La date de la mort de l'inégalable chroniqueur radiophonique au verbe grinçant, au journaliste et homme de théâtre Abdelaziz Laroui, correspond au 13 juillet 1971. Une date passée malheureusement inaperçue et encore une fois cette année, à l'exception d'un faire-part publié par sa famille en son souvenir. « La mort est nécessaire », comme le dit un dicton tunisien, mais l'oubli est fatal et encore plus dur. C'est ce qui semble se passer pour la plupart de nos artistes et autres érudits partis et totalement oubliés et dont les jeunes d'aujourd'hui n'en savent que peu ou prou. Certes, la radio nationale passe quelques-uns des célèbres contes de Laroui à l'occasion du mois de Ramadan. De même que la télévision nationale rediffuse quelques adaptations de ses mêmes contes des réalisateurs Salem Sayadi et Habib Jomni. Mais Laroui n'avait pas seulement excellé dans ce genre narratif avec son verbe accrochant dans un dialecte tunisien des plus purs. Il était également passé maître dans l'art de la critique sociale dans son « Samar » quotidien. Et étrangement, notre radio publique n'a jamais osé diffuser l'un de ses « Asmar » qui pourraient bien coller à la réalité d'aujourd'hui, ou bien pour marquer la différence entre la vie sociale d'hier et d'aujourd'hui. Car, avec le « Samar » Abdelaziz Laroui n'épargnait personne et disait tout haut ce que d'autres pensaient très bas. Son « Samar » était, soit basé sur un fait divers, comme celui du vendeur de faux tickets de spectacles au marché noir, soit sur un fait qui lui était arrivé personnellement. L'auteur de ces lignes se rappelle et de visu des déboires de Laroui avec un chauffeur de taxi qui ne voulait point entrer à la rue Bab El Fellah, du temps où la circulation y existait encore ! Aujourd'hui, cette circulation a laissé place au dictat des vendeurs ambulants, aux étalages des marchands des fruits et légumes ayant pourtant leur boutique réservée à cet effet. Cela est également valable pour la rue des silos et son tenant à partir de la rue Bab El Fellah. Tout ce beau monde est épargné et toléré par les responsables municipaux. Veinards marchands de fortune et pauvres citoyens qui n'arrivent plus à circuler sur cette rue, sans la présence des voitures ! Je pariai donc et à l'époque que Laroui allait consacrer un « Samar » à cette aberration. Et il le fit ! En reprenant sa conversation avec le Taxi driver, qui avait failli tourner au vinaigre. Laroui présentait également les informations en arabe dialectal, de même que les communiqués locaux « Al balaghat al mahalliya. » Crainte Le théâtre radiophonique n‘était pas en reste avec la série « Fi dar ammi Si Allala. » Et le théâtre sur les planches, sans pléonasme était une autre passion d'Abdelaziz Laroui. Il avait mis en scène la pièce « Ejmel dhehak dhohka » et dirigeait la Troupe du Théâtre populaire. Laroui parlait également d'agriculture sur Radio Tunis en compagnie de feu Larbi Haj Sadek à travers l'émission hebdomadaire « Al Hadih al filehi. » Une émission non seulement de vulgarisation agricole, mais qui répondait, en plus, au courrier des auditeurs trop souvent paysans de leur état. Mais ce qui nous amène aujourd'hui à reparler d'Abdelaziz Laroui, c'est la mort lente de la langue parlée tunisienne. Car il est des mots et expressions en dialectal qui se sont effrités et qui, une fois utilisés par certains, ne sont plus compréhensibles par d'autres, soit les nouvelles générations, pour y revenir. Abdelaziz Laroui savait être plus proche du citoyen moyen. Il est demeuré inégalable à ce jour. Notre crainte va vers la langue parlée qui a « évolué » négativement au fil des décennies de développement (Sic !) Aura-t-elle besoin d'un Abdelaziz Laroui aujourd'hui ?