L'Observatoire national de la jeunesse, l'Institut arabe des Droits de l'Homme et le Forum des sciences sociales, appuyés par le Fonds arabe des Droits de l'Homme, viennent de dévoiler les résultats préliminaires d'un rapport s'intéressant à la situation religieuse et à la liberté de conscience en Tunisie. Réalisée en mars 2015, cette étude a concerné 1200 personnes sondées et a surtout porté sur les notions de tolérance religieuse et de respect entre les différentes franges et communautés religieuses au sein de la société tunisienne. Les résultats définitifs de cette enquête seront prochainement dévoilés lors d'une conférence nationale. On apprend selon ce rapport que 73% des Tunisiens se disent pratiquants et se considèrent comme très pieux même s'ils ne sont que 58.8% à faire la prière au quotidien. En contrepartie, 19.6% se déclarent comme peu religieux et 7% se considèrent comme areligieux. Concernant la désignation des imams, près de 93% estiment que cette décision doit être prise par le ministère des Affaires religieuses ou encore par les habitants du quartier. Seuls 6% pensent que ce choix est du ressort du Conseil Supérieur Islamique. L'habit fait-il le moine ? Quant à savoir si la religion impose un style vestimentaire bien particulier aux pratiquants des deux sexes, les 3/4 des sondés ont répondu par la négative en ce qui concerne les hommes. Une infime minorité a toutefois évoqué la barbe et seuls 3% ont déclaré que le port du « qamis » était obligatoire pour être en adéquation avec les préceptes de la religion musulmane. Par contre, 83 % des personnes interrogées considèrent que la religion impose une certaine apparence et tenue vestimentaire aux femmes. La moitié d'entre eux estiment ainsi que le port du voile (hijab) est obligatoire quand l'autre moitié pense qu'il suffit d'un habit décent qui ne dévoile pas les atouts de la femme. Toutefois, sur l'ensemble des 1200 personnes sondées, 77% considèrent que le voile n'est pas une preuve de foi et de religiosité. De même, 51% s'accordent à dire qu'une femme pieuse n'est pas forcément voilée. Liberté de culte et (in)tolérance Par ailleurs et en ce qui concerne la liberté de culte et l'acceptation des autres croyances religieuses, 39% des sondés disent respecter les croyances des autres mais que seuls 28 % adhèrent pleinement au principe de la liberté de culte de chacun. De même, 54% d'entre eux voient d'un mauvais œil l'appartenance d'un Tunisien au chiïsme et une majorité écrasante, soit près de 95%, s'oppose à la conversion d'un musulman au Christianisme ou encore au Bahaïsme. Cet acte est considéré par eux comme une menace pour l'identité communautaire majoritaire des Tunisiens. Dans le même ordre d'idées, 91% des Tunisiens se prononcent en faveur des prêches sur l'Islam ailleurs que dans les pays musulmans, mais refusent dans une proportion égale l'activité missionnaire chrétienne en Tunisie. Toutefois, près de 9% des sondés, en majorité des jeunes, n'y voient aucune objection. Mariage mixte et héritage Toujours selon ce rapport, 66% des Tunisiens seraient contre l'égalité en matière successorale. Cette mesure est d'ailleurs mieux perçue par les femmes que par les hommes. Concernant le mariage mixte et bien que la « Chariâ » accorde le droit au Musulman de sexe masculin d'épouser une non Musulmane, à condition qu'elle soit de religion monothéiste, cette union reste dépréciée par près de 40% des sondés qui ne la tolèrent que dans des cas bien particuliers. Près de 37 % estiment toutefois que le choix de l'épouse relève du domaine privé et le considèrent comme une liberté personnelle. La tendance s'inverse par contre quand il s'agit d'un mariage entre une Musulmane et un non musulman. Seuls 37 % des sondés se disent favorables à ces unions qui continuent d'être mal perçues dans la société tunisienne. De même, ils sont plus de 85% à ne pas accepter le concubinage ou encore le mariage coutumier « orfi ».