Malgré les peines lourdes que leurs auteurs encourent dans la législation tunisienne, et qui vont jusqu'à la peine capitale, les crimes sexuels notamment à l'égard des enfants ne cessent d'augmenter en Tunisie. Cependant la réponse législative et institutionnelle comporte des failles et a besoin d'être améliorée et affinée afin d'être au niveau, ont estimé les participants à un séminaire sur le sujet organisé, hier, à Tunis, dans le cadre du projet national de prévention contre la violence sexuelle à l'égard des enfants notamment les filles, à l'initiative de plusieurs partenaires de l'administration et de la société civile dont l'Association « Femmes et leaderchip » et l'Association tunisienne de la protection de l'enfance. Quelques 350 cas de violence sexuelle contre les enfants notamment les filles ont été signalés aux délégués de la protection de l'enfance, en Tunisie, en 2014, mais d'après la directrice générale de l'enfance au ministère de la Femme et de la Famille, Mme Fawzia Jaber, le juge Lazhar Jouili, et les responsables des associations présents à la rencontre, le nombre réel est beaucoup plus élevé, car le sujet est encore tabou, dans notre société. D'ailleurs, l'absence de statistiques systématiques a été déplorée à cette occasion. Dans le monde, 25% des enfants des deux sexes sont victimes d'agressions sexuelles de toutes formes, en allant du harcèlement au viol et à la séquestration. La présidente de l'Association « Femmes et leaderchip », Mme Sana Ghénima, a placé la rencontre dans le cadre de la participation de la société civile à l'action menée en vue d'améliorer la réponse législative et institutionnelle nationale à la lutte contre la violence sexuelle à l'égard des enfants notamment les filles , signalant que le projet de prévention contre la violence sexuelle à l'égard des enfants notamment les filles, initié depuis un an et demi, bénéficie du soutien actif du Conseil de l'Europe et a eu un écho positif. Outre les rencontres d'information et de sensibilisation, un guide à l'intention des parents sur la violence sexuelle à l'égard des enfants des deux sexes notamment les filles et les moyens de la prévenir a été réalisé, parallèlement à la formation de groupes de formateurs en matière de sensibilisation au sujet, dans les crèches, les jardins d'enfants et auprès des parents, car une action en profondeur sur les mentalités est nécessaire, vu les tabous de toutes sortes qui entourent le sujet, comme la persistance de la croyance à la prééminence du mâle, au point que la fille victime d'abus sexuel est culpabilisée et elle est considérée dans les zones rurales et reculées, comme étant la coupable, a noté la magistrate Kalthoum Kennou, à la lumière de son expérience en tant que juge d'instruction dans certains régions intérieures. Et c'est pour des raisons de mentalité que le signalement des abus sexuels à l'égard des enfants reste faible. Etude approfondie Le juge Lazhar Jouili, qui est également expert en la matière, a présenté les grandes lignes d'une étude approfondie sur la législation tunisienne relative aux crimes sexuels et les peines dont ils sont passibles, réalisée dans le cadre du projet. Il s'est arrêté sur les insuffisances de la législation tunisienne, soulignant la nécessité de mettre à niveau le cadre législatif tunisien relatif à la répression des crimes sexuels. D'autant que les organisations internationales et régionales pertinentes ont avancé des recommandations dans ce sens. Toutefois, il s'agit à vrai dire d'insuffisances d'ordre technique, car les diverses formes de crimes sexuels et les peines qu'ils encourent sont prévues dans la législation tunisienne, du harcèlement sexuel au viol sous la menace, et ces peines sont lourdes comme le viol sous la menace passible de la peine capitale. Cependant, des failles existent qu'il faut combler. A titre d'exemple, la plainte de la victime pour harcèlement sexuel, délit passible d'une peine d'un an d'emprisonnement, et de 3 mille dinars d'amende, ne suffit pas, à elle seule, pour engager des poursuites, il faut que le parquet demande l'engagement de l'action judiciaire. Dans la législation tunisienne, il n'y a de viol que le viol de la femme par l'homme et de la manière naturelle, alors que les législations d'autres pays en Europe et ailleurs étendent la notion de viol à d'autres formes d'abus sexuels violents. La législation jordanienne incrimine le recours à la ruse et à la tromperie pour abuser sexuellement de quelqu'un, comme étant des formes de violence, à l'instar des fausses promesses de mariage, alors que la législation tunisienne ne mentionne pas ces cas bien particulier d'abus sexuels violents. La cessation des poursuites judiciaires contre l'accusé qui consent à épouser sa victime, majeure ou mineure, stipulée par la législation tunisienne, a été diversement appréciée, car le mariage, dans ces cas là, comme l'a noté le juge Lazhar Jouili, pourrait aboutir à « un viol et un calvaire permanent, pour toute la vie » pour la victime, puisque l'accusé y consent, souvent, afin d'éviter les poursuites judiciaires, et même la victime consent souvent sous la pression de ses parents. Lazhar Jouili s'est étendu sur les séquelles psychologiques indélébiles que la violence sexuelle laisse chez la victime, notant que les enfants ayant été exposés à des violences sexuelles deviennent très violents, à leur tour, à l'âge adulte, de sorte que l'agressivité sociale est alimentée par la violence sexuelle à l'égard des enfants. Aussi, la magistrate Kalthoum Kennou a réclamé que le crime de viol et d'abus sexuel violents à l'égard des enfants ne tombe pas avec le temps, afin de laisser à la victime, une fois majeure, la possibilité d'intenter une action en justice contre son bourreau , vu que les parents s'abstiennent parfois de porter plainte, sans tenir compte des effets de l'abus sur leur enfant. Aussi, l'accent a été mis sur l'importance de renforcer les structures de prise en charge, de soutien et de réadaptation psychologiques des victimes.