Augmentation du TMM pour la 9ème fois depuis 2013 La goutte qui fait déborder le vase ! L'EXPERT – L'augmentation du taux d'intérêt directeur était certaine et attendue, puisque, depuis la précédente majoration, la BCT avait averti que cette nouvelle hausse était inéluctable, surtout avec la montée vertigineuse de l'inflation. Toutefois, ce qu'on a omis d'indiquer, c'est qu'elle ne sera pas de cette manière brusque et inattendue. Cela pousse à se demander si cette décision ne fait pas partie de la guerre sans merci entre le président de la République, Béji Caïd Essebsi, et le président du gouvernement, Youssef Chahed, en impliquant le citoyen qui n'a rien à voir et qui ne cherche qu'à protéger son pouvoir d'achat. Pour les connaisseurs, les analystes, les hommes d'affaires et le simple citoyen, l'augmentation de 100 points du taux directeur est tombée comme un coup de massue, bien que tout le monde en a appris à recevoir, depuis la Révolution. Toutefois, tous les jours, on attendait désespérément que la situation s'améliore, sans y croire vraiment, bien qu'on n'y croit plus, depuis belle lurette. L'augmentation du taux d'intérêt directeur de 100 points, pour passer de 6.75 à 7.75% ajoute à la charge des entreprises, bloque l'investissement et la croissance et épuise le pouvoir d'achat des citoyens, déjà détérioré, estiment des experts, concernant la dernière décision de la Banque centrale de Tunisie (BCT). Le conseil a décidé, suite à sa dernière réunion des 16 et 19 février, d'augmenter le taux directeur de 100 points, expliquant cette décision par « l'aggravation du déficit de la balance commerciale et les appréhensions de l'accroissement de l'inflation ». Le taux d'inflation, rappelle-t-on, s'est élevé, en janvier dernier, à 7,1%, selon l'INS. Le professeur en sciences économiques, Ridha Chkoundali, a expliqué que la décision de la BCT est dictée par l'engagement de la Tunisie envers les politiques du FMI, qui recommande souvent l'augmentation du taux directeur des banques centrales pour limiter l'injection de liquidités et contenir l'inflation. L'inflation est générée par la dépréciation Chkoundali a expliqué à l'agence TAP que la décision d'augmenter le TMM est basée sur un diagnostic de la BCT imputant l'inflation à une grande injection de liquidité dans l'économie sans que cette injection soit accompagnée de production. » Ce diagnostic ne reflète pas la réalité « , a-t-il dit, estimant que la cause réelle de l'augmentation du taux d'inflation est la dépréciation du dinar face à l'euro et au dollar. » Ceci a engendré une hausse des coûts des matières premières et des marchandises importées et aussi généré une tendance haussière et continue de la flambée des prix ». L'Augmentation du Taux directeur n'aidera pas à contenir l'inflation, estime l'universitaire, « parce que la BCT avait augmenté ce taux 9 fois successives, depuis janvier 2013, et pourtant l'inflation n'a pas baissé ». D'après Chkoundali, cette augmentation aura un impact négatif sur le taux d'intérêt des crédits destinés aux ménages et ceci mènera à son tour à l'aggravation de la crise du secteur immobilier et affectera, par la suite, d'autres secteurs annexes. « Le secteur privé sera aussi affecté par cette décision, car la hausse des coûts des crédits bancaires suffit, à elle seule, à bloquer les projets et les investissements et à réduire les opportunités d'emplois. Elle va générer aussi un recul du rythme de croissance, qui n'a pas dépassé, en 2018, 2,2% », souligne encore l'expert. Pour sa part, l'UTICA, la centrale patronale, avait réagi à la décision de la BCT en exprimant son mécontentement. Le patronat prévoit ainsi une augmentation d'environ 15% du coût des crédits bancaires, ce qui rendra encore difficile le financement des entreprises. L'UTAP a aussi fait part de son inquiétude, estimant que la décision de la BCT aura un impact négatif sur les investissements agricoles et ceux de la pêche. Entreprises et citoyens paient la facture L'expert en économie Moez Joudi partage le même avis de Ridha Chkoundali. Il estime que la décision de la BCT ajoutera à la charge des entreprises économiques, déjà épuisées et accablées par les crédits bancaires. « Ceci pourrait leur causer davantage de difficultés financières, dans un climat d'affaires déjà difficile », a-t-il dit. D'après lui, de nombreuses entreprises seront contraintes d'augmenter les prix de leurs produits pour éviter les pertes, ce qui aura un impact négatif direct sur le pouvoir d'achat des citoyens. Contrairement aux attentes du gouverneur de la BCT, qui a prévu, mercredi, lors d'un point de presse, une baisse du taux d'inflation à moins de 7% en 2019, Moez Joudi estime que la décision de la BCT est un « problème » et non pas une solution. Il a déclaré qu'un taux directeur estimé à 7.75% est « très élevé » dans la situation économique actuelle du pays, laquelle est basée sur la consommation pour réaliser la croissance. « Depuis 2018, le Taux directeur a augmenté de 275 points de base », a rappelé l'expert, qui a critiqué » l'absence de coordination entre la BCT et le gouvernement actuel en ce qui concerne les politiques monétaires ». « La BCT a pris sa décision de façon unilatérale et en contradiction avec les orientations du gouvernement qui prêche pour la maitrise des prix et de la cherté de la vie en vain », constate l'expert. Le secrétaire général adjoint de l'Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT), Bouali Mbarki a qualifié la décision de « précipitée ». Selon lui, cette décision est de nature à entraîner une hausse du taux de l'inflation et à accentuer davantage la dévaluation du dinar. « Les syndicalistes ont été surpris de cette augmentation, d'autant que la centrale syndicale a conclu un accord avec le gouvernement visant à maitriser les prix et à lutter contre la contrebande », a-t-il souligné. Le responsable syndical a déploré l'absence d'une stratégie de lutte contre la contrebande, expliquant que cela a contribué à la hausse du volume de l'économie informelle qui représente, selon lui, 56% de l'économie nationale. D'après lui, l'économie informelle a entrainé l'augmentation de la dette publique qui s'élève à 94 milliards de dinars. Entre les directives du FMI, la baisse vertigineuse du taux de change du dinar qui ne vaut plus que le papier sur lequel il est imprimé et la guerre de clans entre le président de la République, d'une part, et le chef du gouvernement, avec son allié le mouvement Ennahdha, le citoyen, l'entrepreneur et l'homme d'affaire ne sait plus à quel saint se vouer. Les responsables politiques et financiers continuent à avoir recours aux solutions de facilité, en faisant peser tout le poids de leurs errances sur le dos du contribuable, sans tenir compte des risques d'explosion qui seront les conséquences logiques de leurs agissements… parce que la patience du peuple a ses limites. Faouzi Snoussi