• Aujourd'hui leur rôle doit dépasser ce cadre de « simple sauveur », pour passer à un nouveau palier, celui d'organe de régulation et de supervision • continuer à renforcer les bilans et les infrastructures de marché, ainsi que de réduire les risques émanant des établissements financiers d'importance systémique et de l'aléa moral On les appelle « les citadelles de la finance » car elles sont un rempart de toutes les économies contre les perturbations et les crises. Les banques centrales sont les garantes de sécurité pour les consommateurs que nous sommes, les superviseurs de l'activité bancaire, et les contrôleurs exclusifs de la politique monétaire et financière. Ce sont aussi un moyen important dans la stimulation de la croissance à travers l'encouragement à la consommation ou à l'épargne et les actions qui sont prises pour maîtriser l'inflation. Depuis le déclenchement de la crise économique et financière mondiale, le rôle des banques centrales s'est nettement accru et remonté à la surface. Elles se présentent aujourd'hui comme le « paquebot de sauvetage » quand le navire commence à couler. Les banques centrales ont joué un rôle important dans le sauvetage du système financier mondiale à travers plusieurs actions et mesures rapides et courageuses et parfois peu orthodoxes. Elles sont arrivées en si peu de temps à calmer les marchés et redonner un peu de confiance aux investisseurs. Aujourd'hui leur rôle doit dépasser ce cadre de « simple sauveur », pour passer à un nouveau palier, celui d'organe de régulation et de supervision. Un organe qui peut prémunir le système financier mondial de récidiver et de retomber dans la crise et ce en apprenant des erreurs du passé. Une tache qui n'est pas facile, surtout en périodes de troubles. La crise et l'urgence des solutions Dans la conception la plus traditionnelle des systèmes financiers, on considère que leur rôle le plus primordial est celui de booster les échanges commerciaux et faciliter les flux des investissements. Une mission qui a permis durant des années de garantir un niveau de croissance économique mondiale très important et surtout stable. Mais depuis des années les systèmes financiers se sont engagés dans une nouvelle démarche et un nouveau rôle celui des risques financiers. En effet, les marchés financiers ont vu apparaître de nouveaux produits financiers très sophistiqués tels que la titrisation ou les ventes à termes, avec une prise de risque plus grande de la part des investisseurs. Ils ont été aidés en cela par des taux d'intérêt très bas qui ont encouragé l'endettement et l'investissement et surtout la recherche de la rentabilité élevée et rapide. Cette situation se produisait dans un cadre de dérèglementation totale, un manque important de supervision et de contrôle et surtout une volatilité sans précédent des prix des actifs financiers. Ce cadre a permis de créer de la croissance, d'améliorer le poids du secteur financier dans l'économie et de garantir une bonne rentabilité pour les investisseurs. Ce tableau, qui était rose, s'est vite terni avec le déclenchement de la crise financière mondiale, qui a commencé déjà en Août 2007, pour enfin se révéler pour le monde entier en Septembre 2008, avec la chute du géant américain Lehmann Brothers. Le monde s'est réveillé « sur une ardoise salée, et des notes de frais à payer ». C'était la panique totale. On vous épargne de revoir le « film » de cette étape sombre de la finance mondiale. Il fallait intervenir. Au déclenchement de la crise les banques ont brutalement durci leurs conditions de crédits, se sont trouvées dans un manque de liquidité important, et avec des actifs dont la valeur n'est pas réelle. Une vente massive de ces actifs ainsi qu'une réduction importante de l'exposition aux risques, a anticipé la chute. Le passage de la sphère financière à la sphère de l'économie réelle n'a pas tardé à se faire sentir. L'assèchement des liquidités et le durcissement des conditions de crédit à eu un impact négatif sur l'investissement. La confiance dans le système financier et l'économie mondiale était nettement bousculé. Toutes les économies sont entrées dans une période de récession sans précédent, avec des niveaux de chômage très important, et un rythme de commerce mondial en chute libre. Interventions des banques centrales durant la crise Dans ce paysage de « désolation financière » l'histoire de l'économie mondiale gardera en mémoire l'intervention énergique et sans précédent des banques centrales des pays développés touchés par la crise. Une intervention qui a permis de sauver la chute totale de tout le système et de limiter les dégâts. En tant que fournisseurs de liquidités, les principales banques centrales ont assumé pleinement ce rôle en mettant à la disposition des institutions financières les liquidités nécessaires au tout début de la crise et elles continuent à le faire dans des proportions différentes. C'était un élément essentiel pour garantir la survie du système financier. Plusieurs centaines de milliards de dollars ont été ainsi mis à la disposition des institutions financières ayant des difficultés de liquidités. Certains analystes étaient contre cette orientation, parce qu'elle a permis de sauver des institutions qui ne sont pas viables, c'est-à-dire « pratiquer la réanimation artificielle ». Dans le même cadre plusieurs banques centrales ont courageusement élargi la liste des garantis donnés par les banques afin de faciliter l'octroi d'un maximum de liquidités et de redonner confiance au système. L'autre action non moins complémentaire était de réduire les taux d'intérêt directeur afin de faciliter l'accès aux financements, et baisser les coûts des crédits. C'était surtout le cas pour la Banque Centrale Européenne et la Fed. Sans entrer dans les détails de cette politique monétaire « de crise », les banques centrales sont intervenues d'une manière décisive pour arrêter « l'hémorragie » et éviter une chute en dominos, vu l'interconnexion bancaire. C'était aussi une intervention rapide et très flexible. Les décisions étaient mises en œuvre aussitôt prises dans le cadre des réunions ou dans le cadre du G20. L'autre élément très important qui a caractérisé l'intervention des banques centrales c'est le fait qu'elles étaient synchronisées. Jamais la coopération mondiale entre les banques centrales, et surtout entre Américains et Européens, n'était aussi convergente et rapide ; malgré quelque divergences. Dépasser le cadre de la stabilité des prix Alors que les signes d'un apaisement se fait légèrement sentir au niveau de la sphère financière et de l'économie réelle, il est important aujourd'hui de se pencher sur le traitement des causes de la crise et d'établir les gardes fous nécessaires pour ne pas rechuter. Et à ce niveau les banques centrales ont un rôle important à jouer. A côté de leur rôle traditionnel de maintien de la stabilité des prix, les banques centrales ont plusieurs outils dans la « boite » de la politique monétaire qui leur permettent de prémunir le système financier. Les banques centrales doivent assumer aujourd'hui un rôle de règlementation et de supervision. Un rôle qui doit être assumé d'une manière concertée et dans une logique « gagnant-gagnant », chose à laquelle avait appelé récemment le directeur général du FMI « les pays doivent travailler ensemble ». Le Comité monétaire et financier international du Conseil des gouverneurs du Fonds monétaire international avait dressé récemment la feuille de route d'une nouvelle régulation garantissant la stabilité financière. Dans son communiqué nous lisons ainsi : « Nous saluons le récent accord de Bâle qui prévoit une amélioration considérable de la qualité et de la quantité des fonds propres des banques ainsi que la mise en place d'une norme mondiale de liquidité et d'un ratio de levier. Nous espérons que cet accord sera mis en œuvre en temps voulu de façon intégrale et cohérente dans tous les pays afin d'améliorer la résilience du secteur financier. D'autres mesures s'imposent pour améliorer la réglementation, la supervision et les procédures de règlement transfrontières ainsi que la surveillance macro prudentielle. De même, il convient de continuer à renforcer les bilans et les infrastructures de marché, ainsi que de réduire les risques émanant des établissements financiers d'importance systémique et de l'aléa moral, tout en assurant des conditions de concurrence équitables. Nous demandons au FMI de contribuer à l'application de ce plan d'action important en collaboration avec les instances compétentes. Nous saluons le rapport d'étape du FMI et du CSF relatif au manque de données et nous souhaitons qu'il soit donné suite aux recommandations qu'il contient. » Le rapport sur la stabilité financière du FMI pour le mois d'octobre, que vous trouvez dans ce numéro de l'Expert, dresse aussi les actions à mener pour ramener une certaine stabilité financière encore très fragile.