Depuis 2016, le dinar tunisien est malmené sur le marché de change. Il a même perdu plus de 50% de sa valeur depuis 2011. Une situation difficile qui impacté toute l'économie nationale, et n'a pas profité, contrairement aux attentes, à nos exportations. Elle a même généré une inflation importée importante. Mais depuis le début de l'année 2019, notre dinar semble reprendre un peu de terrain face aux principales monnaies d'échange, l'euro et le dollar. Une bouffée d'oxygène pour notre économie nationale, mais cette tendance va-t-elle durer ? Bilan de santé du dinar tunisien : A tort ou à raison, on a imputé cette chute du dinar spectaculaire du dinar tunisien amorcée depuis 2016, aux déclarations de la ministre des finances de l'époque Madame Lamia Zribi et qui a spéculé sur un euro s'échangeant à 3 dinars et plus. Cette déclaration, madame la ministre l'a payé sec et lui a coûté un limogeage sec. Mais les raisons sont plus profondes et se situent au niveau de certains agrégats économiques faibles : déficit courant important, des recettes touristiques en baisse suite à des frappes terroristes, des exportations en panne, un déficit important de la balance énergétique, baisse drastique des exportations de phosphate suite à des mouvements sociaux, chute de la production pétrolière à des niveaux historiques (moins de 32000 barils par jour),…ces cause ont fait que nos réserves de changes ont atteint le niveau fatidique de 69 jours d'importations. Mais depuis le 1er trimestre 2019, le dinar tunisien a renversé la tendance et semble gagner du terrain face aux principales monnaies d'échange. En effet, a « la fin de l'année 2019, le Dollar américain a été échangé à 2,845 Dinars Tunisiens en régression trimestrielle de 0,8% ; alors que l'Euro est échangé à 3,150 en baisse trimestrielle de 1,3%. Ainsi, et sur toute l'année 2019, le Dinar Tunisien s'est apprécié de 2,1% vis-à-vis de $ EU et de 5% vis-à-vis de l'Euro ». Source : Bea-Mbc Au jour d'aujourd'hui (08/01/2020), nos avoirs nets en devises totalisent l'équivalent de 19255 MDT, couvrant 110 jours d'importation. Le dollar s'échange à 2.809 dinars, et l'euro à 3.136 dinars. Une légère accalmie, mais qui semble donner un peu de souffle pour notre économie. L'explication d'une reprise : Plusieurs raisons expliquent ce léger rétablissement du dinar tunisien : ⦁ L'année 2019 a enregistré une reprise de l'activité touristique en Tunisie, après plusieurs années de vache maigre. En effet, au 31/12/2019, les recettes touristiques cumulées ont atteint le cap des 5,6 milliards de dinars en progression de 36% par rapport à l'année précédente, avec près de 9.42 millions de touristes. En euro, les recettes touristiques s'élèvent à 1,7 milliard d'euros, tandis qu'en dollar, elles s'établissent à 1,9 milliard de dollars. Une aubaine pour notre pays et qui a permis de renflouer un peu les caisses. ⦁ L'année 2019 a aussi enregistré l'entrée en vigueur de l'accord entre la Steg et la compagnie saoudienne Aramco pour une ligne de crédit de 600 millions de dinars d'achat, négocié lors de la visite du défunt Béji Caid Esebsi à l'Arabie Saoudite, ce qui a permis de lâcher un peu la pression sur les importations de la compagnie nationale. ⦁ L'année dernière a enregistré aussi la réalisation d'une opération importante de la part de Karama Holding, avec la cession de 69,15% du capital de la "BANQUE ZITOUNA" et 70% du capital de "ZITOUNA TAKAFUL", à la société MAJDA TUNISIA, filiale du groupe qatari MAJDA, pour un montant total en devise de 370 millions de dinars. ⦁ Dans le cadre du soutien européen à la Tunisie, et à la suite de négociations et visites officielles, la Tunisie a pu encaisser un appui budgétaire important de Bruxelles pour un montant de 150 millions de dinars (en euro). ⦁ Depuis 2017, la Tunisie a autorisé l'ouverture de bureaux de changes privés afin de collecter les devises sur le marché national. Après un départ timide avec seulement 7 bureaux de change, l'année dernière a enregistré l'autorisation pour nouveaux 32 bureaux qui ont contribué fortement et activement à la collecte des devises et à la constitution d'un « matelas » en devises légèrement confortable pour les opérateurs et les banques. ⦁ La saison agricole 2018/2019 a enregistré la production record de 24 millions de quintaux de céréales. Selon les chiffres du ministère de l'agriculture, cette production a permis d'économiser 350 millions de dinars dont 100 millions de dinars à la fin de l'année 2019. Signalons que la Tunisie importait près de 80% de ses besoins en blé tendre et 20% de ses besoins en blé dur. Ces économies se sont matérialisées par des gains en devises. ⦁ Les 5 derniers mois de 2019 étaient placés sous le signe de l'attentisme pour certains grands opérateurs tunisiens et étrangers, avec des élections dont l'issue était inconnue. Cet attentisme était manifeste au niveau du décalage de certaines opérations d'importations et de commandes à l'étranger, ce qui a permis de lâcher la pression sur les demandes de devises. ⦁ La baisse de l'importation durant les 11 premiers mois de 2019, de 8.1% par rapport à 2018, suite à certaines mesures restrictives de la part du ministère du commerce et l'instauration de cahiers des charges pour certains produits. ⦁ La réalisation d'une production de phosphate record depuis 2010, avec plus de 4.12 millions de tonnes, ce qui a permis de booster les exportations de cette matière et celle du groupe chimique tunisien. ⦁ Au passage il faut signaler, même si on ne veut pas le dire, l'intervention sporadique de la Banque Centrale de Tunisie sur le marché de change afin de soutenir le dinar tunisien. ⦁ S'ajoute à tous ces éléments, la politique monétaire restrictive pilotée et annoncée par l'actuel gouverneur de la Banque Centrale, Marouene Abassi, et qui semble porter ses fruits. Touts ces éléments ont contribué à l'amélioration de la santé du dinar et la constitution de réserves en devises assez confortable en comparaison avec les années précédentes. Ces éléments témoignent aussi, et contrairement à l'avis de certains « experts », que l'amélioration de l'échange du dinar n'est pas artificielle et n'est le résultat d'interventions purement mécaniques ou monétaires. Cette situation va-t-elle durer ? Nous espérons que cette amélioration de la santé du dinar tunisien se poursuive, mais certains éléments ne le permettent pas. En effet, la Tunisie est appelée à payer certains crédits déjà obtenu pour un montant de plus de 3 milliards de dinars en 2020. S'ajoute à cela la difficulté d'obtenir le décaissement de la dernière tranche des facilités du FMI suite au respect par la Tunisie de certains engagements. Certains opérateurs qui ont décalé certaines de leurs commandes vont certainement redémarrer leur activité après la mise en place du nouveau gouvernement et la dissipation du flou politique, ce qui mettra la pression sur nos réserves en devises. La guerre qui se dessine entre l'Iran et les USA ainsi que la guerre ben Lybie, ont contribué et contribueront certainement à la hausse du prix du Baril de brut ce qui va augmenter la facture de nos importations en hydrocarbures. La baril s'échange actuellement à 66 dollars et peut être qu'il va continuer sa montée à la lumière des évènements. De l'autre côté, on s'attendait en 2020 à de bonnes exportations d'huile d'olive après une production record de 350.000 tonnes ce qui pourrai rapporter plus de 2 milliards de dinars. Sur un autre plan on peut s'attendre à une bonne saison touristique en 2020, avec le retour de la Tunisie sur le marché des réservations et peut être l'entrée en vigueur en Février 2020 de l'accord sur l'Open Sky tel que annoncé par le gouvernement. En résumé, la situation du dinar en 2020 reste floue et dépendra de la reprise de l'économie nationale. Une reprise qu'on attendait depuis des années. Les réformes nécessaires : Même si elle ne le dit pas, la Banque Centrale de Tunisie intervient indirectement pour défendre le dinar tunisien sur le marché de change. Cette intervention ne peut pas durer pour longtemps et c'est pour cette raison que certaines réformes sont nécessaires. Il a important que le prochain gouvernement travaille sur la réforme du code de change et s'arme du courage nécessaire pour engager la réforme et déclarer l'amnistie de change. Le gouvernement doit aussi travailler sur le développement de la production locale de certains produits importés avec des mesures incitatives et des stratégies claires, à la lumière de ce qui a été fait pour le secteur textile. La publication récemment du décret de la prise en charge de l'Etat de 3 points du taux d'intérêt sur les crédits accordés aux PME semble être une orientation dans le bon sens et qui permettra de donner un peu de compétitivité pour nos entreprises et boostera pour certaines leurs exportations Abou.Farah