Dans le contexte de mondialisation vécu ces dernières années caractérisé par l'ouverture des frontières des pays et d'une concurrence accrue, l'ingénierie financière semble être plus qu'indispensable pour renforcer la compétitivité. Ce phénomène est devenu identifié dans les établissements de crédit qui se trouvent obligés à recourir aux nouveaux instruments financiers pour rentabiliser (spéculation) ou prévenir contre les éventuels risques de taux ou de change. Encadré par le confrère Jalel Kaouel, Noureddine Zougah s'est intéressé, dans le cadre de son mémoire d'expertise comptable à étudier les principales catégories de ces instruments utilisés par nos banques, leurs fonctionnements et les stratégies de leur utilisation.
Il lui a semblé nécessaire aux yeux d'un expert comptable de connaître les principes de traitement comptable et de présentation des opérations relatives audits instruments financiers ainsi que, la pratique comptable actuelle en Tunisie se rattachant à ces opérations. Notre confrère a constaté en conséquence, que le recours aux instruments dérivés de couverture par les institutions financières Tunisiennes pose certains problèmes pratiques, à savoir:
· La limitation de la constatation des instruments dérivés en hors bilan et les lacunes que présente ce traitement comptable; · Les multitudes de méthodes comptables de constatation des pertes et des gains latents sur les opérations relatives aux instruments dérivés.
Il a également remarqué dans son travail, que la pratique comptable des banques en Tunisie, basée sur la comptabilisation en engagement hors bilan, ne traduit pas fidèlement les opérations se rattachant aux instruments dérivés de couverture dans les états financiers des institutions bancaires et n'éclaire pas les utilisateurs sur les risques qui en découlent. Ceci est expliqué d'une part par les insuffisances du système comptable en vigueur en matière d'engagements hors bilan face à l'apparition d'une nouvelle catégorie d'engagements liée à l'utilisation des nouveaux instruments financiers; et d'autre part par l'incapacité de la constatation en hors bilan, d'assurer une maîtrise des engagements s'y rattachant aux institutions bancaires, et de fournir aux utilisateurs externes des états financiers, une appréciation du risque financier généré par ces opérations.
Noureddine Zougah constate qu'il s'est avéré ainsi, nécessaire de faire appel à d'autres modes de comptabilisation et de divulgation d'information financière relative aux instruments dérivés de couverture par les institutions financières. Il signale que L'IASB, qui a engagé des réflexions dès le début des années 90 pour adopter les règles de comptabilisation au contexte de marché et faire face aux lacunes existantes, se trouve le référentiel indiqué afin de permettre davantage, l'insertion de la Tunisie dans le processus d'harmonisation comptable internationale.
Il estime de ce fait, que l'application par les institutions bancaires tunisiennes, des normes internationales (IAS 39, IAS 32 et IFRS 7), comble les limites que connait la pratique comptable actuelle, et dont les principales innovations portent d'une part sur l'obligation de comptabiliser les instruments dérivés au bilan à leur juste valeur, et l'application d'une comptabilité de couverture comme traitement d'exception dans la mesure où elle ne s'applique que sous le respect de certaines conditions (volonté, existence d'une documentation écrite et démonstration de la haute efficacité de la couverture), et d'autre part de présenter en annexe les informations sur les risques encourus rattachés aux instruments dérivés de couverture, les principes comptables appliqués, et les caractéristiques ainsi que la méthode de détermination de la juste valeur.
Notre confrère a essayé de présenter à partir des illustrations, l'application de ces normes à la constatation initiale, à chaque arrêté comptable et lors de leurs dénouements pour les cas des dérivés de change couramment utilisés et réglementés en Tunisie à savoir les contrats à terme de change, les options et les swaps de change.
Il a essayé de mettre en exergue les conséquences qui peuvent résulter de l'application des dites normes en Tunisie, et donner un avant propos utile au normalisateur national ainsi qu'aux utilisateurs de l'information financière, des enjeux significatifs qui entourent son application.
In facto, il considère que de multiples conséquences pratiques pourraient se manifester:, telles que la modification de l'organisation et des procédures internes, le changement des systèmes d'information et la modification de certaines stratégies de couverture en face d'une définition comptable de couverture jugée trop restrictive. En effet l'application de ces normes aura obligatoirement des conséquences sur les activités de produits dérivés et sur la politique de gestion actif/passif des établissements de crédit. Par ailleurs, l'évaluation à la juste valeur des instruments financiers dans les banques est fréquemment accusée d'accroître la volatilité des résultats et des fonds propres dans des proportions considérables, ce qui rendrait difficile le respect des ratios qui leur sont imposés par les autorités de surveillance.
L'adoption de ces normes en Tunisie dans le traitement et la présentation des instruments dérivés, engendrera des coûts de mise en place constituant sans aucun doute l'une des principales contraintes de ces normes. En effet, le projet de mise en place de ces normes mobilise beaucoup de ressources tant en interne qu'en externe, du fait que ce projet est consommateur de temps et exige des compétences assez rares. Les changements de procédures, les remplacements ou les mises à jour du système d'information, la nécessité d'un plan de formation et de recrutement sont autant de coûts supplémentaires nécessaires. Ainsi en appliquant ces normes, la question sur la satisfaction du principe avantages/coûts est toujours posée, en face d'une amélioration de l'information comptable.
Noureddine Zougah conclut que ces normes ne peuvent pas, à elles seules, répondre à l'ensemble des attentes certes légitimes des marchés financiers. Elles n'atteindront l'objectif qu'on leur a assigné que si les banques, de leur coté, jouent le jeu de la transparence et les appliquent d'une manière rigoureuse. L'application de ces normes ne saurait exonérer les banques de mettre en place des procédures plus fiables et des moyens de contrôle et de pilotage plus performants pour, d'un coté, mieux gérer leurs risques et, de l'autre, s'assurer que l'utilisation des produits dérivés ne génère pas plus de risques qu'elle n'en couvre. La crise financière actuelle prouve combien notre confrère avait raison d'étudier un thème aussi important.