Verdict dans l'affaire d'embrigadement : liste des peines prononcées    Détails des peines de prison prononcées contre les accusés dans l'affaire d'envoi aux foyers de tension    La STB Bank plombée par son lourd historique, les petits porteurs à bout !    Monastir perd l'Open Jasmin en 2024, mais la Tunisie reste dans la course pour un tournoi    La Tunisie, l'Algérie et le Maroc sous l'effet d'une dépression atmosphérique en mai    914 millions de m3 dans les barrages tunisiens : Une première depuis 2019    Tunisie – Réception de la parcelle de terrain pour l'édification du nouvel hôpital régional de Gardimaou    Un navire chargé d'aides à la bande de Gaza attaquée en pleine mer par des drones    Tunisie – 92% des ouvrières agricoles ne bénéficient pas de couverture sociale    Décès du chef du poste de police à Tozeur : les précisions du parquet    Tunisie – METEO : Cellules orageuses sur les hauteurs du nord ouest    Gymnastique rythmique : la Tunisie en lice au Championnat d'Afrique au Caire    Alerte au tsunami après un séisme de magnitude 7,4 au Chili    Miss Tunisie 2025 : Lamis Redissi représentera la Tunisie à Miss World en Inde    Drame en Inde : une influenceuse de 24 ans se suicide après une perte de followers    Alerte au tsunami après un séisme de magnitude 7,4 près des côtes argentines et chiliennes    Liberté de la presse: La Tunisie se classe 129e sur 180 pays    Un bus ravagé par les flammes à l'entrée de Tunis    Bientôt le recours à la technologie PET Scan pour détecter le cancer de la prostate    Tunisie : Le TMM à 7,50 %, plus bas niveau depuis février    Aménagement du parc national d'Ichkeul et protection des espèces menacées : une priorité pour le ministre de l'Environnement    La Liga: Le Rwanda désormais un sponsor de l'Atlético de Madrid    Nouveau communiqué du comité de l'ESS    Foot – Ligue 1 (28e journée) : Faux pas interdit pour le trio de tête    DECES : Tahar SIOUD    « Médecins en colère » : les jeunes praticiens tunisiens descendent dans la rue    Affaire Ahmad Soueb : décision cruciale attendue aujourd'hui    L'incroyable traque de Ridha Charfeddine    Tunisair annonce une augmentation de son chiffre d'affaires au premier trimestre 2025    Non, TF1 n'a jamais annoncé l'assassinat de Marina Carrère d'Encausse    Foire internationale du livre de Tunis 2025 : hommages, oeuvres et auteurs primés au Kram    CAN U20 – Groupe B – 1ère journée – Tunisie-Nigeria (0-1) : Ils ont manqué de tact    Visite présidentielle à Dahmani : Les cinq points essentiels du discours de Kais Saïed (Vidéo)    Poulina réalise un résultat net individuel de 162 millions de dinars    Washington propose des discussions à Pékin sur les droits de douane    Israël bombarde Damas au nom des Druzes : l'impunité continue    Le président Kais Saïed vise à transformer les ruines du moulin de Dahmani en levier économique    L'Open de Monastir disparait du calendrier WTA 2025 : fin de l'aventure tunisienne ?    Signalgate : Trump se sépare de son conseiller à la sécurité nationale Mike Waltz    Psychanalyse de la Tunisie : quatre visages pour une même âme    Ce 1er mai, accès gratuit aux monuments historiques    Par Jawhar Chatty : Salon du livre, le livre à l'honneur    La Suisse interdit "Hamas" sur son territoire à partir du 15 mai    Décès de la doyenne de l'humanité, la Brésilienne Inah Canabarro Lucas à 116 ans    « Un monument…et des enfants »: Les jeunes à la découverte du patrimoine tunisien les 3 et 4 mai    Bâtisseurs : un hommage filmé aux pionniers de l'Etat tunisien    Demain 1er mai, l'accès aux musées, aux sites et aux monuments sera gratuit    Décès de Anouar Chaafi, le talentueux metteur et scène et artiste tunisien tire sa révérence    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Des «jaous» plastiques à géométrie variable
Publié dans Le Temps le 03 - 06 - 2015

Le « jaou » organisé à Carthage est un « jaou » plastique nouveau, un « jaou révolutionnaire » monumental de containers reconvertis en espace sacré où la tolérance est reine et ou le sacré n'est plus le sacré de l'exclusion. Mais de la paix et de la compréhension... mondialisées
Ce « jaou » de Carthage respire l'abondance et la fortune des Lazaars au service de l'art contemporain ! Tant mieux disent ceux qui croient que l'art ne peut pas se développer sans argent, sans beaucoup d'argent?
L'ambiance , le « jaou » ont exigé beaucoup d'argent et un investissement jamais vu en Tunisie. Espérons qu'il est rentable.
La conception, la réalisation du « jaou » ont fait appel à tout ce qui est moderne, efficace dans le domaine surtout de la communication. Le référentiel de l'action reste flou et peu convaincant. Quel art promouvoir? Mais qui parle d'art? Evidemment tous les ingrédients de ce qu'on appelle tendance contemporaine sont sollicités : installation énorme monumentale de containers montés en mosquée, virtualité, aspect éphémère indiquent que la tendance est contemporanéiste. L'orientalisme le néo orientaliste où même l'art moderniste ne font plus partie du paysage.
La décision est prise, elle est définitive et les moyens contemporanistes sont rassemblés, en tête, la communication, la communication et encore la communication. rien de plus!
Tous les acteurs du marché sont sollicités. Il semble même que les grandes galeries de Londres, de New York peut être de Doubey le soient aussi.
L'idée serait de faire de Tunis une place forte et un centre de l'art contemporain arabe impliquant les grands axes de l'art contemporain dans le monde. Le rêve est permis.
Ce projet selon ses prometteurs ne manquera pas d'avoir des répercussions sur l'art en Tunisie et dans le monde arabe. L'ambition est peut être démesurée. La rupture d'avec les pratiques antérieures est ainsi annoncée. Les valeurs esthétiques existantes seront niées, les spécificités de l'art national gommées. L'universel bascule dans le mondial.
L'affaire pourrait devenir juteuse à condition de « jaouer » le jeu.
Le «jaou» à Gafsa
Au même moment que se déroulait à Carthage l'épopée de l'intronisation de l'art contemporain avec le tintamarre publicitaire, s'organise loin de tout, un festival international d'art plastique à Gafsa ce festival est évidemment le premier du genre dit-on à Gafsa.
Les artistes au nombre d'une vingtaine ont produit deux petites toiles de peinture chacun, après avoir fréquenté les travaux de tapisserie de Hmida Wahada et d'autres artisanes de la région. La référence à Hmida devait être la référence au patrimoine. Nous sommes loin de toute allégeance à l'art contemporain.
Il va sans dire que cette exposition trouva refuge sur le terre-plein du jardin Bourguiba. L'espace du jardin est crevassé, non entretenu mais il est au centre de la ville et il est fréquenté par les jeunes et les moins jeunes en grand nombre. Dès le début on constate que le « jaou » poussiéreux de Gafsa n'a rien avoir avec celui aseptisé de Carthage et pourtant les artistes s'y sont plu. Les artistes ont apprécie le « jaou » populaire de Gafsa. C'est dans ce jardin que les artistes ont dressé leur chevalet et qu'ils ont montré leurs petites toiles. Le succès fut immédiat. Les jeunes et les vieux sont allés de leurs questions et de leurs commentaires pendant les deux heures qu'a duré l'exposition. Les artistes présents a Gafsa sont connus régionalement mais aussi nationalement. Ali Znaidi, Ali Fakhet, Foued Henchiri, Anouer Nasser, Majda Idrissi, Houda Abada, Nasser Louati, Rim Glenza, Slim Gomri ont affronté vaillamment leurs admirateurs.
Les artistes femmes « internationales » ne le sont ainsi que parce qu'elles portent des prénoms européens où asiatiques. En fait Renata s'appelle Dlimi Edelgard s'appelle Hamida etc....
Ali Fakhet originaire de Gafsa nous offre un travail vigoureux qui consiste a reconvertir les aplats en volume. Dans sa deuxième toile Ali se libère et dans un geste lyrique et théâtral il trace ses zébrures colorées sur une surface à peine entamée.
Houda Abada experte en tissage nous intrique par sa volonté de faire côtoyer de couleurs de même valeur rouge peut être cherche-t-elle à obtenir le rouge absolu.
Kamel Amamou transgresse la composition graphique et formelle du klim et affirme un choix figuratif qu'il impose à une image du tissage traditionnel.
Slim Gomri photographe sollicite le métier à tisser pour en saisir les trames et la régularité de ses structures et s'installe dans la transparence.
Nasser Louati se plaît à identifier les modules qui dominent toutes les tapisseries de Gafsa. Sa restitution artistique de ces trames s'est révélée dans sa systématique très poétique.
Les participants à ce modeste festival d'art plastique refusent l'internationalité de leur présence et se suffisent de leur Tunisianité comme Renata la femme de notre ami feu Homadi Dlimi qui et venue à Gafsa pour nous montrer les structures du tissage qu'elle a esquissées sur une toile pour un travail futur.
Cet événement qui a animé furtivement et le terre-plein du jardin de Gafsa n'est pas moins important que ces manifestations contemporanéistes. Les jeunes de tout bord ont joué du coude pour trouver leur place et essayer de s'impliquer dans le travail de performance réalisé par les artistes à Gafsa sur le mur d'enceinte du jardin. Ce travail spontané commis par nos artistes, en toute liberté, en toute gestualité a obnubilé nos jeunes à tel point que ces derniers ont eu envie de prendre eux mêmes les pinceaux et de terminer le travail même si ce travail n'a pas de fin.
Ce qui est important c'est de pouvoir éveiller les vocations artistiques des jeunes pour l'art et pour la culture, de les sensibiliser à la couleur à la forme et leur permettre de saisir toujours autrement, artistiquement le monde. N'est-ce pas là une des missions nobles que l'art nous permet de transmettre à nos enfants. A ce titre le festival même faussement et pompeusement qualifié d'international, de premier de son genre aurait pu mieux réussir, s'il était mieux préparé et moins personnalisé. En vérité Kamel Amamou a bien organisé à El Gtar en 2014 son festival international qu'il appela El Get-art. Un autre, en l'occurrence nous même, a organisé en 2013 le séminaire international sur l'alfa accompagné d'une grande exposition de tapisserie artistique faite en Alfa organisée 0 la maison de la culture de Gafsa.
Il n'est pas toujours opportun de vouloir occuper arbitrairement le devant de la scène nationale ou internationale.... La prétention, à ce niveau n'est pas de mise. Quelquefois on se plaît à réaliser un travail dans l'ombre voire dans l'obscurité. Gafsa, à son accoutumée n'attire pas facilement les investisseurs ni sur le plan économique ni sur celui culturel. Nous rêvons des rêves simples à Gafsa. Nous rêvons de pouvoir fêter notre mémoire des lieux des métiers, du travail dans les mines, installer un musée de la préhistoire dans notre région. Nous rêvons de pouvoir construire des maisons modernes de la culture. Nous rêvons de cela et d'autres choses encor. Nous rêvons d'une vie plus belle.
La manifestation « jaou » à Carthage a mis en bran des moyens énormes. Le festival international comme on se plaît à l'appeler à Gafsa n'a rassemblé que quelque subside de la délégation régionale de la culture. Et il se pourrait même qu'ainsi le festival de Gafsa soit plus méritoire que ces grandes gesticulations sans art et sans ame. Les petits tableaux montres dans notre petit jardin public a suscité l'émerveillement de nos jeunes et leur curiosité saine de voir se déployer devant eux l'action joyeuse des couleurs et des graphismes sur la surface des toiles. Certes il ne faut pas comparer la monumentalité des containers reconvertis en mosquée et les quelques petits tableaux montrés dans un jardin non entretenu.
Il ne faudrait pas avoir honte de ne pas avoir de moyens. Même sans moyens l'artiste débusque la beauté là ou elle est saisissable. L'artiste, quand il ne fait pas disparaître l'œuvre dans les méandres du high-tech, dans l'éphémère continuera à saisir le beau et le sublime chez l'homme et dans le monde : Il est l'avenir du monde.
Les valeurs de l'art contemporain sont rarement du côté du beau ils sont plutôt du côté des finances.
En fait vaincre l'intolérance l'obscurantisme ne passe pas nécessairement par l'érection de monuments à la gloire de l'art contemporain même reconvertis érigés en mosquée. Le dieu de l'Islam est omniprésent et il est omnipuissant. Il n'a plus besoin de cathédrale. Et pourtant il pourrait s'il le voulait, faire régner la justice entre les hommes. En ce qui nous concerne, cela nous dépasse. La tolérance pour nous est déjà présente, elle est, dans nos luttes quotidiennes. Elle est dans les yeux de nos enfants quand ils peuvent encore rire et quand ils peuvent encore s'émerveiller devant la beauté du monde et devant celle des créations humaines.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.