TUNIS (TAP) - Les médias traditionnels sont-ils menacés par les médias sociaux? Sont-ils encore pertinents et quel est leur avenir? Telles sont les principales thématiques discutées aujourd'hui lors des panels de la matinée après l'ouverture du quatrième forum des leaders de médias d'Afrique (AMLF) qui se tient les 10 et 11 novembre à Tunis. Ayant fait partie depuis 50 ans de ce qu'elle appelle "la révolution du mouvement des droits humains des noirs au sud des Etats-Unis d'Amérique", Charlayne Hunter-Goult, co-présidente de l'Initiative des médias en Afrique (AMI), partie organisatrice du Forum, s'est montrée "fière aujourd'hui de se retrouver dans un pays qui s'est révolté contre l'inégalité et l'injustice pour changer le visage de la Tunisie, grâce à la force du leadership qui a fait du printemps un été arabe". Ce rassemblement aujourd'hui à Tunis de près de 350 participants représentant 48 pays africains, explique-t-elle se veut une étape cruciale pour gravir les échelons et étoffer les efforts en vue d'assurer un avenir aux médias traditionnels dont la pertinence demeure un sujet de réflexion. Avec l'annonce ce matin du lancement du projet "défi de l'innovation dans les médias" par l'AMI, et destiné notamment à trouver des solutions concrètes pour les médias en Afrique et à assurer leur durabilité, les avis se sont départagés entre les défenseurs de ces médias et ceux des médias sociaux. En effet, quel rôle a joué ou devait jouer les médias traditionnels face à l'émergence des médias sociaux? Pour le PDG de l'AMI, Amadou Mahtar Ba, les médias doivent désormais être au diapason du peuple pour que ce dernier lui redonne confiance dans un monde qui bouge d'une façon spectaculaire, à la quête de vérité. Ainsi, seuls les critères de crédibilité, de transparence, d'intérêt général, de qualité et de professionnalisme sont nécessaires pour que ces médias jouent leur rôle moteur et perdurent dans le temps. Dans cette logique, il a cité le projet relatif à la mise en place d'une charte d'éthique et de leadership des patrons des médias. Livrant son témoignage, Omar Belhouche, directeur de la publication El Watan d'Algérie, a été plutôt optimiste quant à la survie des médias traditionnels car explique-t-il, le support papier a acquis une certaine légitimité citant un chiffre de 300.000 exemplaires pour le journal algérien "El Khabar". Contrairement à certains pays, les médias sociaux sont peu développés en Algérie, c'est ce qui fait que les médias dits traditionnels sont l'un des seuls contre-pouvoirs dans le pays. Bien que ce chiffre a suscité la curiosité de ceux qui croient que le support papier est menacé aussi par plusieurs autres facteurs liés au coût élevé du papier et de l'impression, aux problèmes de diffusion et de la publicité, il ne faudrait pas oublier, a-t-il ajouté que des efforts considérables ont été déployés pour améliorer la formation des journalistes notamment dans les genres reportage et enquête ce qui a favorisé la promotion de l'information régionale qui s'est largement développée. Même si la presse traditionnelle a de beaux jours en Algérie, il n'en demeure pas de même pour d'autres pays comme la Tunisie. S'identifiant toujours comme journaliste plutôt qu'un régulateur des médias, M Kamel Laabidi a de son coté insisté sur le fait que les médias sociaux ont joué un rôle phare et ont constitué le seul moyen pour faire circuler l'information au cours des événements en Tunisie et en faire part à la communauté internationale. Cela dit, les médias traditionnels ont pu prendre, petit à petit le dessus malgré toutes les difficultés, pour passer d'un outil de propagande à un moyen d'information. Cela veut dire, a-t-il rétorqué "la seule chose que le journalistes doit faire pour redorer ses blasons est de mieux se former pour se débarrasser des pratiques d'antan". Par ailleurs, la possibilité de co-existence des médias traditionnels considérés par certains "ancienne école" et les médias sociaux dite de la "nouvelle école" demeure incontournable. Il s'agit tout simplement d'une question d'adaptation, rassure Kabiru Yusuf, pdg de Daily Truste de Nigéria. A son tour, Kim Norgoard, chef de bureau CNN Afrique, considère que les médias sociaux sont des composantes des médias comme tous les autres. La seule différence entre un blogueur ou facebooker et le journaliste est que celui-ci est tenu de vérifier l'information avant de la diffuser. Certes, on vit une nouvelle ère de médias, mais si certains croient que les médias vont disparaître d'ici 2038 et que d'ici fin 2012, 720 millions de téléphones mobiles envahiront le continent africain comme a avancé M. Trévor Ncube, co-président de l'AMI, il demeure primordial que tous les médias sans exception soient à la hauteur de ces défis. Et bien que certaines craintes sont dissipées sur le fait que les médias traditionnels soient menacés, la question de financement des médias demeure aussi d'actualité préoccupante. Le Président de la Banque africaine de développement (BAD) présent au premier panel s'est contenté de quelques mots rassurants "on ne peut pas exclure la possibilité de financement d'entreprises médiatiques dans l'avenir".