Tout le monde s'entend à dire que la corruption a connu un bel élan en Tunisie postrévolutionnaire. Les porteurs du drapeau de la lutte contre la corruption, à l'instar de Chawki Tabib ou encore d'Ahmed Souab, ne cessent de tirer les sonnettes d'alarmes pour dire que la corruption a touché à tous les secteurs vitaux de l'Etat. En février dernier, le président de l'Instance nationale de lutte contre la corruption, Chawki Tabib, a indiqué que le trafic des médicaments dans les hôpitaux coûte à l'Etat cent milliards de dinars. En 2009, selon le rapport de la Cour des comptes, ce même trafic avait coûté soixante milliards de dinars à l'Etat. Une hausse de 40% qui nous amène à poser plus d'une question... Toujours selon le concerné, la corruption a atteint des niveaux dangereux dans notre pays : Tabib a révélé que la police municipale est impliquée dans une grande affaire. Des agents de la police municipale ont en effet revendu des produits alimentaires et de la viande périmés – des produits déposés dans les dépôts de la municipalité en question – à des restaurants universitaires. Cette affaire prouve donc qu'aujourd'hui, la santé du citoyen est carrément menacée par ce fléau destructeur. Du côté de l'Assemblée des représentants du peuple, les choses ne semblent être en meilleures conditions. Après les accusations tenues par certains dirigeants de l'Union patriotique libre à l'encontre des députés qui ont quitté le bloc de l'UPL pour rejoindre celui du mouvement de Nidaa Tounes, les derniers propos de la députée du bloc du Courant démocratique, Samia Abbou, sont venus mettre de l'huile sur le feu. Intervenant au cours d'une plénière à l'ARP dédiée au projet de loi relatif à la régularisation de la situation d'exploitations de carrières de marbre illégales à Thala et Kasserine, Samia Abbou a assuré que les carrières en question sont exploitées par des mafias dont certaines sont spécialisées dans le trafic de la drogue. La députée ne s'est pas empêchée de citer quelques noms de ceux qui seraient derrière cette affaire donnant, ainsi, plus de crédibilité à ses accusations. Demandant au ministre des Domaines de l'Etat, Hatem Euchi, de retirer le texte ‘honteux' et de ne pas le soumettre au vote de l'Assemblée, Samia Abbou a accusé, par des paroles à peine voilées, quelques-uns de ses collègues députés de recevoir de l'argent pour faire passer certaines lois. ‘Il existe certaines lois pour le vote desquelles on donne de l'argent et cette loi justement en fait partie, monsieur le ministre !' Samia Abbou n'aurait pas pu être peu claire que cela. Malgré sa sévère contestation, et celle de quelques collègues à l'instar du député du Front populaire Mongi Rahoui, la loi en question a fini par être adoptée par 83 voix pour, 44 voix contre et 11 abstentions. Indépendamment de l'importance politique ou idéologique de la députée, ses propos méritent que l'on s'y penche et que, surtout, le ministère public s'y intéresse de plus près. Malheureusement, et jusqu'aujourd'hui, l'appareil judicaire semble dormir sur ses deux oreilles... Additionnée à la dernière affaire des députés qui auraient été achetés par Chafik Jarraya au profit du bloc de Nidaa Tounes – selon les accusations portées par le président de l'UPL, Slim Riahi – la déclaration de Samia Abbou vient entacher davantage l'image déjà souffrante des députés. Si lors de l'affaire Riahi/Nidaa Tounes, les accusés ont menacé de porter plainte pour diffamation, les propos de Samia Abbou sont, a priori, tombés dans de sourdes oreilles. A l'ère de la lutte contre la corruption et le terrorisme, une nouvelle crise de confiance – après celle qui avait opposé le corps des sécuritaires à celui des magistrats – s'annonce pour venir mettre le doute entre le Parlement et l'opinion publique. Ces accusations doivent impérativement être démenties, sinon, prouvées et ses coupables jugés. Affaire à suivre !