Selon Tom Pfeiffer, analyste de l'agence Reuters, la reprise hésitante dans la zone euro risque de compliquer les efforts déployés par les gouvernements nord-africains pour créer davantage d'emplois dans les industries exportatrices. La Tunisie, qui dépend de l'Union européenne (Ue) pour près de 90% de ses revenus extérieurs (exportations, envois de fonds de l'étranger, tourisme et investissements étrangers) risque d'être la plus vulnérable à un ralentissement de l'activité européenne au cours des prochains trimestres. L'économie nationale subit donc les répercussions de la crise de l'euro et les contrecoups de l'affaiblissement de la croissance en Europe, notamment en matière d'exportations et de tourisme.
l'Europe est notre principal partenaire, et 75% de nos échanges économiques sont accaparés par le vieux continent. La Tunisie, un marché de petite taille, ne constitue que 1% dans ce vaste espace européen, ce qui lui donne une marge de progression en matière de polarisation d'investissements, de développement de la coopération scientifique et technique etc. L'UE fournit 76 % des recettes d'exportation de biens de la Tunisie (qui contribuent au PIB à hauteur de 47 %), 90 % des transferts financiers des émigrés (5 % du PIB), 83 % des revenus du tourisme (7 % du PIB) et 73 % des IDE. L'effet de la première crise, s'il a été quasi nul sur le secteur financier, qui se trouve à l'abri des chocs étrangers, a en revanche affaibli la croissance en Europe, ce qui a touché la Tunisie: en 2009, ses exportations ont chuté de 18 % par rapport à 2008. Les recettes du tourisme et les transferts des émigrés, exprimés en devises, ont respectivement baissé de 8 % et 7 %. La production industrielle a reculé de 18 %.
Une haute commission mise en place pour suivre la crise financière mondiale examine actuellement les conséquences de la dépréciation de l'euro sur les marchés et les moyens permettant de se « prémunir » contre les effets d'une éventuelle chute de la croissance européenne. Plus encore que d'autres pays de la rive sud de la Méditerranée, la Tunisie, liée par un accord d'association avec l'UE depuis 1995, est fortement dépendante du Vieux Continent en matière d'exportations, de recettes touristiques et, dans une moindre mesure, de transferts d'argent des émigrés et d'investissements directs étrangers (IDE). Cette dépendance « rend la Tunisie potentiellement vulnérable aux fluctuations de la croissance au sein de l'UE », estime le Fonds monétaire international (FMI) dans une étude publiée le 12 mai, alors que la monnaie unique européenne poursuivait sa dégringolade.
Prémices d'une relance ?.. L'économie tunisienne a tout de même été extraordinairement résiliente en échappant à la récession qui a touché ses partenaires européens. La croissance du PIB, habituellement de 5 % en moyenne, se situerait à 3,1 % pour 2009, ne baissant que de deux points, en grande partie parce que les services représentent 50 % de la structure économique. « Mais c'est avec vigilance que la Tunisie attend la suite », estime un banquier, car un éventuel ralentissement en Europe devrait se traduire par un impact sur la balance des paiements. Jusque-là, la croissance prévue pour 2010 est à la relance, avec un taux de 4 %, d'autant que, pour les quatre premiers mois de l'année, les exportations ont crû de 16 % par rapport à la même période l'an dernier, et les IDE de 6 %. Les fondamentaux monétaires sont de bon augure: le déficit budgétaire est autour de 3 %, le même taux de convergence auquel les pays membres de la zone euro sont tenus, mais que certains ont largement dépassé. Très à cheval sur la question des équilibres monétaires, le gouvernement étudie les moyens de parvenir à une meilleure discipline en la matière, de rationaliser la consommation et de donner un grand coup de pouce aux exportations.
Un véritable casse-tête La baisse du taux d'intérêt aurait un impact négatif sur l'économie, eu égard, surtout, à la situation de l'épargne nationale, estimé à 23,1% du PIB en 2009, alors que l'on espérait la voir atteindre des taux asiatiques (30% et plus). Par ailleurs, en encourageant la consommation, on risque de bouleverser les fondements de notre système bancaire, qui vit grâce à l'épargne mais dont les bases sont loin d'être solides. Que faire pour résorber l'impact négatif de la dépréciation de l'euro sur notre économie nationale, alors que l'investissement extérieur a baissé en 2009 (-34%), ainsi que les recettes touristiques en devises (-1,9 %), les transferts en devises des Tunisiens résidant à l'étranger (-7%), les exportations (-18,3), les importations (-18,2%) et la production industrielle orientée vers l'exportation, essentiellement les industries mécaniques et électriques et le secteur du textile et habillement (-10,5) ? Véritable casse-tête pour les architectes de l'économie tunisienne qui vont devoir prendre des mesures supplémentaires pour atténuer les effets de la crise et maintenir les équilibres macroéconomiques qui ont toujours constitué la force de la Tunisie et la base de sa stabilité et de sa (relative) prospérité. Ils doivent surtout faire faire preuve de beaucoup d'imagination, de doigté et d'équité dans la répartition des répercussions négatives (comme des appuis et des soutiens) entre toutes les catégories de la société.