Ils ont franchi le Rubicon! Ce sont les professeurs de l'enseignement secondaire qui ont entamé, ce mardi, une nouvelle action militante, en décidant tout simplement de suspendre le cours. Non content d'avoir pris en otage les élèves, les impliquant dans leur bras de fer avec le ministère de l'Education, à travers la rétention des notes, les enseignants ont franchi un nouveau palier en décidant de les priver de cours. Déjà assez chaotique, avec plusieurs journées de grève des professeurs et la décision de rétention des notes des deux semestres, l'année scolaire risque d'être considérée comme blanche. Une perspective qui affectera sans doute l'avenir des élèves et écornera l'image de l'école et des éducateurs. Pourtant , la fédération de l'enseignement secondaire, soutenue contre vent et marée par l'UGTT, s'est toujours défendue de vouloir mener le lycéens vers une année blanche, assurant que son souci était d'assurer la réussite de l'année scolaire. Mais au regard de l'entêtement des enseignants et du choix de l'option de l'escalade en jetant toutes leurs forces dans la bataille, ils dévoilent leur véritables intentions. Plus de doute qu'ils veuillent saboter l'année scolaire. Lassaâd Yacoubi et ses compères sont déterminés à faire plier le ministère et le gouvernement qui représentent l'autorité en leur faisant accepter leurs conditions quel qu'en soit le prix. Il faut rappeler que l'écrasante majorité des revendications sont d'ordre matériel. Revalorisation des primes, retraites anticipées à 55 ans, classification de la profession comme métier "pénible" et autres avantages pécuniaires. Personne ne conteste le droit des professeurs à faire des grèves ou à chercher à améliorer leurs conditions de vie. C'est un droit légitime garanti par la constitution et ne représente pas une première. Mais ce qui dérange ce sont les méthodes et les procédés de lutte choisis par les enseignants du secondaire qui sont contestables. Retenir les notes, suspendre les cours et autres mesures qui touchent directement les élèves dont l'intérêt doit primer sur tout, sont des actions qui sont indéfendables. Fossoyeurs de l'école publique Un argument qui revient comme un leitmotiv dans les accusations de la fédération de l'enseignement secondaire est l'intention du gouvernement de privatiser l'école publique. Une accusation que l'action actuelle des professeurs ne fait que favoriser. En effet, de nombreux parents qui ont les moyens car malheureusement tout le monde n'est pas logé à la même enseigne, s'orienteront vers les écoles privées pour y inscrire leurs enfants. Ils estiment, qu'outre un enseignement de qualité, leur enfants trouveront dans l'école privée la quiétude, pourront s'épanouir intellectuellement et parachever leurs cursus sans être perturbés par des grèves à n'en pas finir et les absences répétées des professeurs. Ainsi, ce sont les enseignant eux-mêmes qui sont les fossoyeurs de l'école publique en poussant les citoyens à se tourner vers les écoles privées. En y regardant de près, ce phénomène de privatisation de l'enseignement en Tunisie prend de l'ampleur ces dernières années et semble être un mouvement irréversible. Les professeurs ne doivent s'en prendre qu'à eux-mêmes pour avoir poussé le bouchon trop loin au risque de porter préjudice à leurs propres intérêts. Le précédent de Néji jalloul Comment expliquer cet entêtement de la fédération des enseignants du secondaire qui veut tenir tête au ministère et au gouvernement, persuadée qu'elle aura le dernier mot. Pour comprendre cette attitude, il faut se rappeler le limogeage de l'ancien ministre de l'Education, Néji Jalloul, sacrifié sur l'autel de la sauvegarde de l'année scolaire et du bon déroulement de l'enseignement par le chef du gouvernement Youssef Chahed, malgré les énormes augmentations, jamais consenties, depuis de nombreuses années. Dopé par cette concession majeure consentie par le gouvernement, Lassaâd Yacoubi, secrétaire général de la fédération des enseignants, se sent invulnérable, lui et sa fédération et pensent obtenir tout ce qu'ils veulent. C'est pourquoi, les enseignants ont récidivé, convaincus qu'ils auront gain de cause quelles que soient leurs revendications. C'est ce qui explique de nouveau l'acharnement contre Hatem Ben Salem, ministre de l'Education, accusé à tort d'être à l'origine du blocage et du non respect de l'action syndicale. Il faut rappeler que c'est sur la base d'une décision d'un conseil ministériel présidé par Youssef Chahed que le ministère de l'Education a mis comme condition la restitution des notes avant de renouer tout dialogue avec les enseignants du secondaire. Le gouvernement se doit de manifester sa solidarité avec le ministre Hatem Ben Salem et de le soutenir dans sa position. Youssef Chahed doit tenir bon et ne rien céder sur ce point-là quel que soit le prix à payer. Les professeurs doivent remettre les notes d'abord, avant qu'une négociation soit engagée, afin que l'autorité de l'Etat triomphe et soit respectée. A défaut, c'est une tradition de reculades devant les enseignants qu'on risque d'instaurer, obligeant le gouvernement à céder à la pression à chaque fois. Il faut que les professeurs sachent raison garder et tenir compte de l'intérêt du pays et consentir des sacrifices à l'instar de toutes les catégories de citoyens. Ils ne doivent en aucun cas et de quelque manière que ce soit prendre les élèves en otage.