La grève observée hier à presque 100% dans la plupart des tribunaux de la République n'est qu'un avant-goût de la semaine de protestations décidées par les avocats, tel que l'a annoncé hier le bâtonnier Fadhel Mahfoudh à une radio de la place. Il est prévu en effet que ces protestations, en réaction aux agressions dont avaient fait l'objet des avocats à Sfax, se poursuivront par des marches nationales qui seront organisées au cours de cette semaine à Tunis et dans d'autres régions de la République. Quant à Me Chefik Gdoura, chef de la section de l'ordre à Sfax, il a affirmé au Temps que par rapport à Sfax la grève d'hier, marque le début d'une grève ouverte, décidée samedi dernier en présence du Bâtonnier Fadhel Mahfoudh en attendant l'Assemblée générale de l'Ordre qui aura lieu vraisemblablement, demain ou après demain. « La traduction de 38 avocats, par le procureur général de Sfax, devant le juge d'instruction est irrégulière et contraire aux règles prévues par la loi et les statuts de la profession, a déclaré Me Gdoura. Les avocats bénéficient de l'immunité lorsqu'ils agissent dans l'exercice de leur profession ». Ce qui a été le cas des 38 avocats concernés a-t-il précisé. Des causes politiques Ce n'est pas l'avis des magistrats estimant que les agressés sont plutôt les juges que les avocats. C'est ce qu'a déclaré hier Raoudha Karafi à une radio de la place, affirmant que « le litige a des dessous politiques, étant à la base autour du projet de loi sur le Conseil supérieur de la magistrature qui est en cours d'élaboration ». Elle a ajouté que « la grève ne concerne pas les juges, et c'est donc une journée normale de travail, comme toutes les autres ». Elle a dit qu'elle donnera de plus amples détails sur les causes profondes à ce litige, au cours de la conférence de presse décidée pour aujourd'hui. «Le bureau du procureur général à Sfax a été bel et bien attaqué par les avocats et il s'agit d'actes d'agression notoire qu'ils ne peuvent nier » a-t-elle encore précisé. L'autre son de cloche Me Naceur Laouini a confié au Temps que « ce litige n'est que la conséquence de l'attitude des magistrats, qui veulent que les avocats soient négligés en étant minoritaires au sein du Conseil supérieur de la magistrats et n'ont pas apprécié de ce fait, qu'ils protestent à ce propos ».Il a encore précisé « que de toutes les façons, ce litige traduit une attitude impartiale de la part du procureur de Sfax étant donné qu'il a mis dans le même sac l'avocate et ses agresseurs, les deux policiers en question, en les traduisant tous devant le juge d'instruction ». « En ce qui concerne la traduction des 38 avocats devant le juge d'instruction, le procureur qui se dit agressé n'a pas été neutre, puisqu'il s'est comporté en juge et partie. Il aurait dû confier l'affaire à d'autres membres du parquet pour garantir l'impartialité. Sans parler du fait que les agressions et les violences prétendues ne sont aucunement prouvées » a-t-il affirmé. C'est la raison pour laquelle le bâtonnier, le chef de section de l'ordre à Sfax et les avocats s'étaient mobilisés et ils ne sont quand même pas des fous » a-t-il encore précisé. «La profession date de plus de cent ans et les avocats ont toujours traité les conflits auparavant, avec sagesse, et sérénité, même durant les périodes de dictature durant l'ancien régime. La déontologie l'impose, l'avocat étant un partenaire de Justice et il est tenu de donner l'exemple » a conclu Me Laouini. Une tournure inquiétante De son côté Chawki Tebib, ancien bâtonnier a fait part de sa désolation de la tournure qu'a pris le conflit entre magistrats et avocats qui sont les partenaires de la Justice. « Ils sont tenus d'agir plutôt en concertation et dans la sérénité, afin d'œuvrer à la consolidation de l'indépendance de la Justice » a-t-il affirmé. C'est la raison pour laquelle il a appelé les deux parties au litige au calme, « les tensions entre ces deux membres de la famille judiciaire, ne pouvant que nuire à l'intérêt général », a-t-il encore ajouté. Quoi qu'il en soit, l'issue du conflit n'est pas pour demain, chacune des deux parties campant sur sa position. Alors qu'une marche est prévue par les avocats, une conférence de presse est donnée par Raoudha Karafi, présidente de l'Association des magistrats tunisiens, afin d'éclairer l'opinion publique sur les tenants et les aboutissant du litige.