La saison d'hiver vient de se terminer d'une façon très triste pour les tunisiens ; c'était un hiver où presque tout le peuple a chassé une illusion qui s'appelait « la sortie de l'impasse sociale et politique », une sortie qui a passé par une autre illusion, longtemps attendue, mais sans être concrétisée. C'était le remaniement ministériel. « Le Remaniement ministériel » était une série longtemps suivie par un peuple qui en a désespéramment attendu l'épisode final, peut être par méfiance aux politiciens ou à l'avenir. Mais, la série a été coupée au milieu par des tirs entendus le matin du 6 février à El Manzeh 6, quand des criminels ont assassiné le militant des Démocrates Patriotes Chokri Belaid avant de prendre la fuite. Une autre série l'a immédiatement suivie, c'était « le gouvernement de technocrates ». La saison du printemps vient de commencer, et c'est l'incertitude qui règne encore. Tout ce qu'on sait c'est que toutes ces pièces ont pris une fin et que la formation d'un nouveau gouvernement qui sera présidé par Ali Laarayedh, le ministre sortant de l'intérieur, est en cours. Rien de neuf sur le plan économique et social, la crise s'aggrave de jour en jour, mais sur le plan politique, il y a quand même des changements à mentionner. Un match opposant un parti qui ne cède pas devant ces opposants mais qui a échoué au pouvoir à une opposition vigilante mais qui ne reconnait pas son échec à trouver des solutions vient de s'achever avec une victoire politique du parti islamiste, une victoire qui aurait dû être sociale et économique. Hamadi Jbali, le premier ministre sortant, a réagi à l'assassinat de Chokri Belaid par son annonce qu'il œuvrerait afin de former un gouvernement de technocrates. Les principaux partis de l'opposition se sont rangés en faveur de cette initiative. Cependant, les partisans d'Ennahdha et le conseil de la Choura du parti islamiste ont exprimé leur opposition à cette initiative. A ce stade, Jbali semblait plus proche de l'opposition qui a vu en lui, d'après les déclarations de ses dirigeants, un homme patriote et digne du respect, que de son parti Ennahdha. Pourtant, après quelques jours de pourparlers, Jbali a annoncé que son initiative ne verrait pas le jour et qu'il démissionnerait, comme il avait promis. Cette annonce a marqué un retour au calme entre Jbali et son parti maternel, Ennahdha. Ainsi, la première victoire d'Ennahdha s'est achevée à cet épisode d'autant plus que le premier ministre nahdhaoui Hamadi Jbali s'est montré dans l'image de l'homme d'Etat, en ôtant temporairement l'uniforme partisan. Cette image servirait non seulement Hamadi Jbali mais aussi son parti dans le cas des élections présidentielles auxquelles il serait candidat. Un autre leader Nahdhouis s'est présenté comme un homme d'Etat, fort et solide, grâce à la crise politique actuelle. Il s'agit d'Ali Laarayedh, ministre sortant de l'intérieur et prochain premier ministre. Quelques jours avant sa prise de fonctions à la tête d'un nouveau gouvernement, il répond aux rapports qu'il y a une police parallèle et partisane dans son ministère non seulement par la négation habituelle de ses frères nahdhaouis mais aussi par l'annonce que la police a identifié et arrêté la plupart des complices dans l'assassinat de Belaid. Que ce soit par volonté partisane, politique, divine, ou par le hasard, l'arrestation des assassins à ce temps là offrirait un soutien moral à Ali Laarayedh avant d'annoncer la composition de son gouvernement. Il en était conscient pendant son discours aujourd'hui où il a mis l'accent sur la nécessité de l'union nationale face au terrorisme. Mais, ses déclarations ne différaient pas trop de celles de Sofiane Ben Farhat hier ou aux fuites qui circulaient depuis quelques jours sur l'affaire du meurtre de Belaid. Donc, à travers ses déclarations dans la conférence de presse organisée aujourd'hui au siège du ministère de l'intérieur, Ali Laarayedh a essayé de se débarrasser d'un héritage de laxisme envers la violence politique et religieuse à la tête du ministère. La troisième victoire d'Ennahdha réside dans le fait que les membres du parti islamiste se sont serrés les coudes pendant la crise. Malgré l'insistance des partis de l'opposition, Ennahdha n'a pas succombé aux demandes de neutraliser les ministères de souveraineté. De plus, après les déclarations d'Abdelfattah Mourou, vice président du parti, dénonçant la façon avec laquelle Rached Ghannouchi dirigeait Ennahdha et le rejet de l'initiative de Jbali par le conseil de la choura de son parti, des analystes ont attendu à ce que les conflits internes d'Ennahdha surgissent. Mais, Jbali a embrassé Ghannouchi sur le front le lendemain de sa démission. La crise interne aurait été une pièce de théâtre orchestrée par des gens qui ont voulu apaiser la colère du peuple et tenter l'opposition, qui œuvrait pour la neutralisation des ministères de souveraineté, vers le dialogue. En fait, les nahdhaouis sont encore unis. C'étaient des conflits familiaux, peut-être. Mêmes les accusations qu'Ennahdha a joué un rôle dans le meurtre de Belaid par l'incitation de ses membres à la haine et à la violence et par sa position timide vers la violence politique n'ont pas déstabilisé les nahdhaouis. Rappelons que l'initiative de Jbali a offert le parti un peu de temps pour absorber une colère non seulement politique, mais aussi populaire après l'assassinat du martyr Chokri Belaid. Ensuite, le premier ministre a annoncé l'échec de son initiative. Par conséquent, plusieurs personnes évoquent la possibilité que l'initiative de Jbali ne fût qu'une pièce de théâtre jouée par Hamadi Jbali et les radicaux de son parti. Ainsi, Ennahdha domine encore le gouvernement et se présente comme un parti uni. Mais, une autre vérité ne peut pas être niée. La solidarité entre les composantes du paysage politique islamiste ne semble pas capable de survivre à la crise politique actuelle. Des pages Facebook radicales se sont attaquées aujourd'hui à Ali Laarayedh suite à ses déclarations contre le fanatisme religieux. Le front islamiste est déjà affaibli. Mais tôt ou tard, Ennahdha devra choisir entre la modération et le radicalisme.