Tout au long de son histoire, la ville a été toujours au cœur de la culture des ses habitants. Ce constat vaut aussi bien pour la civilisation arabo-muslmane que pour la culture occidentale. Les temps modernes n'ont pas remis en cause cette position privilégiée. En dépit des différentes épreuves qui se sont succédé et qu'elle a bravées, la ville continue de susciter les réflexions les plus profondes. C'est tout dire pour prouver que l'historique ne fait que consolider le prospectif. De l'antiquité à nos jours, des grandes écoles d'architecture avaient émergé et imprégné particulièrement le patrimoine architectural et urbain de l'humanité. Et la France a certainement donné au monde l'une de ces éminentes écoles.
Poursuivant les traces et empreintes de cette école française et les projetant dans l'avenir, une exposition vidéo-conférence sur le thème « La ville projetée » se déroule actuellement à Tunis, à l'initiative de l'Institut français de coopération (IFC). Cette exposition, destinée à la circulation internationale grâce au réseau culturel français, a été initialement conçue comme participation de la France à la 6e Biennale internationale d'architecture de São Paulo. Il s'agit d'un produit de l'agence CulturesFrance, placée sous la double tutelle du ministère des Affaires étrangères et du ministère de la Culture et de la Communication. L'IFC, pour sa part, la présente, à Tunis, du 11 au 27 décembre 2008, successivement à la Médiathèque Charles-de-Gaulle, puis à la Librairie Fahrenheit de Carthage-Dermech.
Selon les organisateurs de cette manifestation, l'exposition « se propose de montrer comment les architectes français font aujourd'hui la ville, dans et hors les frontières de l'hexagone. Ils sont porteurs d'une ambition majeure, celle de dessiner une architecture qui crée la ville à l'échelle de l'homme. Une ville belle et ambitieuse, complexe et discrète, active et sereine, une ville-monde des temps modernes ». En effet, huit thèmes ont été retenus pour illustrer cette ambition : paysages de ville, mobilités, habiter, carrefour des savoirs, lieux de culture, bâtiments intelligents, nouveau souffle et vecteurs d'image.
Les journées de l'exposition seront également marquées par une Conférence autour du thème « La ville à l'épreuve de l'urbain », qui se tiendra, aujourd'hui à 17h, à Dar Ben Ammar, en bordure de la médina de Tunis. Cette conférence, qui sera suivie d'un débat, sera animée par M. Olivier Brochet, professeur d'architecture, président du Conseil d'administration de l'Ecole d'architecture et de paysage de Bordeaux, architecte au sein de BLP architectures et membre permanent de l'Académie d'architecture; et par M. Leïla Ammar, architecte et docteure en architecture formée à Tunis et à Paris, enseignante à l'ENAU et auteure de nombreux articles et d'un ouvrage intitulé « Histoire de l'architecture en Tunisie, de l'Antiquité à nos jours » (2005).
Les organisateurs de la manifestation ont fourni un aperçu sur les interventions des deux conférenciers. L'intervention de M. Brochet focalisera ainsi sur la notion du contexte. Au travers d'exemples de projets d'équipements publics, de logements ou d'aménagements urbains, l'analyse du contexte est, en fait, utilisée comme moteur du projet architectural et le bâtiment devient le révélateur de ce contexte. Dans ce jeu d'aller-retour, du paysage, du quartier ou du bâtiment existant au projet, se joue la conception architecturale. De la réhabilitation d'un musée au centre de Paris, à la création d'une médiathèque en accord avec le climat ou avec la topographie. De la transformation de la rudesse de l'environnement suburbain en douceur de vivre, à l'appropriation et au détournement de bâtiments anciens ; un petit voyage illustré dans des projets qui se fondent dans une identité révélée du lieu où ils s'installent.
Pour sa part, M. Leïla Ammar traitera de la difficulté croissante de concilier l'inconciliable, entre architecture et urbanisme, autonomie disciplinaire et concertation permanente, temps du projet architectural, temps de la ville, temps du territoire. En effet, les villes, dont certains théoriciens et praticiens contemporains ont prédit la mort et l'explosion dans l'urbanisation galopante, résistent. L'urbain, tantôt souligné comme manifestation de l'urbanité et de la citoyenneté, tantôt vilipendé comme phénomène et processus de dilution de la ville et de ses qualités, occupent les esprits. Il existe, plus que jamais, un besoin de comprendre pour agir. Agir comme architectes, comme urbanistes, mais aussi comme citoyens. L'espace public, la ville passante et non sécurisée, la ville équitable et durable pour tous et pour toutes, requièrent des professionnels un certain nombre de positions intellectuelles, d'urbanisme de projets et de tracés opposés à l'urbanisme de produits qui se répand de par le monde.
Cela étant, il s'agit bel et bien d'affronter un véritable défi contemporain, celui de penser la ville afin de la réconcilier avec l'architecture et de produire ainsi des architectures qui sont à même de créer les conditions nécessaires d'un bien être et d'un bien habiter.