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Les marées noires du silence… Et de l'indifférence !
Publié dans L'expert le 06 - 09 - 2010

« Depuis 1958, l'histoire de l'industrie pétrolière au Nigeria se confond avec celle des marées noires et de la pollution».
En Afrique, quand l'équivalant de 30 mille barils s'echappent, les quelques manifestants sont vite molestés par les gorilles des services de sécurité de la compagnie exploitante.
Depuis cinquante ans et dans le plus grand silence, le pétrole brut se déverse en fots continus et pollue la région du delta du Niger. En comparaison, la catastrophe du golfe du Mexique semble surmédiatisée. Premier producteur de pétrole brut du continent africain, le Nigeria ne compte plus les marées noires qui ont ravagé son delta.
Cet ancien sanctuaire écologique est devenu impropre à la pêche, en raison d'un or noir devenu poison. En mai, au moment où la fuite dans le golfe du Mexique faisait les gros titres de la presse mondiale, à l'autre bout du monde, une énième rupture d'oléoduc provoquait également une marée noire. Selon Amnesty International, en 50 ans, 9 millions de barils de brut se sont déversés dans le delta du Niger. La marée noire dans le golfe du Mexique est certes plus importante encore - 30 millions de barils se sont déjà échappés du puits de BP - mais la couverture médiatique des deux événements semble tout de même complètement disproportionnée. Ressource rentable pour plusieurs pays, très souvent aux seuls profits des exploitants et des gouvernements qui les hébergent, c'est malheureusement la population qui paie les lourds tributs des accidents qui en résultent.
La terre appartient-elle à un seul système qu'il faut protéger ?
Le delta du Niger, l'une des plus vastes zones humides du monde, est aussi la capitale des marées noires. Ici pas de catastrophe précise, juste un lent et permanent laisser-aller dans l'exploitation du brut. Pour son malheur, le delta est en effet gorgé d'un pétrole d'une excellente qualité, qui a propulsé le Nigeria au rang de premier producteur africain et la région dans l'enfer.
Le 22 avril, la plate-forme de forage Deepwater appartenant à British Petroleum (BP) explosait et coulait dans le golfe de Mexique. Le lendemain, les images faisaient le tour du monde.
Autour de deux heures du matin, à 12 km au large de Kribi au Cameroun, le chargement d'un bateau-citerne tourne mal et le pétrole se répand dans la mer, dans la plus grande discrétion.
Nigeria : meilleur brut léger du monde
Le Nigeria, huitième pays exportateur de pétrole brut, a signé, mi-mai, avec une entreprise d'Etat chinoise un contrat de 23 milliards de dollars (18,9 milliards d'euros) pour construire trois raffineries, qui devraient à terme produire l'équivalent de 750 000 barils par jour, et un complexe pétrochimique. Fin 2009, la compagnie nationale pétrolière chinoise avait mis sur la table 30 milliards d'euros pour s'assurer 6 milliards de barils nigérians, soit environ un sixième des réserves prouvées du pays.
Une autre entreprise chinoise, Sinopec, s'est quant à elle offert, fin 2009, la société canadienne Addax Petroleum, qui opère au Nigeria et en Afrique de l'Ouest, pour 5 milliards d'euros.
Calvaire des populations
Pour les populations, l'odeur infecte de garage et de végétation en décomposition imprègne l'air. Flaques de brut léger et puanteur insoutenable sont leur lot quotidien.
Parmi les centaines d'oléoducs vieux de quarante ans et rongés par la rouille qui ont envahi le delta du Niger, il y en a un qui a déversé du brut pendant des mois. Forêts et terres agricoles ont alors été recouvertes d'une couche brillante de liquide huileux. Les puits d'eau potable ont été pollués. Les habitants de villages, pour la plupart des pêcheurs et agriculteurs, ont tout perdu : filets, cabanes, casiers de pêche…
Si l'on tient compte de la quantité de pétrole qui s'échappe chaque année des terminaux, des oléoducs, des stations de pompage et des plates-formes pétrolières dépassent de loin tout ce qui est en train de se déverser dans le golfe du Mexique, site d'une catastrophe écologique majeure provoquée par l'explosion de la plate-forme pétrolière Deepwater Horizon de BP en avril.
Selon l'ONU, plus de 6 800 fuites entre 1976 et 2001 ont déversé environ 3 millions de tonnes de pétrole, ruinant l'écosystème et les 31 millions d'habitants de la région.
Les Nigérians du delta n'ont presque rien vu des 600 milliards de dollars qu'a rapportés le brut au cours du demi-siècle. Ils n'ont vu que la pollution qui les ronge. «Les habitants sont contraints de se laver, de boire et de cuisiner avec des eaux polluées. Ils mangent du poisson -s'ils ont la chance d'en trouver encore- contaminé par les hydrocarbures et d'autres toxines.
Leurs terres agricoles sont détruites», détaille le document d'Amnesty.
Deux poids, deux mesures ou la mort programmée tandis que le désastre du golfe de Mexique a fait la Une des médias du monde entier, des millions de brut se déversent dans le golfe de Guinée, sans la moindre manchette des médias, encore moins des responsables gouvernementaux.
Les populations impuissantes, sans ressources, ne peuvent que constater, et dans le plus grand désarroi, les dégâts. Le 1er mai, dans l'Etat d'AkwaIbom, un oléoduc du groupe ExxonMobil s'est rompu, rejetant 4 millions de litres de brut dans le delta pendant sept jours avant que la brèche ne soit colmatée. Les habitants ont manifesté contre la compagnie pétrolière, mais, à les en croire, ils se sont fait attaquer par les gardes.
Les dirigeants locaux réclament maintenant 1 milliard de dollars [820 millions d'euros] d'indemnités pour les maladies contractées et la perte de leurs moyens de subsistance. Rares sont ceux qui s'attendent à obtenir gain de cause. En attendant, la mer continue de déposer d'épaisses galettes de pétrole le long des côtes. Dans les jours qui ont suivi la marée noire dans l'Etat d'Akwa Ibom, les rebelles s'en sont pris au pipeline Trans Niger de Shell, situé non loin de là, entraînant la fuite de milliers de barils de brut. Quelques jours après, une vaste nappe de pétrole flottait sur le lac Adibawa, dans l'Etat de Bayelsa, et une autre à Ogoniland. “Les compagnies pétrolières n'attachent aucune importance à nos vies”, déplore Williams Mkpa, chef de village à Ibeno. “Elles veulent notre mort.
En deux ans, nous avons subi dix marées noires et les pêcheurs ne peuvent plus nourrir leurs familles
! C'est intolérable !” Avec 606 champs pétrolifères, le delta du
Niger fournit 40 % du total des importations américaines de brut.
Espérance de vie à 40 ans
C'est la capitale mondiale de la pollution pétrolière. L'espérance de vie dans ses communautés rurales, dont la moitié n'a pas accès à l'eau potable, est tombée à 40 ans à peine depuis deux générations. La population locale maudit le pétrole qui pollue ses terres et trouve incroyable les efforts déployés par BP et les autorités américaines pour colmater la brèche dans le golfe du Mexique et protéger le littoral de la Louisiane contre la pollution.
300 marées noires chaque année
Le géant anglo-néerlandais, qui a noué un partenariat avec l'Etat nigérian dans le delta, soutient que
98 % des cas le concernant sont dus à des actes de vandalisme, de vol ou de sabotage par des militants, et seule une infime partie est causée par une détérioration des infrastructures. “Nous avons constaté 132 cas de pollution l'année dernière, contre 175 en moyenne. Les soupapes de sûreté ont été vandalisées. Sur un oléoduc, on a relevé 300 robinets illicites. Nous avons découvert cinq engins explosifs sur un autre. Les communautés ne nous permettent parfois pas d'accéder aux lieux pour effectuer le nettoyage parce qu'elles peuvent gagner davantage avec les indemnisations”, affirme un porte-parole du groupe.
L'ampleur de la pollution dépasse l'entendement et suscite une grande colère. “On constate plus de 300 marées noires de toutes tailles chaque année”, s'indigne Nnimo Bassey. “Au Nigeria, l'Etat et les pétroliers en sont arrivés à considérer un niveau extraordinairement élevé de pollution comme la norme. A l'évidence, BP bloque toute législation progressiste, tant aux Etats-Unis qu'au Nigeria. Ici, les groupes pétroliers se considèrent au-dessus des lois et représentent un danger manifeste pour la planète. Il faut porter ces affaires devant la Cour internationale de justice.”
L'Afrique va-t-elle payer pour BP ?
Selon Guy Gweth du blog ISDE axé sur l'intelligence stratégique et économique en Afrique :
« C'est la catastrophe énergétique, écologique et psychologique déclenchée par BP le 20 avril 2010 dans le golfe du Mexique qui a conduit Washington à revoir sa stratégie, en urgence et discrétion, en vue d'accroitre ses approvisionnements de pétrole offshore dans le golfe de Guinée.
[…] Au lendemain des attentats du World Trade Center, les stratèges étatsuniens décident d'augmenter leurs importations de pétrole du golfe de Guinée de 15 à 25% avant 2016. Le National Security Strategy of the United States déclare dans la foulée que le combat contre le terrorisme mondial et la nécessité d'assurer la sécurité énergétique de la première puissance mondiale exigent des Etats-Unis qu'ils augmentent leur engagement en Afrique pour y sécuriser leurs approvisionnements en hydrocarbures.
[…] Deux ans avant la mise en route de l'Africom, l'administration américaine avait affecté près de 400 marins ainsi qu'une base flottante constituée de NTGV (navires à très grande vitesse) à la surveillance des côtes au long de l'Angola, du Cameroun, du Gabon, du Ghana, de la Guinée équatoriale, du Libéria, de Sao-Tomé & Principe, du Sénégal et du Nigeria
[…] Stratégiquement, le maillage militaire du golfe de Guinée par le Pentagone vise singulièrement le contrôle de la partie occidentale de la route transafricaine du pétrole et les réserves vitales de brut qui y ont été découvertes, qu'elles soient sous le coup de la concurrence asiatique, de la menace terroriste ou pas ».
Sans oublier la petite dose de mordant et de perspicacité : « Les 2,6 milliards de dollars déjà dépensés par BP (en frais de colmatage, de confinement et de nettoyage, ainsi que les dédommagements versés aux Etats côtiers et aux tiers) depuis le 20 avril 2010 l'auraient-ils été si la catastrophe avait eu lieu en Afrique ? Pas sûr, si on s'inspire d'une jurisprudence comme celle du Probo Koala ».
Toute une région menacée
Au fil des années, la frustration et la misère des communautés locales ont nourri la violence et une multitude de groupes armés, mélanges de milices indépendantistes et de bandes mafieuses trafiquant dans le pétrole.
Le Mouvement d'émancipation du delta du Niger (Mend), la plus organisée et la plus puissante de ces milices menace régulièrement Shell et le gouvernement.
Regorgeant pour la plupart des installations vétustes, il existe plus d'une vingtaine de plates-formes flottantes en offshore profond, comme celle de BP, depuis la Côte d'Ivoire jusqu'à l'Angola. Des matériaux et navires strictement interdits d'utilisation dans le golfe de Mexique, sont lamentablement en service le large de l'Afrique. Véritable poudrière à ciel ouvert, ici, la rentabilité prime l'entretien.
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