Chacune de ses apparitions est scrutée avec attention. Aussitôt qu'une rumeur est distillée sur un quelconque affaiblissement, voilà le président de la République qui balaie avec véhémence tous ses détracteurs. En deux déplacements étrangers, le président de la République aura réussi à arracher le statut d'allié majeur non membre de l'OTAN aux Etats-Unis et des promesses d'un plan d'aide global de la part des états membres du G7. Béji Caïd Essebsi ne se manifeste pas au gré de l'actualité, ne commente pas le moindre fait divers, ne répond pas aux critiques et aux calomnies que répandent ses adversaires. En effet, le président de la République semble au dessus de la mêlée et a fait le choix d'une parole parcimonieuse. Lors de sa dernière apparition à l'ouverture d'une conférence sur la prospection et la planification en Tunisie, le président de la République avait fait preuve d'autorité en exigeant l'ouverture d'une enquête sur les évènements récents ayant secoué le sud tunisien. Bien que limitées par la nouvelle constitution, les prérogatives accordées au président de la République lui donnent une large influence sur le champ d'action. Et bien que la clé de voûte du pouvoir repose, désormais, aux mains du chef du gouvernement, le président de la République dispose toujours d'une marge de manœuvre assez conséquente pour peser ou infléchir le cours des évènements. D'aucuns percevaient la nomination de Habib Essid comme le renvoi des manettes au palais de Carthage. Béji Caïd Essebsi s'en est toujours défendu. Il sait, néanmoins, que l'image du président de la République reste associée dans l'imaginaire collectif à un chef. Marqueurs indélébiles de quelques décennies d'hyper présidence. Et comme l'auront compris les communicateurs, le président de la République s'est imposé la distance et le silence que l'exercice et la stature présidentiels confèrent. Alors que l'ampleur considérable prise par l'irruption massive des réseaux sociaux et des sondages acculent de plus en plus les hommes politiques à la réaction instantanée, le président de la République a fait sienne l'idée que la politique demeure toujours une affaire de communication et que le crédit de l'opinion passe par une lente construction dans la durée où le silence et la distance sont érigés en valeurs cardinales. C'est ainsi que se confient ses proches collaborateurs. Béji Caïd Essebsi préfère comme le disait un de ses condisciples « laisser du temps au temps ». Appelé parfois à concilier les antipodes et les paradoxes, le président de la République préfère analyser les situations et pratiquer la synthèse, le consensus et le compromis, affirme l'un de ses proches. Sauf que l'immobilisme et l'attentisme d'un gouvernement nageant, pourtant, en pleine tempête accentue la pression sur le président de la République.