Même 57 ans après sa disparition, Mahmoud Bourguiba continue à susciter l'intérêt des chercheurs et des historiens d'aujourd'hui pour son œuvre littéraire et culturelle si dense et si variée qu'il nous a léguée, contribuant ainsi à la promotion de la chanson tunisienne, en tant que parolier, au théâtre tunisien, comme dramaturge, acteur et critique théâtral. Outre son profil d'homme de médias et de communication, ayant exercé dans le journalisme et à la Radio, en tant que producteur et animateur d'émissions littéraires. De son vivant, il fut nommé « poète de la jeunesse » et sa fameuse chanson « Zaama isafi eddahr… », interprétée par Fathia Khairi et composée par Mohamed Triki, fut élue « chanson du siècle ». Selon son fils aîné, Jalal Bourguiba, les chansons que son père avait écrites dépassent le nombre de 700, à part celles qui n'ont pas été recensées et sont tombées en désuétude. Il avait été également sélectionné en 1932 par la revue « Le monde littéraire » comme le plus important poète dans le Maghreb arabe. Mahmoud Bourguiba est né en 1909 à Tourbet Bey, à la Médina de Tunis. Il fit des études d'abord à l'école coranique, puis à la Zitouna qu'il quitta sans diplôme, enfin à la Khaldounia où il apprit la langue française. Ce qui lui permit plus tard de traduire la poésie de Verlaine et la pièce de « Le Barbier de Séville » de Beaumarchais. Sa famille vivait entre Tunis et Hammam-Lif, cette ville de la banlieue sud où il demeura dix ans, entre 1940 et 1950, alors qu'il devait en principe y rester seulement un mois, tellement la ville lui plaisait. A cette époque, connue pour être riche et prolifique en productions littéraires, artistiques et culturelles, il fréquenta la bande « Taht Assour » et côtoya les illustres poètes et écrivains, comme Jalaleddine Naccache, Lârbi Kabadi, Ahmed Kheireddine… Il s'occupa à la même époque des pages littéraires et culturelles des revues « Al Wazir », « Annahdha » et « Ezzohra ». Mahmoud Bourguiba s'illustra aussi dans le théâtre. A part les pièces destinées aux enfants qu'il avait écrites, il participa en tant que comédien à la troupe théâtrale radiophonique à côté des pionniers tunisiens, tels qu'Abdellaziz Laroui, Hamouda Mâali, Abdellaziz Kacem, Abdelmagid Ben Jeddou, Zohra Faiza, Jamila Orabi, Taoufik Abdelli et Mohamed Hedi… En tant que dramaturge, il écrivit la pièce «Majnoun Leila », mise en scène de Kamel Baraket. Les chansons qu'il avait écrites sont immortelles et sont encore fredonnées par les nouvelles générations. Inutile de dresser toute la liste de ces chansons qui sont assez nombreuses, mais nous nous bornerons à en citer les plus fameuses, grâce auxquelles des chanteurs tunisiens ont eu beaucoup de succès auprès du public à l époque et qui sont reprises par les nouveaux chanteurs qui respectent encore la chanson tunisienne authentique. Parmi ces chansons, on peut citer, à titre d'exemple celles interprétées par Hedi Jouini « Aâlik enghani / Ya machkaya », « M'naouel nadhra darbani », « Yalli n'ssiti khalek », « Loukan mouch essabr Yetfi Nari ». Pour Oulaya, il a écrit : « Yali inta rouh errouh » et « Kassi kassartou bidaya ». On ne saurait oublier les fameuses chansons du rossignol Ali Riahi « Zina ya bent el henchir » et « Al alem yedhak ». Il faut signaler qu'il a également écrit une chanson à Warda Al Jazairya intitulée « Yelli inchoufek yadhak zemani ». La liste des chanteurs et chanteuses pour qui Mahmoud Bourguiba a écrit est encore longue. C'est toujours intéressant de rendre hommage à nos créateurs qui ont jalonné la vie littéraire et culturelle de leurs admirables œuvres, durables et inégalables, pour qu'elles ne sombrent pas dans l'oubli : c'est un héritage vital de notre patrimoine culturel qu'il faudrait conserver ! Aussi faut-il saluer les travaux de recherches effectués sur Mahmoud Bourguiba par Habib Ben Fdhila dans son livre paru en 2008 « Mahmoud Bourguiba : vie et poésie » et le livre de l'universitaire Kaouthar Nsiri, paru dix ans avant, en 1998, « Mahmoud Bourguiba, homme de théâtre ». L'œuvre immense de Mahmoud Bourguiba mérite qu'elle soit davantage mise à l'étude pour en dénicher des trésors et des miracles non encore dévoilés !