SIDI BOUZID, 12 déc 2010 (Rédaction TAP) - Aux premières palpitations du jour, le soleil braque les premiers rayons sur les étendues d'oliveraies ondoyantes dans la région de Sidi Bouzid (Centre de la Tunisie). Les branches de ces arbres bénis frétillent au gré de la brise matinale. Subitement, le silence régnant sur les lieux, se brise par un chant et des cris de liesse en provenance d'une flopée de femmes et d'hommes, aux habits bigarrés. Ils se dirigent vers la cueillette dans un des nombreux champs que compte la région. En voici une traduction de l'Arabe d'un extrait d'une ritournelle: "Noir, noireau, aux rameaux perchés. Je viens l'apostropher.. Il se défait du fardeau Que la Baraka soit multipliée Et la multiplication se multiplier..." Ici, à la saison de la cueillette des olives sont associées des traditions et des coutumes dont certaines ont disparu dans la trame de la vie moderne, la mécanisation aidant, tandis que d'autres résistent à la roue du temps et autres facteurs psycho-économiques. La pérennité de la tradition s'explique, en particulier par les sentiments essentiels de la fierté et de la solidarité qui la sous tend, d'autant que la cueillette s'accompagne d'un effort physique mobilisant plus d'un bras. Une huile de coude. Les membres d'une famille, à eux seuls, ne peuvent faire la cueillette de la production de la propriété sans l'assistance active de membres d'autres familles proches ou voisines. Lorsque celle-là coïncide avec la saison hivernale, comme c'est le cas à présent, les familles se regroupent pour s'entraider à mener collectivement les opérations de cueillette. Et à chaque famille, son tour de rôle. Il s'agit de la méthode dite localement "Arafa" (Le Lien ). Ainsi, la cueillette des olives intervient dans une ambiance festive qu'agrémentent, outre les chants, des plats de circonstance. Le matin, la petite communauté se réunit autour d'un succulent "Refiss" (plat à base de pain de blé malaxé aux dattes, graisse animale et miel). Le déjeuner tardif- étant donné qu'il clôt la journée de labeur- les plats changent selon les moyens. Néanmoins, le couscous à l'agneau demeure un must... dans une région tout aussi réputée pour l'excellence de ses viandes ovines. Dans les campagnes, les familles s'attachent à préserver ces habitudes. Elles sont de nature à perdurer l'entente, la cohésion et la convivialité. Les oliveurs s'ingénient, par la même occasion à se lancer mutuellement des défis ou à se livrer à des records de rapidité. Les perdants se résignent à avaliser, sans susceptibilité, les sarcasmes des vainqueurs. Et sans complexes. Ce défoulement ne doit pas dépasser le cadre du temps et de l'espace appropriés. Se déroulant dans la mixité des deux sexes, les opérations de cueillette catalysent des regards croisés et d'esquisses de sourires complices. Ceux-ci aboutissent souvent à des alliances matrimoniales. Pour ce ravissement, la saison des cueillettes est attendue, avec l'impatience de l'émotion et par les producteurs, les oliveurs, les oliveuses que les autres protagonistes intéressés du secteur. A chacun, ses motifs. Avec la délimitation des domaines, les habitants de la région s'adonnent, depuis des siècles, à l'oléiculture. Une option objective qui trace une ligne de démarcation entre deux modes d'existence : le nomadisme et la sédentarité. Et la région de Sidi Bouzid baigne dans l'or vert. Au plan national, elle est classée première quant à la production d'huile d'olive. Plus de 7 millions d'oliviers y sont plantés, l'équivalent de 46 pc de la terre cultivable, soit de 269.000 hectares qui prolongent d'autres superficies plantées d'arbres fruitiers. Le secteur offre plus de 3,5 millions de journées de travail avec une production estimée à plus de 87.000 tonnes d'huile d'olive et 1234 tonnes d'huile de table. La région est dotée de 105 huileries et de pressoirs d'une capacité de transformation de 2913 tonnes/jour et celle de stockage de 10.345 tonnes. En somme. Advienne que l'appellation du chef lieu de la région deviendrait Sidi Bou ZIT (Le Saint Patron de l'huile), cela ne ferait que corroborer la réputation de capitale, en la matière!. Dans les contrées de Meknassy, Ouled Haffouz, Regueb et Sidi Ali Ben Oun évoluent encore des oliviers séculaires. L'énigme de leur longévité ne relève plus du mystère. Pour l'agronome, l'olivier se renouvelle par génotype (reproduction de rejets). Le secret réside ailleurs. Il serait caché aux profondeurs du sol qui permet à ces oliviers de se tenir, chaque jour… debout. Méditerranéen par excellence, l'olivier est y vénéré depuis l'Antiquité (Réminiscences de la grâce d'Athéna et de la grandeur de la Phénicie). Il est cité sept fois dans le Livre Intangible (Le Coran ). En plus de ses attributs nutritif et cosmétique, l'huile d'olive extraite par pression à froid est riche en vitamines A et E (recommandées pour les maladies cardio-vasculaires et le cholestérol).