L'affaire qui oppose « I Watch » à « Karoui&Karoui » et « Nessma » a connu un nouveau rebondissement avec la conférence de presse organisée hier au siège de la chaine de télévision. En effet, suite à la révélation par l'ONG d'un rapport accusant le groupe médiatique de fraude et d'évasion fiscale, les frères Karoui ont contre-attaqué et invité les journalistes à un point presse afin d'apporter les éclaircissements nécessaires. « Nous n'avons pas peur ! », dira Ghazi Karoui, balayant d'un revers de la main toutes les accusations portées par I Watch dont il traitera ses dirigeants de « gamins enivrés d'euros ». Il qualifiera le rapport dévoilé lundi dernier par l'ONG d'« enquête policière menée par une association financée par des forces étrangères sous le regard d'autorités souveraines ». Suite à quoi, l'homme d'affaires s'interrogera : « Où est l'Etat ? ». Ghazi Karoui retracera brièvement l'historique du groupe Karoui&Karoui qui emploie selon ses dires 2000 personnes, de dix nationalités différentes, répartis sur plus de cinq filiales situées dans plusieurs pays d'Afrique. Il annoncera également qu'entre 2005 et 2015, grâce à son positionnement à l'international et aux contrats conclus avec des partenaires étrangers, le groupe a fait rentrer au pays près de 160 milliards en devises. Chaque transaction aurait transité par la Banque Centrale comme le stipule la loi. Concernant la société implantée au Luxembourg, il a expliqué que cela était dû au fait que la chaîne Nessma avait démarré dès 2006 avant même qu'une autorisation ne lui soit accordée en Tunisie et qu'il fallait dans ce sens créer une entité juridique dans un autre pays pour travailler en toute légalité. Une fois l'autorisation obtenue, le groupe a constitué une société de droit tunisien, « Nesma Broadcast » et a transféré tous ses capitaux en Tunisie. Selon Karoui, cette entreprise fait régulièrement l'objet de contrôles fiscaux et sociaux et ses comptes sont audités par des commissaires aux comptes internationaux. De plus, toutes les recettes de la publicité sont assujetties à la retenue à la source. Toutefois, Ghazi Karoui affirme que la société n'a pas engrangé jusqu'ici de bénéfices et que zéro dividendes ont été transférés à l'étranger. Un prêt polémique Dans son rapport accusant « Karoui&Karoui » de fraude et d'évasion fiscale, l'ONG « I Watch » a également fait mention d'un prêt que la banque publique « Banque de l'Habitat » aurait accordé en 2011 au groupe sans garanties et alors qu'il était à découvert bancaire. L'Association accuse la Directrice générale de l'époque Dalila Bader Koubâa d'avoir autorisé cette opération en échange de quoi, elle bénéficiera, près de quatre ans plus tard, d'une promotion et sera nommée au poste de PDG de la société Assurance Salim, filiale de la Banque de l'Habitat (BH), une nomination en grande partie due à la proximité entre Nabil Karoui et Hafedh Caïd Essebsi, fils du président. A ce sujet, Ghazi Karoui a tenu à préciser que le prêt avait été accordé le 30 décembre 2010 et qu'en contre partie, la banque avait obtenu des garanties consistant en des parcelles de terrain en plus de cautions personnelles. L'intégralité de la somme aurait été remboursée en mai 2013 et la banque a encaissé un montant de 440.000 DT en tant qu'intérêts. Enfin, concernant la société portant le nom de « Nessma » et basée à Dubaï, il s'agit en réalité d'une entreprise spécialisée en aéronautique et n'est aucunement rattachée au groupe « Karoui&Karoui ». Face aux accusations portées par l'ONG « I Watch », le groupe « Karoui&Karoui » a décidé de saisir la justice et a déposé hier 21 plaintes contre l'association et son président, notamment pour diffamation, dénonciation calomnieuse, substitution aux autorités régulièrement constituées, complot ayant pour but de nuire à une entreprise, divulgation de correspondances et de documents internes appartement à autrui. Une énième plainte a été déposée contre l'ONG pour tentative d'intimidation et d'épouvante selon les faits punis par la nouvelle loi antiterroriste. Mouheb Garoui, président d'I Watch est le principal visé par ces accusations. Invité sur de nombreux plateaux télévisés et sur les ondes de diverses radios, l'homme ne semble toutefois pas être intimidé par la contre-offensive des frères Karoui et persiste et signe à chacune de ses interviews sur la véracité et la crédibilité des accusations avancées. Décidément, les couteaux sont bien aiguisés des deux cotés et la guerre des mastodontes est belle et bien annoncée. Parions que ce feuilleton, médiatico-judiciaire, ne se terminera pas de si tôt.