Après l'Etat destourien, l'Etat R-cédiste, et l'Etat islamo-troïkiste, sommes-nous en train de virer vers l'Etat « syndical » ! Tout porte à le croire au vu de la dimension hors-normes que prend de plus en plus la centrale syndicale historique et son implication déterminante dans les affaires de l'Etat depuis la Révolution. Il faut dire qu'en conformité avec l'adage universel : « la nature a horreur du vide », tous les « partis-Etats » et tous les groupes de pression qui prennent autant de volume dans le contrôle étatique et la chose publique, profitent à une époque ou une autre du vide politique qui est la source fondamentale du déséquilibre des pouvoirs et de l'ascendance de l'une des forces populaires de mobilisation. Or, le « vide » aujourd'hui, est plus que réel et flagrant. D'abord parce que la Constitution de la 2ème République a ramené l'institution présidentielle à une vocation symbolique de continuité de l'Etat et par pérennité intérieure et extérieure, donc de sauvegarde de la souveraineté , sans plus, et ce, malgré la personnalité charismatique et d'homme d'Etat de grande expérience de Béji Caïd Essebsi l'actuel Président. Puis et surtout parce que nous n'avons pas encore de véritable tradition du « chef du gouvernement » décideur de la politique générale avec tous les attributs du pouvoir tranchant, ascendant et coercitif s'il le faut conformément aux lois et à sa nouvelle vocation. Ceci, aurait pour définition un pouvoir relativement « faible » pour contrer les manœuvres du contrôle social qui veulent se substituer à l'Etat et au gouvernement. Le blocage total de la situation des phosphates et la dynamique de l'ascendance syndicale face à un pouvoir affaibli et ne sachant pas où donner de la tête, montre à quel point le système nouveau ne répond plus parce que les « pouvoirs » ont transvasé au niveau de la « vocation » ! Désormais, c'est le syndicat qui décide et non pas le gouvernement, alors que son rôle initial c'est d'être un organe, certes important et influent, par rapport au commandement politique, mais pas la boîte même du commandement. Les syndicalistes dont l'activité est en pleine croissance par rapport à celle des partis en totale perdition à l'image de «Nida Tounès », aspirent de plus en plus et au vu de ce vide politique « partisan », à un rôle de commandement, non plus syndical... mais politique ! Ceci d'ailleurs ne peut être qu'une résultante naturelle et directe des « rapports de force » et de la capacité non seulement de mobilisation mais d'impact direct sur le fonctionnement de l'économie et de la production. Si un syndicat arrive à un contrôle pratiquement, sans partage et sans contres-pouvoirs réels et crédibles, sur la production, l'économie et le fonctionnement des rouages vitaux de l'Etat, il devient tout simplement l'Etat ! Pour ma part cette perspective ne me fait pas peur... mais à condition que le syndicat assume ses responsabilités pleines et entières dans le développement économique en prenant à son tour en charge les exigences de la société ! Mais, vouloir mobiliser sans cesse pour satisfaire des revendications sans doute légitimes malgré la crise majeure vécue par le pays et ne pas subir les inconvénients de la régression économique, le déficit majeur des investissements, et la morosité générale, au niveau de la production... C'est tout simplement vouloir le beurre et l'argent du beurre ! Et pourtant la sagesse même serait de mettre toute « vocation », d'un « pouvoir » syndical ou politique, au service de l'intérêt général sans volonté hégémonique ou d'excès de pouvoir. L'intérêt général, c'est aussi l'ensemble des composantes de la société et pas seulement une partie. Mais la politique a ses règles immuables dont la plus pertinente, demeure le « rapport de force ». Plus les partis politiques comme « Nida Tounès » et compagnies s'enfoncent et faiblissent, et plus d'autres mécanismes et d'autres organes du contrôle social et du pouvoir pointeront à l'horizon ! Les partis politiques d'importance, font en ce moment profil bas. « Nida Tounès » est l'ombre de lui-même, et ne porte plus, du moins en ce moment la vocation qui devait être la sienne après les dernières élections. Je dirai même qu'il pourrait subir un déclassement tragique, si les petites « ambitions » de certains de ses « cadres » ne sont pas freinées, pour relancer le parti. Ennahdha, quant à elle, ne semble pas faire mieux, dans la mesure où elle reprend son cheval de prédilection à savoir « l'identité » pour nous assommer avec cette histoire rocambolesque du « foulard » de Tunis Air, avec pour preuve irréfutable que le parti islamiste ne change pas malgré les clins d'oeil du cheikh Rached Ghannouchi et ses tentations « modernisantes ». Bref, tout nage dans l'immobilisme et même la « Jabha » de Hamma Hammami, n'en finit pas de s'accrocher à ses fondamentaux, et ses vieux réflexes des années 60-70 ! Alors... vivement le « printemps syndical » ! Nous tous l'avons voulu ! Et c'est la nature qui le veut ! K.G