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Le parcours du combattant des diplômés chômeurs
Publié dans Le Temps le 08 - 11 - 2015

La question du chômage est souvent traitée du point de vue statistique. Ce qui prime ce sont les chiffres. Mais derrière les statistiques, il y a des vies. Avec l'inactivité se loge bel et bien le phénomène de déclassement : un travail qui ne correspond pas au final à la formation initiale. Pour rendre compte de cet absence de matching entre formation et travail, nous avons rencontré tout d'abord une doctorante ayant passé dix années à faire une thèse en droit et qui se trouve à présent au chômage après six années de vacations et d'emploi précaire dans l'enseignement supérieur.
Sa situation reflète le malaise de toute une génération de diplômés qui ne trouvent pas leur place dans un système qui les écarte sans ménagement.
La doctorante en droit, en même temps mariée et mère de famille avec deux enfants, est dans sa dixième année d'inscription en thèse. « Je pense qu'actuellement, je suis à l'étape finale. J'ai du mal à m'insérer dans le milieu universitaire même si j'ai une expérience de six ans dans ce domaine. J'avais pendant quatre ans, un contrat de contractuel, ainsi qu'un contrat de deux ans en tant que vacataire dans l'enseignement supérieur privé. Après toute cette expérience, je me suis retrouvée soudainement au chômage » dit-elle avec amertume. La situation de notre interlocutrice qui avait souhaité garder l'anonymat donne une idée sur un marché de l'emploi incapable de résorber 80 000 diplômés qui sortent chaque année des bancs de nos universités.
Absence de reconnaissance et exploitation
Ce système s'appuie pour fonctionner sur une armée d'enseignants dont la situation est précaire à l'image de Majdi un informaticien qui travaille à l'IHEC et qui n'a pas été rémunéré après une année de besogne. Celui-ci nous fait part, avec une grande hargne, de son incompréhension de la lenteur bureaucratique dans la rémunération des vacataires. Dans le sillage de cette lenteur, d'autres enseignants exerçant dans le privé signalent, qu'après un effort constant avec l'établissement en question, sont parfois renvoyés suite au non renouvellement de leur contrat. Selon une de nos interlocutrices à ce titre, « l'enseignement dans le secteur privé c'est de la pure exploitation, pas de paiement durant les vacances ni lors des jours fériés ni même lors d'une absence collective des étudiants ».
En outre, dans le secteur de l'enseignement privé, le maillon faible de la chaine de production 80% des enseignants embauchés n'ont pas de garantie quant à la pérennité de leur emploi. Le patron de l'université peut mettre fin à la vacation ; à n'importe quel moment.
Une femme enceinte, une menace dans l'enseignement privé ?
Une de nos interlocutrices disait que quand elle faisait des vacations, elle n'avait même pas le droit d'être enceinte alors qu'elle a déjà une vie de couple. « On n'a pas le droit d'être enceinte en tant que vacataire », insistait-elle. Dans cette configuration, une femme vacataire, à statut instable, quand elle est enceinte est « obligée de cacher son ventre ». Notre interlocutrice disait : « je rentrais dans la salle de classe presque en cachette pour que l'on ne s'aperçoive pas du gonflement de mon ventre ». Elle continue en expliquant sa situation en ces mots : « je peux ainsi décrire mon parcours comme étant un chemin de croix jalonné d'une injustice à une autre ; d'un obstacle à un autre. Comme voudriez-vous que je surmonte ces difficultés ? Comment puis-je aider ma famille ? Je suis une femme qui voudrait s'épanouir dans sa société, je suis sincère, motivée et motivante, je sais comment prendre les étudiants pour les pousser à prendre des notes et à s'intéresser au contenu du cours. Mais je pense que la mentalité archaïque de beaucoup de nos universités entrave toute innovation dans l'enseignement supérieur ». Dans cette foulée de témoignages, une des doctorantes que nous avons rencontrée disait : « une fois le doyen m'avait appelé en me disant comment vous avez donné un vingt sur vingt à votre étudiant ? Il n'arrêtait de répéter qu'à l'université on ne donne pas de vingt dans une matière de droit à un étudiant. Je lui disais que ce n'était pas moi qui avait corrigé sa copie ; mais il ne voulait pas comprendre ». La stigmatisation de la femme au travail semble se confirmer ; il fort possible aussi qu'elle soit discriminée au moment du recrutement.
Des procédures de recrutements réglés d'avance ?
« Ce qui me reste au travers de la gorge est que j'ai passé le concours d'assistanat dans l'enseignement supérieur six fois durant et je n'ai jamais réussi à avoir le poste. Au niveau du système de recrutement avant le 14 janvier 2011, le ministère de l'Enseignement proposait une dizaine de postes et après le 14 janvier il en propose une trentaine.
Rien n'a changé par rapport à l'époque de Ben Ali. Ces fameux postes sont destinés aux candidats qui sont déjà connus par les membres du jury » disait une doctorante en droit au chômage depuis quatre ans.
Sans mettre l'ensemble des jurys dans le même sac et sans avoir l'esprit sceptique (qui engendre beaucoup plus la fermeture que l'ouverture), les critères de sélection à l'entrée pour avoir le poste d'assistant dans l'enseignement supérieur sont grosso modo relatifs à l'état d'avancement de la thèse. L'autre critère important concerne l'expérience professionnelle. Le troisième critère important est celui des publications des articles scientifiques. Le quatrième critère in fine est celui de l'évaluation de l'aptitude du candidat à expliciter ses idées et surtout à avoir de la suite dans les idées.
Des candidats que le Temps a rencontrés trouvent que la barre de recrutement est de plus en plus haute et en même temps le domaine universitaire est davantage hermétique. Face à cela beaucoup abandonnent le projet de devenir enseignant quand bien même ce projet leur tient à cœur. « J'ai laissé tomber l'enseignement. Chose qui m'a fait énormément de peine car je pense franchement que je suis douée et que c'est ma vocation. J'aime enseigner et jusqu'à maintenant j'adore enseigner. Bon ! Pour l'instant, j'enseigne mes enfants. Heureusement que j'ai cette possibilité d'encadrer mes enfants qui sont actuellement dans le cycle primaire. Avant la relation avec les étudiants était toute ma vie. Je parle spécialement de la communication directe avec eux. À présent, je sens que tout est fermé devant moi, à partir du moment où j'ai échoué devant le jury ».
L'exigence de la reconversion, au moment où l'enseignent ne marche pas
Quand les candidats à l'enseignement échouent, ils recherchent d'autres débouchés professionnels. « Je me suis dirigé vers le secteur des banques. À l'écrit, j'ai été classée première au concours de la banque centrale. Mais par la suite à l'oral, ils m'ont fait comprendre un mois après que c'était un autre poste qui a été donné pour une autre personne. Celle-ci a été totalement étrangère au concours. En fait, je me suis rendu compte que la personne en question ne s'est même pas présentée au concours et que sa candidature est retenue. En fait, cette situation est paradoxale. L'Etat avait offert deux postes, et il n'a avait qu'un seul poste qui a été pourvu ».
Dans cette perspective d'impasse et pour gagner leur pain quotidien, les diplômés chômeurs en particulier parmi les femmes entament des recherches dans un domaine relatif à la gastronomie. « Désormais les cakes, les gâteaux d'anniversaire, même s'ils ne font pas partie de mon domaine de formation, deviennent les ingrédients de ma nouvelle spécialisation. La pâtisserie et la confection des gâteaux, c'est mon travail actuel alors que j'ai un doctorat. Maintenant, j'essaie de faire mon travail soigneusement pour gagner la confiance de mes clients ». Elle rajoute : « la relation avec ces derniers est tellement difficile qu'il m'arrive de pleurer et je reste à maintes reprises sans-voix ».
D'après notre enquête, le sentiment de déclassement est difficile à gérer au quotidien pour bon nombre de diplômés. Ceux-ci subissent le manque de reconnaissance de la société, la défaillance de l'enseignement supérieur qui se privatise davantage et qui exploite ses salariés. « J'aurais souhaité débattre des idées et non pas des gâteaux ! J'aurais souhaité être avec mon cartable, au sein d'un amphithéâtre. Ma situation actuelle est désespérante et je suis à la limite de la dépression. J'ai frappé à toutes les portes et je n'ai même pas été retenue une seule fois ».
Préserver notre système éducatif comme ascenseur social
« Pour encourager mes enfants, je leur dit il faut étudier pour prendre l'ascenseur social et être reconnu par la société, et quand ils voient ma situation, ils me disent mais pourquoi tu es à la maison toi ? Aujourd'hui faire des études c'est un combat, au moment où je faisais la thèse j'avais un de mes enfants sur le dos et l'autre sur mes genoux et j'étais en même temps devant l'ordinateur en train de travailler sur mon sujet de recherche. Tout cet effort semble perdu pour rien ! », disait une autre candidate thésarde. Dans cette configuration, l'éducation doit redevenir la pierre angulaire de l'ascension sociale si l'on veut mettre en place un système fondé sur la méritocratie ! Encore beaucoup de chemin reste à faire surtout que le gouvernement ignore ces situations et les considère principalement à travers des courbes et des statistiques lors des réunions ministérielles !


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