Le limogeage du Directeur général de l'Institut Nationale de Statistiques (INS) continue toujours de susciter la polémique non seulement sur le fond (les raisons avancées étant très discutables) mais aussi sur la forme, c'est-à-dire d'une manière peu conventionnelle (par téléphone). Remise en question du travail de l'INS Les raisons officielles de ce limogeage ont été avancées par Ridha Saïdi ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des Affaires économiques et sociales qui affirme que les chiffres communiqués par l'INS sur l'indice des prix sur lequel est calculé le taux d'inflation (5,7%) ne reflètent pas la réalité. Il reproche à cette institution sa méthodologie utilisée pour le calcul statistique qui n'est pas fiable, selon lui, d'où des résultats erronés. A cet égard, il juge nécessaire de réformer le système statistique en Tunisie sur le double technique et des compétences humaines. Ces chiffres qui ont été rendus publics interviennent dans une conjoncture économique et politique difficile pour le Gouvernement actuel. En effet, la reprise des investissements locaux et particulièrement étrangers nécessaires pour la relance de l'économie tunisienne est tributaire de certains indicateurs statistiques qui traduisent la stabilité économique, politique et sociale du pays. Dans ce contexte, le Gouvernement actuel considère nécessaire et légitime de contrôler l'administration tunisienne qui est accusée de freiner et même de s'opposer au nouveau projet de société conçu par la Troïka au pouvoir dominée par le parti du Mouvement Ennahdha. Un bilan honorable pour l'INS En réalité, si l'on examine les réalisations et le bilan actuel de l'INS depuis la nomination en octobre 2011 du nouveau directeur général Slah Saïdi, on ne peut que mettre en doute la pertinence des arguments avancés. Rappelons que sur le plan de la méthodologie et de la fiabilité des résultats statistique, l'INS ne travaille pas seul. Il travaille en collaboration avec des organismes internationaux tels que la Banque Mondiale, le Fonds Monétaire International (FMI) et la Banque Africaine de Développement (BAD). En outre l'INS collabore avec des organismes spécialisés comme l'INSEE en France et intègre le programme MEDSAT de coopération statistique entre les pays européens et méditerranéens. Les résultats de l'INS sont approuvés par le Programme de Comparaison International (PCI) dépendant de la Banque Mondiale et la Norme Spéciale de Diffusion des Données (NSDD) relevant du FMI. Ces programmes valident la méthodologie et les statistiques de l'INS au niveau international. Rappelons que la loi statistique en Tunisie a servi de modèle pour certains pays africains tels que le Mali. Il est important de préciser que la réforme du système statistique tunisien est déjà engagée et que le bilan actuel n'est pas négligeable. En effet, le chantier des statistiques régionales est engagé en coopération avec la Suisse, la mise en place du cadre juridique des statistiques est lancée avec la coopération d'experts internationaux tels que Toby Mendel. Sur le plan national, l'INS a passé des conventions de coopération pour élargir sa base de données notamment avec l'INNORPI et le Centre national de l'informatique (CNI). Le comité technique de pilotage est déjà à pied d'œuvre pour la réalisation du prochain recensement en Tunisie.La rénovation du portail web de l'INS est en cours ainsi que le projet de réalisation de certaines enquêtes sur Internet à l'instar des instituts statistiques des pays développées. Perturbation du fonctionnement de l'INS Le limogeage du directeur de l'INS dans des conditions pour le moins douteuses et la non désignation d'un remplaçant pour assurer l'intérim a remis en question le fonctionnement normal de l'INS. Cette absence de continuité dans le service public a entraîné des conséquences non négligeables avec l'augmentation du phénomène d'absentéisme, l'absence de prise de décision et le retard accusé par de nombreux travaux en cours. Des problèmes de sécurité interne sont aussi apparus mettant ainsi en danger cette grande institution et son fonctionnement. Il faut ajouter à cette situation de confusion, la connivence entre certains syndicalistes appartenant à l'INS et les services du directeur du cabinet du ministre du Développement régional et de la planification. Des informations dignes de foi indiquent que le syndicat de l'INS est en train de faire signer une pétition par certains membres du personnel de l'institution afin de l'exhiber pendant la conférence de presse du ministère consacrée à cette polémique, prévue la semaine prochaine. Il s'agirait de justifier ce limogeage brutal par des raisons internes d'ordre syndical.