A la fin du premier semestre de 2008, à un moment où l'édifice communautaire européen était en pleine crise institutionnelle suite au non irlandais, la Présidence française du Conseil de l'Union européenne était fort attendue, et ce, vu le poids de la France au sein de l'Union et, par conséquent, sa capacité à conduire la conception des réponses appropriées. Même en dehors du vieux continent, nombreux sont ceux qui avaient misé sur l'énergie du président français pour faire avancer des projets qui les impliquent ou qui les concernent. Dans notre région, le projet de l'Union pour la Méditerranée, en était une illustration parfaite. Au mois de juillet 2008, nous avons relaté les priorités de la Présidence française dans les colonnes de « l'Expert ». Aujourd'hui, quelques jours avant que le mandat français arrive à terme (le 31 décembre officiellement), on en dresse un premier bilan. Une Europe forte, une Europe unie, telles sont, comme souligné par le président français Nicolas Sarkozy dans son récent discours du 16 décembre, devant le Parlement européen, les deux convictions sur lesquelles ont été fondées la Présidence française du Conseil de l'UE.
Un discours européen novateur
Force est de constater que le discours européen de Nicolas Sarkozy sort relativement de l'ordinaire et brise pas mal de stéréotypes politiques qui datent depuis longtemps. Ce discours prononcé devant les députés européens est porteur d'un nouvelle tonalité, voire d'un nouveau vocabulaire. Pour cette raison, le locataire de l'Elysée n'épargne pas les définitions. Qu'est ce qu'une Europe forte ? Sarkozy en apporte la réponse : « C'est une Europe qui pense, qui a des convictions, qui a ses réponses, qui imagine ». « C'est une Europe qui ne se contente pas de suivre », comme elle l'a fait lors du conflit de la Bosnie. En ce moment là, « l'Europe a été absente et ce sont les Etats-Unis d'Amérique, nos alliés, nos amis qui ont pris leurs responsabilités et l'Europe qui a dû suivre ». Malgré tout l'euphémisme qui habite ses propos, il semble que ce conflit bosniaque constitue un vrai mauvais souvenir pour Nicolas Sarkozy, qui a ajoute : « L'obsession qui a été celle de la présidence, c'est que l'Europe prenne ses responsabilités ». Ce discours s'avère ainsi fidèle au programme de travail de la présidence française dont la devise est « Une Europe qui agit pour répondre aux défis d'aujourd'hui » et dont l'une des trois parties est consacrée à « Affirmer le rôle de l'Europe sur la scène internationale ».
Sarkozy avait raison de dire que « Cette présidence [française de l'UE] s'est déroulée au rythme d'évènements internationaux qui ont bouleversé l'organisation de nos travaux ». Outre la brusque crise géorgienne, il y avait la crise financière. Face à cette crise sans précédant, « toute l'Europe était réunie autour du même plan de soutien aux banques. Nous avons essayé… de faire en sorte que ce plan européen de soutien pour éviter l'explosion de notre système bancaire devienne le plan mondial. Alors que les Américains passaient du plan Paulson 1, au plan Paulson 2 pour arriver au plan Paulson 3, que n'est rien d'autre que l'inspiration du plan européen 1 ». Sans trop dire, Sarkozy enchaîne d'une manière qui ne fait pas dissimuler ses aspirations à un certain leadership économique européen: « L'Europe organisera à Londres, le 2 avril prochain, le Sommet de la réforme de la gouvernance mondiale ».
Ces aspirations ne ménagent pas, d'ailleurs, la sphère de la politique internationale : « Il n'y a pas un seul pays au monde qui est capable de favoriser la paix entre les Israéliens et le monde arabe. L'Europe doit jouer sa partition. L'Europe doit être présente pour éviter un tête-à-tête frontal entre le monde arabe d'un côté et la première puissance du monde, les Etats-Unis ». Faisant preuve de tact et d'un bon sens diplomatique, et pour que ce nouveau discours audacieux sur une Europe forte ne soit « déplaisant » à l'égard de quiconque, le président Sarkozy, finit par rassurer, à la fois, Londres et l'allié américain, et ce, en réitérant que « la politique de défense et de sécurité de l'Europe est complémentaire de l'Otan et qu'il n'y a pas lieu d'opposer l'une à l'autre ».
Objectivement, la France achève son mandat en laissant l'UE nettement dans le vert, et ce malgré une conjoncture régionale et internationale défavorable, marquée par un cycle de crises (institutionnelle, politico-militaire en Géorgie, financière et économique), juste avant, au début et tout au long du mandat français.
Les eurosceptiques, d'une part, et les rivaux politiques les plus acharnés de Sarkozy en France, d'autre part, auront beaucoup du mal à contester qu'il s'agisse de précieux points de plus dans l'actif politique du président français.
Aspect bilatéral : Tunisie-UE
Sur ce plan, le rythme de travail a été, à son tour, remarquablement soutenu. Une conférence de presse a été tenue, au cours de la semaine, par M. Serge Degallaix, ambassadeur de France en Tunisie, afin de présenter les avancements enregistrés dans les relations tuniso-européennes, durant les six derniers mois qui correspondent à la Présidence française du conseil de l'UE. En effet, l'étape actuelle est marquée par la reprise des négociations entre les deux parties portant sur la libéralisation des services et des produits agricoles. Cela a été accompagné par une intensification des activités et des évènements en Tunisie. De ce fait, 2008 a été une année riche en réunions (9 réunions). Toute une série de commissions, de comités et de sous-comités, concentrés sur des thèmes et des sujets si variés, on été mis en place pour coordonner les actions des deux parties. Certains des sujets traités et ont été qualifiés par M. Degallaix de « pas faciles ». Il en est ainsi, par exemple, du sous-comité sur l'agriculture qui travaille sur un dossier fort important aux yeux des deux parties. Le secteur des services, pour sa part, n'est pas moins délicat, vu qu'il est le plus créateur d'emplois et le plus apte à absorber les nouveaux diplômés du supérieur. En revanche, la qualité des services doit être reconnue et la circulation des prestataires, ainsi que la circulation professionnelle en général, doivent être facilitées.
En ce qui concerne la mise en place d'un nouveau cadre de partenariat renforcé entre les deux parties, l'ambassadeur français a souligné qu'une demande tunisienne a été présentée, le 11 novembre, et fut acceptée. Une suite tout à fait logique et attendue, puisque la Tunisie est déjà à l'avant-garde, par rapport aux autres pays du voisinage, dans ces relations avec l'UE. Reste à préciser qu'en matière de partenariat renforcé, l'accord projeté repose sur le principe de différenciation, c'est-à-dire « du sur mesure et pas du prêt-à-porter », pour ainsi reprendre l'expression de M. Serge Degallaix. Sur le plan pratique, la démarche avance. En ce moment, la partie tunisienne est entrain d'élaborer un document de travail qui servira de base pour les négociations futures dans ce cadre précis. Une fois ce partenariat conclu, de nouvelles perspectives extrêmement importantes pointeront à l'horizon de la coopération tuniso-européenne.