LE KEF (TAP) - La troisième séance du procès des accusés dans l'affaire "des martyrs de Tala et Kasserine" qui a débuté, lundi, au tribunal militaire permanent de première instance du Kef, a été consacrée à l'interrogatoire de deux accusés en état de liberté, à savoir Moncef Laajimi, directeur général actuel des unités d'intervention et Khaled Marzouki, commandant de la brigade centrale des unités d'intervention, ainsi qu'à l'audition de certains témoins. M. Moncef Lajimi a déclaré, au cours de son interrogatoire, qu'il était arrivé à Tala, le 10 janvier, sur ordre de Jalel Boudriga, ancien directeur général des unités d'intervention et de Adel Tiouiri, directeur général de la sûreté nationale, avec pour mission de calmer la situation et de remplacer Youssef Abdelaziz qui dirigeait alors les unités d'intervention dans cette région, surtout qu'il était rejeté par les habitants sur fond de maltraitance. Il a, par ailleurs, ajouté que l'armée était déployée à Thala et qu'il a refusé de déployer ses unités, tout en leur intiment l'ordre de se regrouper au commissariat et de se diriger vers la maison de la culture sise à côté du commissariat, avant de collecter toutes les armes en possession des agents et cela dès son arrivée à Tala, le 10 janvier à 10H00 du matin. Entre-temps, a-t-il confirmé, une manifestation a été organisée avec pour principale revendication le départ des unités d'intervention de la ville et qu'en dépit des barrages installés, les habitants sont parvenus à se rapprocher des agents et à les provoquer par des insultes et des jets de pierres, ce qui a nécessité la dispersion de la manifestation en recourant aux bombes de gaz lacrymogène. Il a, en outre, indiqué avoir ordonné à tous les chefs de brigades de regrouper les armes, précisant que les agents en faction ne disposaient pas de chargeurs, que tous les locaux de commerce étaient fermés, le 11 janvier et que certaines routes ont été rouvertes après avoir été bloquées par les habitants afin de permettre la circulation normale des personnes. Il a ajouté avoir été informé le 12 janvier par l'un de ses assistants, Khaled Marzouki, que l'accusé Béchir Bettibi avait ouvert le feu sur les manifestants sur la base d'informations rapportées par un autre agent dénommé Ayachi Ben Souissia. Il a clôturé sa déclaration en indiquant qu'il a procédé à la réorganisation de ses unités, en accord avec ses trois subordonnés, qui sont des officiers supérieurs, affirmant avoir tiré en l'air pour assurer la sortie des unités de la ville sans enregistrer des victimes, d'autant plus qu'il était en charge de calmer la situation et d'assurer la réconciliation avec les citoyens. Pour sa part, Saïd Marzouk, chef de brigade centrale, a indiqué qu'il se trouvait à Tala le 3 janvier, pour présider la sécurisation du poste de police. A la question sur la responsabilité des tirs contre les manifestants, il a répondu avoir avait entendu des coups de feu, le 8 janvier, aux environs de 20H45 et qu'il avait vu une première voiture se dirigeant vers l'hôpital, avant d'entendre de nouveaux coups de feu nourris près du tribunal après le durcissement de la confrontation avec les manifestants qui utilisaient des barils et des bouteilles incendiaires. Il a souligné que le chef de l'unité l'avait informé qu'un brigadier avait ouvert le feu contre les manifestants et atteint deux personnes. Il a affirmé que se brigadier appartient à l'unité de sécurité de Gafsa qui était arrivé pour apporter son soutien aux unités en place dans la ville. Dans leur réquisitoire, les avocats ont demandé de prendre en considération les rapports des médecins légistes concernant les décès des martyrs de la révolution et le parachèvement de l'enquête inachevée, ainsi que l'audition du témoignage de l'ancien Premier ministre, Mohamed Ghannouchi et celui du secrétaire général du rassemblement constitutionnel démocratique dissout, surtout que ce dernier a affirmé, selon les déclarations des avocats que le parti comptait une aile armée en son sein. La défense a aussi demandé de réaliser un examen balistique sur les armes qui avaient été utilisées pour tuer les martyrs, d'interroger certaines directions sécuritaires pour écouter le témoignage et auditionner certains autres nouveaux témoins et procéder à une lecture pour constater leur conformité avec les opérations réalisées par les médecins légistes. Des avocats de la défense ont dénoncé la discrimination entre les accusés surtout que certains parmi eux ont été promus dans leurs grades et qu'ils sont en liberté alors que d'autres accusés ont été mis en prison. La séance a aussi permis d'auditionner des témoins, en particulier Mohamed Larbi Krimi, retraité qui a occupé le poste de directeur de la salle des opérations centrales au ministère de l'intérieur et qui a donné des éclaircissements concernant la marche de cette salle qui enregistre toutes les communications et toutes les informations de manière continue, tout au long de la journée. Cette salle avait été rénovée en 2005 et avait été équipée d'un matériel numérique de pointe. Le témoin a démenti avoir eu des ordres d'ouvrir le feu sur les manifestants.