De tous temps, on mesure le degré de l'essor économique par la situation du bâtiment, surtout que, pour les pays concernés, «Lorsque le bâtiment va, tout va». Malheureusement, ce n'est pas le cas, en Tunisie, où les professionnels crient à tue-tête que la situation va en empirant, surtout avec le fardeau des impositions fiscales, la hausse continue des prix des matériaux de construction et, par conséquent, de ceux des bâtiments, avec un pouvoir d'achat des citoyens en pleine débandade, ce qui ne leur permet plus, du moins pour la grande majorité d'acheter un logement auprès de professionnels de l'immobilier. Le secteur de l'immobilier est le véritable baromètre de l'état de santé de l'économie tunisienne en termes de croissance, d'accroissement des investissements, de formation du capital fixe, de création de postes d'emploi et d'amélioration des conditions de vie des populations. Toutefois, ce secteur souffre de problèmes structurels, avec les retombées de la succession des crises, dans tous les autres secteurs d'activité. Il a fallu, aussi compter avec les modalités d'octroi des marchés, leurs qualités, la hausse vertigineuse des prix des matières premières, auxquels s'ajoutent la rareté et les frais des financement bancaire, les modes des règlements et les retards observés dans l'achèvement des ouvrages, en raison de la nonchalance d'une main-d'œuvre qui se croit tout permis, sauf le sérieux dans le travail, ce qui est la raison de la montée du mécontentement et le désarroi des opérateurs dans le domaine.
Le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP), avec toutes ses composantes de conception et de construction des bâtiments publics et privés, industriels ou non, et des infrastructures telles que les routes ou les canalisations, est l'un des véritables piliers de l'économie et de la croissance. Il nécessite une intervention massive de corps de métiers, avec un pilotage et une synchronisation aussi bien technique que financière. Pour un pays en pleine effervescence, dans le domaine, le bâtiment est la pierre angulaire de la croissance, avec la multitude de projets qui contribuent à stimuler une économie qui risque un ralentissement dû à la crise financière. En 2008, le secteur du bâtiment occupait la quatrième position en termes d'importance dans l'économie tunisienne. Avec des postes d'emploi directs de 40.000 personnes dont plus de 500 ingénieurs conseils, et il fait appel à 9 bureaux de contrôle technique et à 10 bureaux d'études de renommée internationale, en possédant un potentiel important en matière de services à l'export mais qui est sous-exploité du fait qu'il ne draine qu'un volume de 1,7 milliard de dinars d'engagements extérieurs. Avant la révolution, le secteur réalisait un chiffre d'affaires annuel moyen s'élevant à 5 milliards de dinars, participait à concurrence d'environ 7% du Produit Intérieur Brut. Il contribue à raison de 25% des investissements globaux du pays et rassemble 2.800 entreprises, dont 100 emploient plus de 100 employés permanents.
Stagnation des marchés publics Au niveau des travaux publics, en raison du manque de moyens de l'Etat, avec un déficit budgétaire qui s'approfondit d'une année à l'autre, le secteur est en plein marasme, en particulier avec la crise politique, alors que son créneau porte sur la construction des voies de transport et de communication (routes, voies ferrées, ports, ponts, réseaux de communication), des ouvrages améliorant le cadre de vie des populations (éclairage public, voies piétonnes), ou l'environnement (collecte et traitement des eaux usées, des déchets), les édifices dédiés à la production d'énergie (éoliennes, barrages…), entre autres. L'évolution des marchés de la construction repose sur des facteurs multiples à l'instar de la conjoncture, les comportements des acteurs économiques privés et publics, les prix des matériaux, le taux d'intérêt, le pouvoir d'achat des ménages, et l'évolution démographique qui filent amplement aux décisions des entreprises de la construction elles-mêmes. Dans le secteur du bâtiment, les principaux problèmes concernent son degré d'industrialisation ou encore aux politiques publiques incitatives en la matière. Les coups durs essuyés par le secteur tout au long des trois ans de morosité qui ont suivi les évènements du 14 janvier 2011, ont poussé les responsables de la Fédération nationale des entrepreneurs du bâtiment et des travaux publics à tirer la sonnette d'alarme en soulignant que les défis sont importants et qu'il incombe à toutes les parties prenantes de les relever.
Spéculation et réticences des banques La flambée des prix des matières premières, la spéculation, l'abstention des banques à soutenir les employeurs ont constitué des handicaps supplémentaires pour les professionnels qui ont privilégié le dialogue et la communication avec tous les partenaires et évitant toute logique d'affrontements, laissant le temps au rétablissement de la sérénité et de la logique économique et sociale. Les professionnels témoignent que le secteur des travaux publics souffre, également, d'un grand problème de transparence. Et ce malgré l'existence d'un Observatoire des marchés publics et d'un Comité de Suivi et d'Enquête qui a été créé au sein de la Commission supérieure des marchés publics auprès de la présidence du gouvernement, qui a instauré un système d'information permettant la collecte, le traitement et l'analyse des données relatives aux marchés publics. Toutefois, aucune information n'est publiée, ou n'est accessible au public, ni aux entreprises d'un secteur donné. Une certaine culture du secret et un silence qui méritent d'être levés en mettant en ligne ces informations du moment que l'administration n'a pas de reproche à se faire. La divulgation de ce type d'information pourra éviter la position dominante dans un secteur et une meilleure distribution des projets sur le marché; ou le prix pondéré pour un produit donné ou une prestation, etc.
Constat alarmant Il y a, déjà, plus d'une année, un article publié sur le site Ilboursa, trace un tableau alarmant de la situation du secteur du bâtiment Il souligne qu'afin d'attirer l'attention sur la gravité de la situation économique actuelle et ses retombées sur le secteur du bâtiment en Tunisie, la Fédération Nationale du Bâtiment a tenu, récemment, une conférence de presse au cours de laquelle les participants se sont aperçus de l'impérieuse nécessité de mettre en place des mesures d'intervention afin de revivifier ce secteur laissé à l'agonie. En fait, le secteur du bâtiment miroite la performance économique nationale, en termes d'amélioration des conditions de vie, de développement du cycle de l'investissement et de création d'emploi. Le poids du secteur se lit dans les chiffres. À lui seul, le bâtiment, présente un volume d'investissement de l'ordre de 814 millions de dinars, génère une valeur ajoutée de 1,146 milliard de dinars, soit près de 4,4% du PIB et réalise 300 millions de dinars d'engagements à l'export. En revanche, ce secteur qui compte 450 sociétés structurées et 150 sociétés non-structurées, offrant 40 mille postes d'emploi directs et 450 mille postes indirects, souffre de multiples problèmes qui se sont aggravés par un contexte économique difficile caractérisé par la baisse continue du taux de croissance, l'attentisme des investisseurs et le creusement du déficit budgétaire. A cet effet, la Fédération a appelé l'Etat à activer les articles 18, 19 et 20 de l'accord de libre-échange entre les Etats de l'association européenne de libre-échange et la Tunisie portant sur les mesures d'urgence qui doivent être prises au cas où les importations provoquent ou risquent de causer un préjudice grave aux producteurs nationaux de produits similaires. Aujourd'hui, le secteur du bâtiment agonise et risque le crash, si aucune initiative de redressement n'est opérée, de la part de l'Etat, surtout, avec la pénurie des marchés, pour les travaux publics et le marasme dans les ventes de logements qui accentuent l'endettement des professionnels. Une solution s'impose, donc, d'urgence, afin de sauver ce secteur locomotive de la croissance économique.