Ben Ali. La Tunisie à différentes époques a perdu alors ses repères parce que ni l'appropriation de l'Etat et de la « violence » légale policière par une personne, président ou l'oligarchie qui l'entoure, ni le développement de la violence idéologique qui appelle au changement du système politique par la violence et la terreur n'ont permis d'accélérer la mise en place de « l'Etat de Droit » et de l'Etat institutionnel où la fonction politique de servir l'Etat n'est pas et ne doit pas être l'appropriation de l'Etat et de la violence légale symbolisés par la police, la garde nationale et l'armée. Aujourd'hui, et devant la montée du terrorisme aveugle et armée où situer la police ?! Doit- elle « tuer » s'il le faut au nom de la loi qui est floue et qui permet toutes les interprétations extensives et restrictives ? Doit-elle obéir aux ordres des « politiques » qui ont tenté du temps de la Troïka de « s'approprier » l'Etat et la police à leur tour... Ou encore doit-elle « refuser » l'ordre et subir la sanction d'insubordination qui en découle. Certains idéologues et même des doctrinaires bien naïfs, vous diront : « Mais, il faut appliquer la loi... . Quelle loi ! Cette même loi qui a permis à un certain ministre de l'Intérieur, M.Rajhi et ses mauvais conseillers de culpabiliser une grande partie du corps sécuritaire de commandement de l'envoyer à la retraite anticipée et au limogeage ! Ou cette même loi qui a fait que bons nombres de policiers qui ont obéi aux « ordres » et à la légitime défense de se faire condamner par la justice au lendemain de la Révolution ! C'est la quadrature du cercle, ou le débat éternel sur le sexe des anges et l'œuf et la poule ! En vérité, l'humanité depuis César a résolu le problème. IL n'y a pas d'Etat sans « violence légale »,mais, pour éviter « l'injustice armée » qui est selon Aristote et Machiavel, la pire des injustices, il faut que l'usage de cette violence policière et sécuritaire serve l'Etat et la paix civile et non les intérêts des oligarques ou des aspirants au contrôle et à la possession de l'Etat, que ce soit les gouvernants ou les promoteurs de l'extrémisme idéologique et religieux. Une équation difficile et qui dépend du degré d'évolution des sociétés et leur acceptation de la discipline individuelle et collective que la loi impose pour ne pas revenir aux temps des cavernes ou de la loi du Talion. Alors, donnons des lois claires à notre police et surtout arrêtons de la culpabiliser... Le terrorisme s'étend et se répand comme les laves d'un volcan qui peut tout emporter sur son passage. La « purification » opérée du temps de M. Rajhi et de sa très mauvaise « conseillère », a failli détruire l'Etat tout entier et pas seulement l'Etat policier ! La sécurité est une bénédiction et une exigence majeure. La déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789, en fait le 3ème « droit de l'Homme » hiérarchiquement consacré, après la liberté et la propriété. Les lois sont les lois mais les Hommes sont aussi les « Hommes » aussi imparfaits que les lois ! Rien ne vaut les bonnes lois, mais, aussi les « bonnes armes » qui savent respecter les lois ! Les hommes quant à eux et depuis « pharaon » par l'effet magique du pouvoir et de la politique, ont tendance à croire qu'ils sont l'ombre de Dieu sur terre. A Topkapi sur l'écriteau frontal du palais du Calife Ottoman, on peut lire ceci : « Ana dhellou el Ilahi fil ardh » (je suis l'ombre de Dieu sur terre). Maintenant vous comprendrez un peu « Erdogan » nouvel héritier du « Sultan » de toutes les Turquies... ! Oui, Erdogan le démocrate ! Notre ami ! K.G