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Interview avec Jacques Charmes : Le secteur informel: reflet d'un échec politique ou phénomène passager inévitable?
Publié dans L'expert le 24 - 03 - 2017


Economiste, Directeur de recherche émérite, IRD.
Jacques Charmes est économiste et statisticien. Actuellement directeur de recherche et antérieurement directeur du département « Sociétés et Santé » à l'Institut de Recherche pour le Développement (IRD, France), il a participé à la conception et à l'analyse de nombreuses enquêtes sur l'emploi, les niveaux de vie, le secteur informel et les budgets-temps en Afrique, au Nord et au Sud du Sahara. Il a écrit plusieurs articles, rapports et manuels sur la mesure du secteur informel dans la population active et les comptes nationaux, avec un accent particulier sur les femmes. Il a participé à de nombreux programmes et activités des Nations Unies et de la Banque mondiale, en particulier : la nouvelle définition du secteur informel adoptée en 1993 (15ème Conférence Internationale des Statisticiens du Travail, CIST), la définition de l'emploi informel (17ème CIST, 2003), le manuel d'élaboration des comptes du secteur des ménages pour le nouveau Système de Comptabilité nationale (SCN), les compilations statistiques pour la publication « Les femmes dans le Monde » et les rapports nationaux sur le développement humain dans divers pays.
Il a contribué également à la rédaction du manuel de l'OCDE sur la mesure de l'économie non observée et à la compilation statistique sur les femmes et les hommes dans l'économie informelle pour la Conférence Internationale du Travail de 2002 au Bureau International du Travail.
Y a-t-il une différence entre l'économie informelle dans les pays en voie de développement et dans les pays développés ?
En principe non, si l'on part du principe que la définition de l'emploi informel se fonde sur l'absence de protection sociale de la personne occupée ou l'absence de contribution à un système de protection sociale: (définition de la 17ème Conférence Internationale des Statisticiens du Travail). Toutefois Il ne faut pas confondre l'économie informelle définie à partir de critères et de caractéristiques d l'emploi occupé et l'économie souterraine (« shadow economy » ) qui se réfère notamment à la fraude fiscale. La plupart des estimations dans les pays industrialisés sont des estimations indirectes fondées sur des modèles, alors que les estimations dans les pays en développement ou à revenus intermédiaires sont fondées sur des mesures directes des caractéristiques de l'emploi. Par ailleurs l'emploi dans l'économie informelle est constitué de trois composantes principales : l'emploi dans les micro-entreprises non ou mal enregistrées (un petit vendeur de rue ou une femme travaillant à domicile pour vendre sa production sur le marché sont des micro-entreprises), les salariés sans protection sociale travaillant pour des entreprises formelles et les employés domestiques sans protection sociale. Les pays industrialisés se caractérisent par l'importance des deux dernières composantes, alors que la première composante des micro-entreprises est relativement plus importante dans les pays en développement.
Le développement du secteur informel reflète-t-il l'échec des politiques de développement ?
La plupart des politiques de développement ont échoué à créer les emplois nécessaires pour absorber les surplus de main d'œuvre jeune arrivant sur le marché du travail et ne sont pas parvenues à réduire les taux de chômage et de sous-emploi. C'est le développement de l'économie informelle qui a permis de pallier ces insuffisances. En ce sens le développement de l'économie informelle marque bien un échec des politiques de développement.
Certains analystes considèrent que le secteur informel n'est qu'une économie de survie, dans le sens qu'il assure un revenu minimum pour répondre aux besoins essentiels. Qu'en pensez-vous ?
L'économie informelle est par nature très hétérogène et l'on y trouve des activités de survie, mais aussi des micro-entreprises dont les revenus peuvent être consistants. Toute la problématique des politiques d développement qui s'intéressent au développement de l'économie informelle ou plutôt à sa formalisation se focalise sur ces micro-entreprises susceptibles d'être productives et accumulatrices: comment concevoir les mesures et les incitations qui les pousseraient à se formaliser. Quant aux activités de survie, ce sont les politiques de lutte contre la pauvreté qui s'efforcent de les faire évoluer vers des emplois plus rémunérateurs et mieux protégés. Enfin il ne faut pas oublier que l'informel se caractérise aussi par la multiplicité des emplois: un même individu peut exercer plusieurs emplois simultanément qui lui permettent d'accéder à des tranches de revenus plus élevés.
En outre le commerce transfrontalier a pris une ampleur particulière en Tunisie ces dernières années. Même s'il est difficile de l'appréhender directement, il n'empêche qu'en bout de chaîne ce commerce se traduit par une multitude de petits vendeurs et d'intermédiaires qui constituent des emplois de l'économie informelle. Dans les régions reculées et oubliées des politiques de développement, malgré les discours récurrents, ce sont bien souvent les seuls emplois qui s'offrent à une jeunesse désœuvrée.
L'emploi informel est un phénomène qui se concentre particulièrement en Tunisie au sein des populations jeunes occupées sur le marché du travail, quelles sont les raisons selon vous ?
Il est vrai qu'en Tunisie, comme dans beaucoup d'autres pays, les jeunes entrent sur le marché du travail à travers des emplois informels: près des 3/4 des jeunes occupés en Tunisie le sont dans l'économie informelle. Dans les pays comme la Tunisie où les jeunes sont de plus en plus formés (ou en tout cas se caractérisent par un nombre élevé d'années d'éducation), il leur est de plus en plus difficile de trouver les emplois qui correspondraient à leurs qualifications ou du moins à leurs prétentions en termes de qualité de l'emploi ou salariales: soit parce que leurs qualifications – bien qu'élevées – ne correspondent pas aux besoins du marché du travail, soit parce que les emplois créés sur le marché du travail sont insuffisants. En Tunisie, il y a aussi l'attrait qu'exerce l'emploi public (particulièrement pour les femmes), d'où le fait de considérer l'emploi dans l'informel en tant qu'emploi d'attente. Beaucoup de jeunes employés dans l'informel restent des demandeurs d'emploi potentiel. C'est pourquoi il est vain de réserver les emplois créés dans le secteur formel aux seuls chômeurs: cela a pour conséquence de pousser ces jeunes à se déclarer chômeurs ou à ne pas revendiquer la déclaration de leur emploi par leurs employeurs.
La problématique de l'économie informelle et de la transition de l'économie informelle vers l'économie formelle en Tunisie est étroitement liée à la question de la protection sociale et de son extension à l'ensemble des travailleurs. Qu'en pensez-vous ?
La Tunisie est l'un des pays dont le système de protection sociale a un taux de couverture étendu. Les indépendants, les travailleurs agricoles, les travailleurs à faibles revenu ont leurs régimes spécifiques. Et pourtant il s'en faut de beaucoup que toute la population active soit couverte. A côté de ces régimes contributifs (c'est-à-dire auxquels les travailleurs cotisent), il existe des systèmes assistanciels (non contributifs ou redistribution), des filets sociaux tels que le programme des familles nécessiteuses, les cartes de soins de santé gratuite ou à tarif réduit qui couvrent une autre partie de la population. On a pu légitimement se poser la question de savoir si ces systèmes assistanciels n'avaient pas pour effet pervers de provoquer une préférence pour l'informalité en ce sens qu'il peut apparaître parfois plus avantageux pour un travailleurs de rester non déclaré par son employeur si par ailleurs il bénéficie de ces systèmes assistanciels. Aujourd'hui la plupart des pays ont inscrits l'universalisation des systèmes de protection sociale parmi leurs priorités, ce qui correspond d'ailleurs à la recommandation 204 du BIT sur la transition de l'économie informelle à l'économie formelle. Dans beaucoup de pays, de larges populations sont prêtes à cotiser pour accéder à une couverture santé ou à des pensions de retraite dignes. Des politiques doivent être formulées pour appuyer ces tendances et faire en sorte que les populations capables d'épargner pour leur santé ou leurs vieux jours puissent le faire sans risque et que les politiques publiques puissent trouver l'équilibre requis entre les systèmes contributifs et les filets sociaux redistributifs et réservés aux populations qui en ont vraiment besoin.
Comment appréhender l'informel ? Et quelles sont vos recommandations surtout pour la Tunisie?
De nombreux pays parviennent à suivre l'évolution de leur économie informelle par voie d'enquêtes statistiques. Pour cela, il convient d'introduire quelques questions précises dans les enquêtes régulières. Dans le cas de la Tunisie, le suivi des données de la CNSS (et de la CNRPS) permet également de suivre de près les évolutions de la couverture sociale des travailleurs, ce que fait le CRES par exemple. Mais dans un pays comme la Tunisie où le tissu des micro et petites entreprises est important, la meilleure méthode serait de combiner des enquêtes auprès des ménages adaptés (pour saisir les emplois à domicile ou mobiles) et des enquêtes aréolaires sur les micro-entreprises (on entend par là des enquêtes sur des échantillons tirés selon des probabilités proportionnelles à la densité des établissements dans chaque aire géographique, densités connues grâce au répertoire des entreprises de l'INS).
Sonia Chikhaoui


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