La Tunisie est plus que jamais un pays d'exportation. C'est un choix, un défi et une destinée. Malgré les contraintes majeures qui s'opposent à toute opération d'exportation (contraintes légales, logistiques, conventionnelles, offre d'exportation,…), notre pays s'est imposé sur la scène internationale comme un pays d'exportation. La stratégie nationale de promotion des exportations a été pour beaucoup dans la réalisation des performances de l'appareil exportateur tunisien. La croissance de nos exportations était à deux chiffres depuis des années. Toute une « batterie » de mesures, d'incitations, et d'institutions sont mis au service des opérateurs pour promouvoir leurs exportations. Un « coup de projecteur » sur le rendement de l'appareil exportateur, et surtout « un coup de rétroviseur » pour évaluer le chemin parcouru. Les amateurs des chiffres seront bien servis au cours de ce papier. Analyse « macro » du rendement de l'appareil exportateur : Considérant le rôle important de l'exportation dans l'emploi et l'investissement, les pouvoirs publics ont mis « les bouchés double » pour l'ériger en locomotive de la croissance économique. Les principaux indicateurs de l'exportation affichent une croissance continue malgré une conjoncture qui n'était pas toujours de toute clémence. Ceci dénote de la justesse des choix et orientations prises par les responsables du secteur. - Le taux de couverture des importations par les exportations est passé de 72.2% en 2002 à 81% en 2008 soit 10 points de plus. Pour les avisés, ils savent que ce résultat est une performance. - Le taux d'effort à l'exportation qui exprime le rapport entre les exportations et le PIB a nettement augmenté témoignant ainsi du rôle prépondérant de l'appareil exportateur dans la croissance économique. Ce taux est passé de 32.6% en 2002 à 45.5 en 2008 soit une évolution d'au moins 13% en 7 ans. - La part par personne des revenus de l'exportation est passée de 500 dinars par personne en 1994, à 2791 dinars en 2008. soit une multiplication par 5,5 fois. - L'appareil exportateur tunisien est désormais constitué de plus de 6000 exportateurs.
Analyse « micro » du rendement de l'appareil exportateur : Pour bien apprécier les chiffres de l'exportation tunisienne une analyse détaillée du contenu de ces exportations s'impose. En effet, l'analyse « produit » des exportations tunisiennes permet de constater une évolution considérable, en quantité comme en valeur, de nos exportations au niveau de la majorité des produits exportés. Pour ceux qui doutent des capacités de la Tunisie à exceller dans le créneau de l'exportation, seuls les chiffres, leurs montreront le contraire. Nous allons procéder à une analyse par branche de produits, prenant l'année 2002, comme année de référence, pour suivre la tendance de la croissance de nos exportations. Pour certains produits l'évolution depuis 2002, dépasse les 400%, que ce soit en quantité comme en valeur. Pour d'autres produits, nous avons enregistré une légère baisse des quantités exportées, qui ne s'est pas traduite par une baisse de la valeur, grâce à « un effet prix ». La constatation la plus frappante dans cette analyse, est la tendance haussière de la croissance des principaux produits exportés. La croissance se fait en « paliers », c'est-à-dire, les résultats augmentent chaque année depuis 2002, avec l'atteinte d'un niveau plus haut. Une représentation graphique permet de voir l'évolution croissante des exportations dans plusieurs compartiments.
Textiles : Malgré une légère baisse dans les quantités exportées, passant de 209 milles tonnes en 2002 à 191 milles tonnes en 2008, on enregistre une hausse dans la valeur de 24%. En effet, on est passé de 4142 millions de dinars en 2002 à 5174 millions de dinars en 2008. Cette tendance est expliquée par l'intégration de plus en plus accrue de l'industrie textile, et la réussite des efforts du passage de la sous-traitance à la co-traitance vers le produit fini. Une stratégie nationale a été élaborée dans ce sens et qui se poursuivra pour le prochain plan de développement.
Peaux, cuir, ouvrages en cuir et chaussures : Les exportations tunisiennes n'ont pas connu une évolution considérable au fil des années vu les capacités productives limitées. On a enregistré 29 milles tonnes exportées en 2008 pour une valeur de 893 millions de dinars contre 27.6 milles tonnes en 2002 pour une valeur de 580 millions de dinars.
Huile d'olive : C'est l'un des produits phares de nos exportations d'industrie agroalimentaire. L'évolution des exportations tunisiennes de ce produit est spectaculaire, malgré des perturbations à cause des récoltes, parfois médiocres. En effet, on est passé de 23 milles tonnes en 2002 à 169 milles tonnes en 2008, soit une évolution de 634%. Ceci s'est traduit par une évolution en terme de valeur passant de 55.7 millions de dinars en 2002 à 759 millions de dinars en 2008. Le cours de l'huile d'olive a connu une évolution importante au cours des dernières années, qui s'ajoute à une politique extensive de promotion de ces exportations. Le fonds d'aide pour l'emballage de l'huile d'olive contribuera certainement à la valorisation des exportations de ce produit, dont l'emballé reste dans des proportions très minimes.
Phosphates et autres minéraux : Les exportations tunisiennes étaient toujours soutenues par des exportations considérables de phosphates. Même si l'évolution des quantités exportées n'a pas connu une croissance importante vu les limites de nos capacités productives, la valeur de ces exportations a évolué considérablement vu la hausse des cours du phosphate et autres minéraux sur les marchés mondiaux. En 2002 la Tunisie a exporté 1,7 million de tonnes de phosphates et autres minéraux d'une valeur de 61 millions de dinars. En 2008, les exportations ont totalisé 1,8 million de tonnes pour une valeur de 208 millions de dinars.
Produits chimiques inorganiques : Ce sont l'un des moteurs de nos exportations et dont parfois dépend la santé de notre économie. Les chiffres laissent prévoir une baisse dans les quantités exportées, qui sont passées de 1329 milles tonnes en 2002, à 1155 milles tonnes en 2008, avec au passage des exportations de 1605 milles tonnes en 2005 et 1578 milles tonnes en 2004. Les cours mondiaux des produits chimiques sont en hausse et la Tunisie est en train de conquérir plusieurs nouveaux marchés. La valeur des exportations chimiques a augmenté de 277%, passant de 356 millions de dinars en 2002 à 1344 millions de dinars en 2008.
Engrais : La Tunisie reste l'un des principaux pays exportateur d'engrais dans le monde malgré une baisse considérable dans les quantités exportées. En effet, on est passé de 2 millions de tonnes en 2002 à 1.6 million de tonnes en 2008 soit une baisse de 20%. En contrepartie la valeur des exportations a enregistré une montée en flèche passant de 410 millions de dinars en 2002 à 1866 millions de dinars en 2008 soit une évolution de 445%. La demande internationale des engrais a fait monter considérablement les prix, ce qui s'est traduit par une hausse des cours et de la valeur des exportations.
Poissons, crustacés et mollusques : L'exportation des produits de la pêche tunisienne n'est pas importante vu la demande du marché local et l'absence de logistique adéquate qui permet d'exporter ces produits dans des délais très courts. En 2002 nous avons exporté pour 17.5 milles tonnes pour une valeur de 134 millions de dinars. En 2008 on a enregistré une croissance au niveau des quantités comme au niveau des valeurs. En effet, nous avons exporté 20 milles tonnes pour une valeur de 237.5 millions de dinars.
Légumes, plantes potagères, plantes vivantes et fleurs : C'est l'un des compartiments de l'exportation qui a connu la plus grande évolution. En effet, de 8 milles tonnes exportées en 2002, on est passé à 48.5 milles tonnes en 2008. Cette évolution quantitative s'est traduite aussi par une évolution en valeur, passant de 11.5 millions de dinars en 2002 à 61 millions de dinars en 2008. Ce sont les performances du secteur agricole en terme de conditionnement, emballage, et calibrage des produits agricoles qui ont largement contribué à l'évolution de ces exportations.
Boissons, alcool et vinaigres : Si la France est connue mondialement pour la qualité de ses vins, la Tunisie l'est aussi. Or nos exportations de ces produits sont en baisse passant de 57 milles tonnes en 2002 à 44 milles tonnes en 2008, avec des pics à 99 milles tonnes en 2005 et 85 milles tonnes en 2004. La croissance en valeur n'est pas aussi considérable. En 2002 nous avons exporté pour 41 millions de dinars, alors qu'en 2008 nous n'avons exporté que pour 50 millions de dinars seulement. Ces exportations sont en baisse de régime avec une courbe décroissante en terme de quantité, ce qui pousse à leurs accorder une attention particulière.
Machines et appareils électriques : C'est l'un des créneaux dont la Tunisie est en train d'exceller en matière d'exportation. La part des industries électriques et mécaniques dans les exportations est en train de croître détrônant ainsi le textile et habillement. En 2008, et malgré une légère crise au 4ème trimestre, la Tunisie a exporté 150 milles tonnes pour une valeur de 3727 millions de dinars. Cette ascension est visible en comparant avec les résultats de 2002 ou on a exporté 65 milles tonnes pour une valeur de 1003 millions de dinars.
Cette analyse détaillée permettra certainement d'orienter les interventions publiques, vers les produits qui connaissent une baisse de régime, surtout au niveau des quantités exportées, et d'adresser les politiques d'accompagnement pour les produits dont la croissance est constante, tant au niveau des quantités qu'au niveau de la valeur.
2009 : l'année de tous les dangers : Toutes les prévisions des principales instances internationales sont alarmantes concernant une baisse considérable des échanges commerciaux dans le monde. La Banque Mondiale annonce même une baisse de 6.1% des échanges mondiaux de biens et de services en 2009. La baisse de croissance dans les pays européens aura un impact négatif sur nos exportations, vu que nous effectuons 80% de nos échanges avec cette zone. Les premiers mois de l'année en cours s'annoncent déjà difficiles. En effet, on vient d'enregistrer une baisse des exportations de 17.1 % (3162.6 MD en 2009 contre 3814.2 MD au cours des ces deux premiers mois de l'année 2008). Les exportations industrielles ont quant à elles enregistrées une baisse de 17% selon des statistiques arrêtées au 25 Mars dernier. Des signes qui laissent prévoir une année 2009 très difficile pour l'appareil exportateur, tout en espérant l'impact positif des mesures présidentielles prises en Décembre et Janvier dernier, au profit des entreprises exportatrices. L'effort pour la période à venir doit se concentrer autour de la diversification des marchés, l'enracinement de la culture d'exportation, l'impulsion des efforts de soutien et de promotion, et surtout l'incitation à l'exportation de produits à forte valeur ajoutée. Pour pouvoir continuer sur la lancée du rythme croissant de nos exportations nous devons être aux aguets et redoubler d'efforts pour remonter la pente en cas de chute de régime. Les analystes annoncent une possible reprise de l'économie mondiale en 2010, « wait and see » Tarek Ben Jazia
