Le projet de loi relatif au Conseil supérieur de la magistrature continue à susciter la polémique au sein du monde de la Justice, autour de la dernière rédaction dudit projet, retouchée par le ministère de la Justice, et qui a même été contestée par la commission technique, à travers un communiqué par lequel elle a exprimé sa désapprobation à cette nouvelle mise en forme qui « n'est conforme ni à leur travail, ni à la conception qu'ils ont sur le conseil ». C'est autour de ce thème qu'un point de presse a été organisé hier par l'Union des magistrats administratifs, au cours duquel ont été discutés les points névralgiques dudit projet, constituant surtout un obstacle à l'indépendance de la magistrature, et accentuant davantage l'ascendant de l'exécutif sur tout le secteur de la Justice. Polémique La commission n'a, selon certaines parties au litige, aucun pouvoir de décision ni de contestation, étant une commission technique qui ne peut qu'éclairer les parties intéressés. C'est la raison pour laquelle le ministre de la Justice s'est vu en droit de porter quelques modifications au texte initial préparé par ladite commission, avant de présenter le projet au gouvernement. Ce sont justement ces modifications qui ont été contestées notamment par les juges, à travers l'Association et le syndicat des magistrats tunisiens. Le ministre persiste et signe en confirmant qu'il a est en mesure de porter des modifications au dit projet : « le ministère n'est pas un boite postale », a-t-il affirmé dernièrement. Or toutes les contestations portent sur ces modifications qui selon la plupart des membres de la composante civile, favorisent de manière ostensible l'ascendant de l'exécutif. Non-conformité à la Constitution Ahmed Souab, vice-président du tribunal administratif a au cours de son intervention, mis en exergue les points du projet qu'il est nécessaire de revoir, en vue d'une meilleure conformité avec la, Constitution. C'est le cas concernant la composition du Conseil proposée dans le projet, selon lequel un cinquième organe a été ajouté, alors que selon l'article 112 de la Constitution, il n'y a que quatre organes à savoir : Les conseils, judiciaire, administratif, financier, et l'Assemblée générale réunissant ces trois conseils. Ce cinquième conseil, bénéficie de larges prérogatives, qui devraient être du ressort de l'Assemblée générale. Les indépendants Le point qui a fait couler beaucoup d'encre, et a suscité la polémique dans le monde judiciaire concerne, les membres indépendants devant faire partie du Conseil supérieur de la magistrature. Or l'article de la Constitution évoquant ce point, n'est pas explicite. Les indépendants, autres que les magistrats, peuvent être les experts, les huissiers, et tous ceux dont l'activité est en rapport avec la Justice. La liste est très longue , voire interminable, a fait remarquer Ahmed Souab qui a proposé au nom de l'Union des magistrats administratifs, qu'il y ait parité dans la composition de cette catégorie représentant le tiers des membres du Conseil, entre professeurs de faculté, experts , juristes et avocats. Certes ces derniers participent à la consolidation des libertés et des droits de l'Homme, et sont des partenaires de Justice en ce sens qu'ils sont les garants de la primauté de la loi et de la Constitution, en vertu l'article 102 de celle-ci. Toutefois les experts les professeurs et les juristes sont à même de donner leurs avis et de participer à la réforme des lois dans l'intérêt du justiciable. Ahmed Souab a proposé que les différents membres indépendants, soient élus par leurs pairs. Les avocats par les membres de l'ordre, les professeurs par le conseil de la faculté, et ainsi de suite, et ce, sous le contrôle de l'ISIE. C'est d'ailleurs ce point qui a suscité la polémique sur fond de troubles et de tensions entre les juges et les hommes en robe noire. Les avocats continuent d'ailleurs à dénoncer un « manque d'égard à la profession, de la part de certains magistrats », alors que ces derniers, ont déploré une « transaction des avocats avec le ministère pour avoir la part du lion au sein du Conseil de la magistrature. Devant cette polémique la situation n'est pas pour autant inextricable, puisque le projet en question sera revu en long et en large par la commission législative de l'ARP. Celle-ci tiendra compte de toutes les observations et les doléances, tel que l'a affirmé son président Abada El Kefi, avant son adoption par l'Assemblée. Acceptons en l'augure, en espérant la mise en place d'un nouveau Conseil, conforme aux principes d'indépendance des magistrats garantis par la Constitution.