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« Quel discours religieux, voulons-nous ?»
Publié dans Le Temps le 16 - 12 - 2015

Arme à double tranchant pouvant servir aussi bien à l'édification qu'à la destruction des individus et des sociétés, le discours religieux et plus particulièrement le sermon de la prière de vendredi dans les mosquées a été au centre d'une table ronde organisée, samedi 12 décembre, par Dar Assabah avec la participation des responsables du ministère des affaires religieuses, des représentants du syndicat des cadres religieux, des imams prédicateurs dernièrement révoqués par décisions administratives, d'anciens militants islamistes et une élite de savants religieux et de professeurs universitaires, bref toutes les tendances concernées directement par la question, pour ainsi dire.
Invité et confirmant à maintes reprises sa participation, le ministre des Affaires religieuses, Othman Battikh, s'était excusé à la dernière minute.
Sous le titre « Quel discours religieux, voulons nous ? », la problématique était la recherche des voies et moyens permettant d'assurer la promotion du discours religieux, en Tunisie, notamment le sermon de vendredi prononcé par les imams prédicateurs à la prière de vendredi dans les mosquées afin qu'il soit un outil d'éducation favorisant l'union et l'intégration sociale et non pas un instrument de discorde et d'incitation à la haine et à la violence poussant au fanatisme et aux dérives extrémistes et terroristes. Quatre millions de fidèles se rassemblent, chaque vendredi, en Tunisie, dans les mosquées, à l'occasion de la prière de vendredi, tandis que le nombre des imams prédicateurs s'élève à 3700, d'après les chiffres fournis par les représentants du ministère des affaires religieuses.
Malgré les divergences d'opinions et d'appréciations souvent profondes, le débat a été constructif et a abouti à d'importantes recommandations. Les modérateurs, des journalistes de Dar Assabah, dont Mounia Arfaoui, ont rempli très bien leur rôle dans ce domaine. L'organisation de la conférence était, d'ailleurs, une idée de la base journalistique, vite acceptée et entérinée par la direction.
Abderrahmen Khochtali, directeur général de Dar Assabah
Tranquilliser et apaiser les esprits
Ouvrant les travaux, le directeur général de Dar Assabah, Abderrahman Khochtali, a exprimé la joie et le plaisir de sa maison, d'accueillir cette élite de docteurs, de professeurs, de cheikhs et de savants religieux de renom, soulignant l'importance du sujet proposé à la discussion , sujet qui intéresse, a-t-il dit, tous les tunisiens qu'ils soient croyants ou non. Il a émis l'espoir que le débat se déroulera dans une ambiance sereine, sans trop d'enthousiasme car l'objectif est de sortir avec des recommandations constructives et une bonne synthèse en osmose avec les préceptes impérissables de notre religion tolérante. Nous ne recherchons pas des scoops, a-t-il encore dit, mais nous voulons que le sujet soit étudié d'une manière scientifique et qu'une discussion féconde se tienne en présence des responsables du ministère, encore que le ministre qui représente le point de vue gouvernemental, n'ait pus assister, car le gouvernement fait face à une opposition dans ce domaine, et il y a plusieurs sons de cloche, en la matière, auxquels nous avons tenu à offrir cette occasion pour s'exprimer. Aussi, nous voulons un débat serein, de nature à aboutir à une synthèse qui tranquillise et apaise les esprits et le climat, pour le bien de notre pays qui a grand besoin de tranquillité et de quiétude, et celui de nos lecteurs qui aspirent à une matière substantielle et utile.
Hafedh Ghribi, directeur de la rédaction
Quelles normes ?
De son côté, le directeur de la rédaction des journaux de Dar Assabah, Hafedh Ghribi, a salué « l'équipe des journalistes qui avait avancé l'idée d'organiser cette table ronde sur la promotion du discours religieux en Tunisie. « Nous tenons à saluer, tout d'abord, ces jeunes qui sont à l'origine de cette initiative et qui sont appelés à prendre, demain, le flambeau des mains des aînés pour diriger et gouverner le pays, a-t-il dit, ajoutant que « la question du discours religieux revêt une grande importance et avait été, constamment, un sujet de désaccord et de divergence profonde, car le discours religieux était, par le passé, orienté et contrôlé par le pouvoir en place, puis après la révolution, et dans le sillage du rétablissement des libertés, le discours religieux a été instrumentalisé, et mis au service de la propagation d' idées extra- religieuses, sous couvert de la religion, et d'intérêts politiques cachés, en rapport étroit avec les courants et mouvements extrémistes et terroristes. On se rappelle bien, a-t-il souligné, les tentes dressées un peu partout, après la révolution, en vue de faire de la propagande extrémiste sous couvert de la religion.
« Cinq après la révolution, où tout avait été permis, et à l'heure de la stabilisation institutionnelle, nous avons voulu organiser cette conférence pour se pencher sur les normes du discours religieux, celles de l'imam prédicateur et du récepteur de ce discours, avec l'espoir de parvenir à des conclusions édifiantes et constructives, a-t-il conclu.
Mounia Arfaoui, journaliste modératrice du débat
Identifier les défaillances
Prenant la parole, la journaliste Mounia Arfaoui, coordinatrice de l'équipe des journalistes modérateurs, a souhaité la bienvenue aux participants dont certains étaient venus de loin pour y assister, notant que l'objectif est d'engager un débat constructif sur ce thème d'actualité brûlante, dans un environnement régional et international miné par la montée des idées destructrices qui ont déstabilisé les fondements de l'Islam et nuit beaucoup à sa réputation et à son image de marque. Elle a ajouté que la pensée fanatique et extrémiste dite « tacfiriste » peut être combattue au moyen de la dissuasion sécuritaire et armée mais aussi au moyen de la pensée constructive, et nous voulons justement jeter les bases de cette pensée constructive, en identifiant les défaillances du discours religieux, de manière à savoir où se situent ces défaillances, est-ce dans le discours religieux, ou dans les mosquées, ou bien encore dans les programmes scolaires. Il importe aussi de réfléchir sur les normes et les conditions que doit remplir l'imam prédicateur, sur ce qu'il convient d'entreprendre et sur les causes à l'origine de la tension qui entoure le sujet.
Le journaliste Mohsen Zoghlami a mis l'accent sur la qualité des participants et l'importance de leurs positions sur le sujet, notant qu'on est avide de savoir à travers leurs contributions, si le discours religieux est un discours sacré ou s'il est un discours social ordinaire dont l'élaboration peut être discutée et normalisée.
Hafedh Ghribi est intervenu de nouveau pour demander des éclaircissements sur le recrutement des imams prédicateurs et les conditions exigées à cet effet, plus particulièrement s'il existe des critères particuliers à remplir et des qualifications professionnelles bien déterminées.
Slim Ben Cheikh, représentant du ministère des affaires religieuses
Pour un discours qui unit
Premier à prendre la parole parmi les participants, Slim Ben Cheikh, représentant du ministère des affaires religieuses, a dit :« C'est un grand plaisir pour moi d'être aujourd'hui à Dar Assabah, ce prestigieux journal auquel nous devons une bonne partie de notre formation religieuse, grâce à la page consacrée tous les vendredis aux questions d'ordre religieux et à laquelle collaboraient des figures célèbres en la matière.»
« Il y a, effectivement, une crise du discours religieux qui incite à y réfléchir pour le hisser au niveau des attentes, et l'imam prédicateur constitue un élément du discours religieux, a-t-il dit.
Quant à savoir, si le discours religieux est sacré ou qu'il est un discours humain et temporel susceptible d'être objet de discussion, de refus ou de d'acceptation, il s'agit là d'une question qui mérite d'être soulevée avec insistance, car on a tendance à confondre le sacré et le temporel et de par sa qualification de « religieux », certains revêtent le discours religieux de l'habit du sacré. Or, il faut distinguer entre le texte religieux sacré et la pensée religieuse qui est humaine, à l'instar des exégèses du Coran, les explications du hadith du prophète et la jurisprudence. Cette matière fait partie du domaine religieux mais elle n'est pas sacrée et elle est liée au temps et à l'espace et change et évolue avec l'évolution et le progrès.
« A l'époque de Bourguiba, il y avait un certain degré de liberté par rapport à l'époque de Ben Ali, en ce que des cours religieux étaient donnés dans les mosquées, mais après le changement du 7 novembre 1987, et l'arrivée de Ben Ali, notamment depuis 1991, il y a eu une limitation de cette marge de manœuvre, à travers l'interdiction des cours dans les mosquées et l'effacement du rôle d'éducateur que remplissaient les enseignants prédicateurs , dont le nombre s'élevait alors à 140 et qui a été porté aujourd'hui à plus de 640, acculés à s'occuper uniquement des questions administratives. A leur tour, les sermons de vendredi prononcés par les imams prédicateurs ont été affectés par cette méfiance à l'égard de ce qui est religieux et étaient devenus uniformes, monotones et sans grand effet sur l'auditoire. Tout ceci a contribué à créer un vide sérieux en matière religieuse.
« Aujourd'hui, au niveau du ministère des Affaires religieuses, nous voulons que le discours religieux soit un discours authentique s'appuyant sur le Coran, la Sunna du prophète et les grandes constantes de la religion ainsi que sur la riche tradition religieuse qui comporte beaucoup de tolérance et d'acceptation de l'autre. Nous voulons un discours religieux qui unit les musulmans et non pas un discours qui les divise, et ceci réclame de l'imam prédicateur qu'il insiste sur les questions qui vont dans ce sens et évite les questions de désaccord.
« Il existe des lacunes dans la formation religieuse à tous les niveaux, y compris au niveau des programmes scolaires qui proposent des questions n'offrant à l'enfant et à l'élève aucune formation religieuse solide lui permettant de se défendre contre les influences extérieures dans ce domaine, venus de l'Internet ou encore des centaines de chaînes télévisées satellitaires, dont plus de 450 sont des chaines religieuses.
« Nous avons, d'ailleurs, au niveau du ministère, un projet de réforme en la matière qui a été validé par le gouvernement, en ce qui concerne le discours religieux que nous voulons voir dans nos mosquées, un discours qui ne soit pas orienté. Il est vrai que le ministère suggère parfois des sujets à la lumière de ce qui agite la société, comme le problème du suicide des jeunes. C'est que le rôle de l'imam prédicateur est un rôle axial dans l'édification des fidèles, sachant que quatre millions de fidèles vont, chaque vendredi, aux mosquées, pour accomplir la prière de vendredi et écouter le sermon de l'imam prédicateur. L'Etat tunisien n'adresse pas des sermons faits et rédigés à l'avance, à l'instar d'autres pays comme l'Arabie saoudite, l'Egypte, ou encore les Emirats arabes unis. Nous, en Tunisie, l'imam prédicateur est totalement libre dans le choix du contenu et de la forme de son sermon, car nous avons confiance dans nos imams prédicateurs et il existe une charte pour le bon choix des imams prédicateurs.
Cheikh Hamda Ennayfer
Référence scientifique unifiée
Pour sa part, Cheikh Hamda Ennayfer, savant religieux connu, a été, aussi, d'avis que le discours religieux en Tunisie vit une crise. « J'estime, a-t-il dit, que nous n'avons pas une idée précise du discours religieux qui réponde aux exigences, faute d'une pensée commune qui sert de référence à tous et de plateforme de base . La question est complexe. Nous disposons de 3700 imams prédicateurs mais, nous sommes infiltrés à travers notre discours, et l'on se demande comment se fait- il qu'on ne dispose pas d'un rempart solide avec toute cette masse d'imams prédicateurs, et que nous soyons infiltrés. C'est que nous n'avons pas des sermons harmonisés puisant dans une source unifiée et une même école. Aussi, nous manquons de discours religieux unifié mais qui n'empêche pas les différences. En effet, le discours est lié au contexte et subit les influences du contexte historique, social et autres. A cet égard, je me demande combien parmi nos imams prédicateurs ont a été formés à l'Université de la Zitouna. Le chiffre officiel est 6%, alors que cette institution devrait être notre référence. Nous n'avons donc pas une référence scientifique qui fait confiance. 6% formés à la Zitouna et les autres venus d'horizons divers. Il faut donc insister sur la nécessite de fournir la formation adéquate aux imams prédicateurs et penser à la mise en place d'une référence scientifique unifiée et ouverte pour le discours religieux.
Hassen Ghodhbani, avocat de tendance islamiste
Le prêche, une vocation
Hassen Ghodhbani, avocat de tendance islamiste, a plaidé, de son côté, pour l'indépendance de l'imam prédicateur. « Je plaide, a-t-il dit, pour l'indépendance de l'imam prédicateur à l'égard du pouvoir, et j'estime comme l'a dit Cheikh Hamda Ennayfer, qu'il y a une crise du discours religieux et un vide dans ce domaine, car l'Islam avait été complètement marginalisé, alors que toutes les forces étaient contre lui, et c'était pour cette raison que le discours religieux a été un discours contestataire. Après 2011, et la révolution, nous sommes tombés dans des erreurs de pratique, ne comprenant pas encore qu'il ne saurait y avoir une tutelle sur l'imam prédicateur. L'Islam qui nous est présenté n'est pas l'Islam authentique, l'Islam d'Abraham dans le Coran, et j'estime que l'Islam politique, s'il est pratiqué comme est pratiquée la politique, n'a rien à faire avec l'Islam authentique.
« C'est pourquoi, lorsque, en tant qu'avocat, je parle avec des clients parmi les prévenus arrêtés pour terrorisme, je constate qu'ils sont ignorants en matière de religion, de sorte que l'approche sécuritaire n'est pas suffisante, et qu'il faut chercher à épurer les esprits au moyen d'un discours religieux qui n'exerce pas de tutelle sur les autres et ne juge pas les comportements, mais qui prêche le bien et l'adoration d'Allah. Je suis quand même contre ceux qui mettent des lignes rouges et des lignes vertes devant l'imam prédicateur.Il suffit qu'il soit neutre, qu'il ne serve aucune partie ni tel ou tel chef, ou telle ou telle communauté en particulier, ni encore une idée particulière. Il doit prôner l'Islam dans sa vérité la plus simple. Malheureusement, diverses parties politiques, religieuses, culturelles exercent des pressions pour qu'il n'y ait pas un discours politique indépendant. Les intellectuels par exemple sont hostiles à l'Islam. Mais comment soigner et épurer les esprits de la compréhension erronée de l'Islam ? Ce sera par les gens qui ont la vocation de ramener les gens à Dieu et à l'Islam authentique, car le prêche n'est pas une science académique mais une vocation, alors que l'imam prédicateur peut évoquer et parler de tout ce qu'a été évoqué par le Coran et la Sunna du prophète.
Fadhel Achour, du syndicat des cadres religieux
Un vide à divers échelons
Dans son intervention le représentant du syndicat des cadres religieux, Fadhel Achour, a été d'avis que « le discours religieux dans les mosquées peut porter sur tous les sujets soulevés par l'Islam et qui ont un rapport avec l'Islam. »
« Nous sommes dans une situation fragile, a-t-il dit, s'agissant de la relation de l'imam prédicateur avec le ministère, de sorte que beaucoup de cheikhs ont abandonné leurs postes en raison de la modicité du salaire, entre autres. Il y a une désaffection à l'égard de cette profession et à l'égard du service religieux en général, au vu des nombreuses polarisations politiques dont le secteur est l'objet.
« Nous estimons que l'imam prédicateur doit être un savant et un homme d'action, au courant des connaissances de son époque et qui offre un discours unificateur et non pas un discours qui sème la division et la discorde. Il y a un vide à divers échelons, il y a un Islam politique, des centaines de chaines de télévision et derrière elles se trouvent des fondations, des Etats et des personnes. Le tout cherche à s'étendre et à drainer les autres notamment les jeunes, ce qui rend difficile notre tâche de protection.
« Aussi, le discours religieux ne peut pas être l'affaire d'une personne, mais d'institutions, et il faut aussi que le discours religieux, notamment dans les mosquées, soit adapté aux préoccupations de l'auditoire, en fonction des catégories et des régions, et qu'il repose sur la discussion et la persuasion, un discours varié, global, et en symbiose avec le niveau de la communauté à laquelle il s'adresse.
« Or, depuis 1992, le ministère des affaires religieuses n'a eu aucun projet de réforme, de sorte que le ministère doit avoir un plan de réforme.
Habib Lassoued, ancien islamiste
Aucun rapport avec l'Islam
Habib Lassoued, ancien militant islamiste connu qui avait été emprisonné pour ses idées, a proposé aux nouveaux islamistes de s'inspirer de l'expérience de leurs aînées qui, après avoir opté pour un discours contestataire et incitatif, ont révisé leurs choix. « Nous avons été comme nos frères imams prédicateurs d'aujourd'hui qui sont accusés de pratiquer un discours incitant à la haine et à la violence. Puis, nous avons procédé à des révisions de nos choix. Aussi, je dis à mes frères de s'inspirer de notre expérience et de réviser leurs choix, en faisant une lecture saine du Coran. Les salafistes estiment que les élections sont contraires à l'Islam, et le pire est que ces gens sont inféodés totalement à leurs maitres à penser de sorte que lorsque vous dites à quelqu'un d'eux que le Coran dit ceci et cela à propos de telle ou telle chose il vous répondra qu'un tel cheik ou un tel ou tel maitre à penser dit ceci et cela, c'est-à-dire qu'il met ce cheikh et ce maitre au dessus du Coran. Ils sont complètement obnubilés. Nous leur disons que le Coran est au dessus de tout, et qu'il n'y a pas de contrainte dans l'Islam. Ce qui se passe aujourd'hui n'a aucun rapport avec l'Islam. Nous mettons notre expérience et notre maturité à la disposition de nos frères d'aujourd'hui. Mais ce qui se passe aujourd'hui est aussi le résultat du poids du passé, et le retour du refoulé, comme on dit, à l'instar de l'accusation des responsables et agents gouvernementaux d'être des mécréants et des despotes, (taghouts) qui méritent la mort.
Amel Grami, universitaire enseignant la matière des religions comparées
Des générations d'assistés
Prenant la parole, L'universitaire Amel Frami, a insisté sur l'importance de l'auditoire et de l'adaptation du discours religieux dans les mosquées, qui, a-t-elle dit, évolue au milieu de nombreux autres discours sur la religion, au sein de la famille, des établissements éducatifs, dans les moyens d'information, l'Internet, parallèlement à la faiblesse de la culture religieuse de l'auditoire, notamment les jeunes.
Elle a évoqué aussi la tendance de l'auditoire à communiquer non pas avec le discours rationnel, mais avec le discours vivant qui s'appuie sur les techniques de la communication ancienne et moderne, avec l'imam qui pleure, et bouge. Il faut tenir compte de toutes ces exigences, a-t-elle noté, car, nous avons affaire à des générations d'assistés en matière d'apprentissage et de culture, qui, au lieu d'aller chercher et trier, par eux-mêmes, les connaissances, ils s'appuient en cela sur les autres ou sur un support, se contentant de ce qu'ils trouvent, sans distinction.
Hamed Mhiri, imam prédicateur
Eclairer les esprits
L'imam prédicateur Hamed Mhiri, a passé en revue les vicissitudes de ce métier à la lumière de sa longue expérience, sous Bourguiba, puis sous Ben Ali et jusqu'à nos jours, estimant, que de nos jours, le discours religieux et plus particulièrement le sermon de vendredi doit tendre à éclairer les esprits, en usant de la persuasion et de la bonne parole qui agit sur les gens et les attire, non pas par la peur du châtiment mais par la promesse des bienfaits qui attendent le fidèle ici bas et dans l'au-delà, comme il est clairement recommandé dans le Coran et la Sunna du prophète Mohamed. Ainsi, l'Islam authentique n'accepte pas qu'on égorge sous son couvert, un simple pasteur, a-t-il dit faisant allusion au petit berger tunisien qui a été dernièrement égorgé par des terroristes dans la région de Kasserine. Mais, le sermon de vendredi doit comporter des invocations et aussi des éléments de fikh et de jurisprudence, pour édifier les fidèles sur les côtés pratiques de leur religion.
Chiheb Telliche, imam prédicateur, du conseil syndical des imams prédicateurs
Lorsque le politique et le partisan se mêlent
Se réclamant du nouveau conseil syndical des imams prédicateurs, créé autour des imams prédicateurs révoqués dernièrement, en vertu de décisions administratives, l'imam prédicateur Chiheb Telliche a insisté sur la nécessité d'écouter et d'associer la société civile aux prises de décisions et aux réformes envisagées, ainsi que le respect de l'opinion différente, notant qu'en Tunisie, après la révolution, si nous refusons les sermons toutes faites, à l'instar d'autres pays, c'est par respect des fidèles, au moment où l'actuel ministère des affaires religieuses adopte des positions qui manquent de respect aux cadres religieux, et aux imams prédicateurs et se caractérisent plutôt par l'injustice.
« Nous estimons, pour notre part, a-t-il dit, que la voix des imams prédicateurs, après la révolution, cherche à coller aux préoccupations de la société, et c'est pour cette raison qu'on a voulu faire taire cette voix. Les imams prédicateurs ont défendu activement l'article 6 de la nouvelle constitution qui autorise la discussion des questions et des causes de politique générale dans les mosquées, et non pas les causes partisanes qui concernent les partis politiques. Les imams prédicateurs ont aussi assumé pleinement leur responsabilité dans la lutte contre la pensée extrémiste tacfiriste, au point que les voitures de quelques uns d'entre eux avaient été incendiées, lorsqu'ils ont déclaré que les idées terroristes n'ont aucun rapport avec l'Islam et que les actes terroristes sont des actes criminels.
« Or, a-t-il ajouté, le discours religieux est resté un discours arriéré et n'a pas suivi le progrès, et ceci a ses causes de sorte que nous nous étonnons pas lorsque les jeunes sortent pour jeter l'anathème sur les institutions de l'Etat, contester la démocratie, et accuser d'hérésie les cheikhs de l'Islam et l'Université zitounienne. Sinon, comment expliquer qu'on continue de recourir, encore aujourd'hui, à la fermeture de mosquées pour écart à l'égard de la ligne officielle ? C'est dire que si nous allons continuer à appliquer la même approche que celle appliquée par Ben Ali, il n'y aura pas de solutions aux problèmes. Est-ce que nous savons le nombre des jeunes qui appartiennent au courant salafiste. Avons-nous des statistiques précises à ce sujet. Or, la grande majorité de ceux qui vont aux mosquées sont des salafistes et appartiennent à la mouvance salafiste, la jihadiste, et la prédicatrice..Nous devons réviser nos positions et réaliser que les idées changent et différent afin de respecter la différence, et au lieu de la confrontation, favoriser la complémentarité et la coopération. Il importe de se mettre d'accord sur une plateforme commune et un plan de réforme concerté, sur la base d'un ensemble de critères, car lorsque le politique et le partisan se mêlent, il y a catastrophe en perspective, dans la mesure où l'inféodation à une référence partisane est une forme de dictature, et c'est ce qui s'était passé sous Bourguiba et sous Ben Ali et nous craignons que la chose ne se produise de nos jours, sous la tutelle de l'actuel ministère des affaires religieuses conduit par le ministre Othman Battikh, car ce n'est pas en fermant les mosquées et les kouttabs d'enseignement coranique qu'on peut combattre le terrorisme. A l'inverse, ceci engendre l'explosion, de sorte qu'il faut éviter l'exclusion et ouvrir la voie à tous pour travailler, mais dans l'ordre et le respect convenances.
« Toutefois, autant il faut éloigner le discours religieux des polarisations politiques et partisanes, autant il faut éviter le discours anesthésiant, et s'attacher à un discours qui colle au vécu quotidien et aux préoccupations de l'opinion publique.
Ridha Jaouadi, imam prédicateur de la mosquée Ellakhmi, à Sfax, révoqué, dernièrement, sur décision administrative
La marginalisation, un grand problème
De son côté, l'imam prédicateur de la mosquée Ellakhmi à Sfax, Ridha Jaouadi, dont la révocation, sur décision administrative, dernièrment, a provoqué des réactions populaires, a indiqué que plus de 10 imams prédicateurs, dans son cas, avaient été révoqués, notant que la question fondamentale a trait à un conflit entre ce qui est officiel et ce qui ne l'est pas et entre le ministère et la société civile. Or, a-t-il dit, le discours religieux déborde sur le sermon prononcé à la mosquée, alors que l'imam prédicateur n'est pas un professeur, et moi, en tant que professeur, je n'utilise pas les mêmes techniques de communication quand j'enseigne et quand j'exerce la prédication. Or, si le discours diffère d'une époque à une autre, il diffère aussi d'un endroit à un autre, car le discours religieux est un effort particulier tendant à faire connaitre le sacré.
« J'ai été imam sous Ben Ali et on m'avait révoqué en 1991, et aujourd'hui, que ma révocation se répète, j'ai compris que les prémisses du despotisme pointent à l'avenir, car j'ai senti la même injustice que celle que j'avais senti à l'époque de Ben Ali. Les imams qui ont été exposés à cette injustice, moi et les autres imams prédicateurs , l'ont été parce qu'ils possèdent un grand rayonnement et une grande audience auprès des fidèles, de sorte que leur révocation est délibérée et j'estime qu'il s'agit d'une liquidation idéologique de tous ceux qui défendent la cause de la révolution. Et c'est sûr qu'il y a une partie derrière tout ceci, un parti politique ou des agendas étrangers. Aujourd'hui, encore, le plus grand problème reste la marginalisation de la religion, car en pratique, le ministère cherche à monopoliser le discours religieux, sinon, comment expliquer qu'il ne tient nullement compte des milliers de signatures favorables à notre cause qui lui parviennent régulièrement. La réponse est qu'il y a, aujourd'hui, une volonté, autre que celle des fidèles. Il y a eu donc cette réaction populaire à Sfax. Or, parmi les régions du pays, celle de Sfax a connu un calme exemplaire concernant les menaces terroristes, et le mérite en revient au groupe des imams prédicateurs parmi les révoqués et autres qui a su cerner de tout côté la pensée jihadiste et l'empêcher de se propager, au moyen d'un discours approprié et adéquat, en collaboration avec les militaires et les sécuritaires. Nous avons attendu qu'on nous remercie et voilà que c'est l'inverse qui se produit et qu'on nous écarte. Nous ne prétendons pas monopoliser la vérité religieuse, mais nous respectons la différence et l'ouverture à tous, aux musulmans ainsi qu'aux laïcs et nous avons organisé une conférence où nous avons affirmé que la liberté religieuse est compatible avec les préceptes de l'Islam et que les laïcs et les communautés professant d'autres confessions religieuses ont le droit de vivre en terre d'Islam.
« Nous avons pu acquérir une bonne expérience en matière de lutte contre le terrorisme et des critères que doit remplir le discours religieux adéquat. Nous avons trouvé qu'il faut combattre le terrorisme par des arguments de poids et nous avons organisé des dialogues et des débats à cet effet.
« Le motif de ma mise à l'écart a été d'avoir organisé une réunion syndicale dans la mosquée, alors qu'il s'agit d'une réunion dans ce cadre avec la participation de certains imams prédicateurs. L'autre motif est la prononciation d'un sermon contre le ministère, ce qui n'est pas vrai. Je suis prêt à renoncer à mon droit si le ministère décide la réintégration des autres imams révoqués. Or, on sème la discorde en réprimant les gens et en ne respectant pas les fidèles.
« La réussite dans la guerre contre le terrorisme est l'union et l'association de toutes les forces, mais l'une des conditions de réussite est de faire participer les compétences capables de convaincre les jeunes et de les protéger. Or, un imam prédicateur comme Béchir Ben Hassine, mis à l'écart lui aussi, bénéficie de ce rayonnement et de l'influence sur les salafistes, car il est un salafiste modéré et proche d'eux . Pourquoi le perdre ? Mr Noureddine Khadmi, l'ancien ministre des affaires religieuses, est une grande personnalité religieuse. J'appelle donc notre ministère à ne pas chercher à monopoliser le discours religieux et quand nous disons ceci, nous ne sommes pas contre le ministère, ou contre le gouvernement. Il faut ouvrir la voie aux compétences et faire participer tous à l'œuvre.
Mourad Salem, représentant du ministère des affaires religieuses
Respecter les mosquées et éviter les escalades
Mourad Salem, représentant du ministère des affaires religieuses, a insisté sur la nécessité pour les imams prédicateurs de respecter la mosquée et d'éviter les escalades, ajoutant que le choix des imams prédicateurs obéit à des règles et à des conditions à remplir, et qu'il existe des commissions scientifiques chargées de l'opération. Cependant, il a signalé le manque de professeurs spécialisés.
« Notre présence à cette table ronde, a-t-il ajouté, est le signe que nous sommes favorables au dialogue, sans escalade, car l'affaire est aujourd'hui entre les mains du tribunal administratif pour la juger. Cependant, l'imam prédicateur n'est pas un artiste pour prouver son charisme par l'importance du public qu'il draine.
Intervenant de nouveau, Slim Ben Cheikh, représentant du ministère des affaires religieuses, a souligné qu'il est faux de dire que nous avons fermé des mosquées et des kouttabs, mais à l'inverse nous avons ouvert de nouveaux kouttabs, depuis février dernier, plus de 160 et nous avons tout un programme pour développer les écoles coraniques et les associations de sauvegarde du Coran, parallèlement au lancement d'un programme national en 2016, destiné à promouvoir la récitation du Coran, ciblant 100 mille bénéficiaires.
Recommandations
A l'issue des débats, les participants ont été invités par la modératrice, Mounia Arfaoui, à présenter, chacun, les recommandations et propositions qu'il juge utiles pour promouvoir le discours religieux.
Ainsi, Slim Ben Cheikh a préconisé l'élaboration et l'adoption d'un code de déontologie pour les imams prédicateurs, en faisant participer toutes les parties concernées à cette tâche, le ministère, la société civile et toutes les forces vives du pays. Il a préconisé aussi la promotion de l'information religieuse.
Hamada Ennayfer a appelé le ministère à changer sa vision et sa conception de la profession d'imam, en ce que le ministère n'est pas une autorité mais une référence administrative qui guide et organise. Il a insisté aussi sur l'importance de la formation scientifique des imams prédicateurs, dans les disciplines religieuses et les sciences humaines, appelant à fonder une référence scientifique nationale propre à nous mettre à l'abri contre les infiltrations extérieures.
Fadhel Achour a insisté sur la nécessite pour l'imam prédicateur de posséder une culture vaste et d'être au fait des connaissances de l'époque, suggérant le recrutement des imams prédicateurs parmi les professeurs d'éducation religieuse et des instituteurs, alors que l'inspection sera assurée conjointement par le ministère des affaires religieuses et celui de l'éducation.
L'universitaire Amel Frami a insisté sur l'importance de la formation continue et sur l'indépendance du discours religieux et son ouverture à l'environnement et aux sciences modernes, suggérant l'encouragement des recherches scientifiques dans ce domaine.
Hamed Mhiri a proposé la création d'un institut pour la formation des imams prédicateurs, alors que Ridha Jaouadi a souligné qu'il faut regarder l'Etat comme étant le protecteur de la religion et non pas son tuteur qui a le plein pouvoir sur la religion. Il a souligné que l'indépendance ne signifie pas la rupture et n'empêche nullement la complémentarité, proposant l'organisation d'un dialogue sociétal sur le discours religieux, et insistant sur l'importance de dialoguer avec les syndicats, et de respecter la volonté des fidèles.
Il a réclamé également l'annulation des décisions de révocation et de mise à l'écart des imams prédicateurs.
Mourad Salem a proposé l'organisation d'une conférence nationale sur la promotion du discours religieux.
Couverture de Salah BEN HAMADI


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