Jeudi 20 septembre, Hannibal TV nous a présenté, en direct, un débat for intéressant à analyser dans la foulée des événements, des tiraillements et des commentaires de cet instant crucial de notre période de transition dont on ne sait plus vers quelle destination il nous conduit. Le débat en question s'inscrivait sans doute dans la foulée de la conférence de presse de Béji Caïd Essebsi et dans la contestation actuelle, par certains, du gouvernement de la troïka, Ennahdha en tête. Mais la structure même du plateau était très instructive : deux pôles face à face, un pôle nahdhaoui à deux représentants et un pôle centriste, moderniste et progressiste à trois représentants appartenant à deux partis politiques, Nidaa Tounes (deux membres) et Al-Massar (1 membre). Je ne pense pas qu'il s'agisse d'un simple hasard ou d'une contrainte à la production. Je crois au contraire que celle-ci était partie d'une vraie lecture des dominantes actuelles de notre paysage politique où, quoi qu'on en dise, les deux forces en quête d'un équilibre stable entre elles sont bien celle d'Ennahdha et ses acolytes et celle de Nidaa Tounes et ses partenaires. Du côté d'Ennahdha, le dossier télévisé l'a laissé entendre en écho à ce qui se répète dans la société, il y a deux remarques fondamentales à relever : d'abord la neutralisation absolue des ailes brisées de la troïka, en l'occurrence le CPR et surtout Ettakattok dont le président est donné comme principal responsable des retards et des dysfonctionnements de l'Assemblée Nationale Constitutionnelle ; ensuite, il y a cet indice discret se rapportant aux deux personnes invitées, en l'occurrence Abdefettah Mourou et Abdellatif El Mekki. Le premier, on le sait, a été dernièrement repris par son parti d'origine, malgré son contentieux chronique avec le patron du mouvement, en vue d'une réduction des tensions internes dans le même champ idéologique et d'une éventuelle amorce d'une dynamique de rapprochement avec certains partis centristes qui n'ont pas de mal à négocier avec « Cheikh Mourou », considéré ou pressenti comme l'emblème d'une tendance modérée et ouverte dans l'islamisme politique, à même, au besoin, de bénéficier du crédit de plusieurs sensibilités pour une éventuelle candidature présidentielle avec des attributions et des prérogatives limitées, comme actuellement. Quant à Abdellatif El Mekki, un vrai dogmatique de la référence idéologique et un dur adversaire à l'échange, pourtant le dernier à pouvoir figurer dans ce dossier comme représentant du gouvernement mais semblant dernièrement passer de fait pour le porte-parole de son parti et de son gouvernement, lui donc est de plus en plus donné comme le prochain poulain de Rached Ghannouchi qui voudrait en faire le principal successeur du patron, voué à toutes les présidences possibles, y compris la présidence de la République qui constitue la nouvelle ambition du ministre de la Santé. La construction du plateau du débat d'Hannibal TV ne me paraît pas étrangère à cet arrière-fond dominant les discussions de certains groupements de diverses sensibilités politiques. En face, Samir Bettaïeb, député d'El-Massar représente bien la tendance la plus proche actuellement de Nidaa Tounes, Al-Jomhouri étant pris surtout dans une autre tentative de reprendre le leadership des forces progressistes, au détriment même de Nidaa Tounes s'il le faut, étant donné que son alliance avec lui est restée de l'ordre de la timide promesse et des intentions non concrétisées. Là, au moins, dans ce deuxième camp du débat, il ne semble pas y avoir de vraies disputes ou tractations sur un quelconque leadership (peut-être parce qu'il n'y a pas encore de pouvoir acquis) ; au contraire, bien que très véhément parfois, sur certains points, contre Ennahdha plutôt que contre ses partenaires, le discours est resté assez constructif dans son ensemble, ouvrant de vraies chances pour un débat national autour de la crise actuelle. A retenir cependant, une légère contradiction plus par esprit de polémique que d'esprit logique, celle de Abdelaziz Mzoughi qui, après avoir revendiqué une compétence nationale neutre et indépendante pour les ministères de l'Intérieur et de la Justice, cède à la provocation et demande à Ennahdha d'y nommer quelqu'un de ses partenaires, le CPR par exemple ! De cette façon, on n'est pas sorti de l'auberge car, imaginez ce que serait l'un de ces ministères s'il y avait à sa tête, comme négocié à la naissance de ce gouvernement, quelqu'un comme Mohamed Abbou qui, pour un oui ou pour un non, serait capable, semble-t-il, de dresser des potences à la Kasbah et à l'Avenue Bourguiba ! Pour tout dire, je pense que le plateau d'Hannibal TV est plus intelligent qu'il ne paraît car, cette fois (malheureusement, ce n'est pas toujours le cas et ça se comprend, à la limite), il traduit bien une réalité du débat socio-politique en Tunisie, peut-être aussi une vraie tendance de l'évolution des choses, en tout cas un espoir même, pourquoi pas, tel que souligné par la phrase de l'animateur, à la fin de l'émission.