Les relations entre le Gouvernement et l'UGTT ne sont pas au beau fixe et elles ne risquent pas de l'être sur le court et moyen termes. Je m'explique ! La Révolution a été en grande partie menée à accomplissement grâce à la mobilisation intense des syndicats de base poussés discrètement au départ par le bureau exécutif de la centrale ouvrière historique. D'où ce sentiment, que sans l'UGTT, la Révolution aurait échoué comme une simple rébellion de passage à la Ali Ben Ghedhahom, étouffée par la réaction classique des organes de soutien du système politique depuis Bourguiba puis avec Ben Ali. Pour preuve, les islamistes qui ont le plus profité de la Révolution au niveau des acquis, n'ont donné de la voix qu'après la fuite du général-président, et avec le retour des « exilés » de Londres, accueillis à l'aéroport Tunis-Carthage, comme des libérateurs et à leur tête, le cheikh Rached Ghannouchi, porté en triomphe aux refrains de « Akbala Al Badrou Aleina » (La lumière est à nouveau parmi nous !) Par ailleurs, l'UGTT, a joué un rôle de premier plan dans le rééquilibrage du système politique post-révolutionnaire, largement accaparé et mis sous tutelle par le parti islamiste dominant « Ennahdha ». Du front du refus et de la résistance, Place du Bardo, au quartet pour le dialogue national, la formation populaire de Farhat Hached a démontré une grande maîtrise de mobilisation et d'impact politique qui a pesé certainement aux élections de Décembre 2014. Mais, ceci a eu un prix, et quel prix, sur la stabilité sociale et l'affaissement de l'économie. Plus de 800 grèves et sit-in par an, et pas tous commandités par l'UGTT, il faut le préciser, ça laisse des traces et même des brisures. Une pression constante sur ces gouvernements successifs surtout de MM. Mehdi Jomaâ et Habib Essid. Une culture du travail sinistrée et décimée, par ces négociations interminables avec menaces constantes de débrayages dans des secteurs névralgiques, comme les mines, le transport, l'Education, l'énergie etc... A peine un « round » terminé avec un gouvernement aux abois sans aucun autre choix que de se soumettre aux exigences des syndicats survoltés, qu'un nouveau « round » est annoncé, à telle enseigne que ça fait six ans qu'on négocie, qu'on signe des accords d'augmentation de salaires et autres avantages de promotion et de carrières et qu'on renégocie la mise en application de ces « décisions » irréalistes, parce que les caisses sont vides et que la masse salariale de la fonction publique et dérivés, a atteint l'intolérable et l'inaccessible, surtout dans un pays fortement endommagé économiquement et financièrement avec une croissance proche de « zéro » et des investissements classés absents, ou en transit vers des contrées plus clémentes et plus accueillantes ! Nous avons à faire de plus en plus, à un cercle vicieux où le syndicat accuse le (ou les) gouvernements de faillir à leurs engagements et où les gouvernements accusent le syndicat d'avoir soutiré de manière irréaliste des promesses que l'Etat ne peut tenir ! Résultat, toutes les « crédibilités » sont mises en cause et on ne sait plus à quels saints se vouer. Les hôteliers n'en reviennent pas, alors que le secteur touristique est en pleine crise avec des perspectives toujours en panne, les syndicats menacent « grève » de quoi revenir à l'adage bien populaire « Ariène yeslib fi Miyet » (Un nu s'acharne à voler un mort !). Que c'est triste ! Autre conséquence autrement, plus grave, l'affaiblissement de l'Etat et ses valeurs de la modernité sociale. Les syndicats sont-ils en train de mettre à mort « l'Etat providence », libéral et social !? Beaucoup le pensent, et les perspectives de 2019-2020 annoncent un raz de marais « islamiste », parce que ce mouvement est libéral sans idéologie de contraintes sociales et syndicales assommantes. L'UGTT, ses dirigeants et ses leaders devraient y réfléchir par deux fois avant de poursuivre la « guéguerre sociale » permanente ! Leur responsabilité dans une éventuelle reprise du pouvoir par les islamistes est quasi-certaine. « Ched Mchoumek lay jik ma achouam », aurait dit feu mon père (un tien vaut mieux que deux tu l'auras)... ! Mais, les jeunes générations syndicales sont grippées par les idéologies déclassées ! Dommage ! L'UGTT du grand Hached, c'est l'amour du peuple tout entier... Ouhibbouka ya Chaâb ! K.G