ARTICLE 19 lance aujourd'hui, son rapport sur la liberté d'expression sur Internet en Tunisie intitulé : « Tunisie : document de référence sur la réglementation relative à Internet », et ce lors d'une conférence de presse tenue à l'hôtel le Belvédère à Tunis à partir de 09h00 du matin. Dr. Agnès Callamard Directrice exécutive d'ARTICLE 19 dit : « Bien que les restrictions imposées sur l'usage de l'Internet ont considérablement régressé après le 14 janvier 2011, le système législatif et réglementaire répressif mis en place par la dictature est toujours en vigueur et n'a pas subi de changements significatifs. La liberté d'expression sur Internet n'est donc pas encore garantie de manière effective, durable et irréversible. Il est impératif que l'Etat Tunisien s'engage dans un processus de reformes afin de protéger la liberté d'expression sur la toile. » Ce document de référence, réalisé par ARTICLE 19 en 2012 et mis à jour, en 2013, par un expert juriste tunisien, Monsieur Abdelkader Fathallah, maître-assistant de droit public à la faculté de droit et des sciences politiques de Sousse, dresse un panorama général de l'état de la liberté d'expression sur Internet en Tunisie, aux niveaux de la législation et de la pratique. ARTICLE 19 examine dans ce rapport, notamment, la compatibilité entre le cadre juridique tunisien régissant l'Internet et les standards internationaux en vigueur dans ce domaine, s'agissant en particulier des standards relatifs à la protection de la liberté d'expression, d'une part et au respect de la vie privée, d'autre part. De ce fait, cette conférence de presse représente une excellente plateforme pour présenter, partager et discuter ce nouveau rapport avec les représentants des organismes tunisiens œuvrant dans le domaine de l'Internet, les blogueurs, les journalistes, et la société afin de défendre et promouvoir la liberté d'expression sur la toile. Dans cette analyse globale de l'état de la liberté d'expression sur Internet en Tunisie ARTICLE19 signale qu'une réforme est désormais impérative dans le domaine de l'Internet en Tunisie et révèle les recommandations suivantes : 1. L'article 8 du cahier des charges prévu par l'arrêté du 22 mars 1997, contraignant les fournisseurs d'accès à Internet à communiquer chaque mois une liste de tous leurs abonnés aux autorités, doit être abrogé. 2. L'article 11 du cahier des charges prévu par l'arrêté du 22 mars 1997 interdisant l'utilisation de technologies de cryptage sans l'accord préalable des autorités publiques doit être supprimé. Ces autorités doivent toutefois pouvoir demander les codes de décryptage dans les affaires de lutte contre la criminalité dans la mesure où de telles demandes remplissent les conditions de nécessité et proportionnalité énoncées à l'article 17 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP). 3. Les blogueurs et les journalistes citoyens doivent être assujettis aux mêmes législations civiles et pénales que les non-utilisateurs d'Internet sous réserve de nos recommandations ci-dessous relatives au Code de la Presse. 4. Le Code de la Presse doit être amendé en vue d'accorder aux blogueurs qui sont des journalistes le droit de protéger leurs sources. 5. Le Code de la Presse doit être amendé afin de dépénaliser la diffamation. 6. Nécessité de modifier la loi relative à la protection des données à caractère personnel afin de protéger les blogueurs et les journalistes citoyens contre les sanctions pénales prévues par cette loi. 7. Le régime de responsabilité des fournisseurs d'accès à Internet (FAI), fixé par le décret N°1997-501 et par les cahiers des charges prévus par l'arrêté du 22 mars 1997, doit être supprimé et remplacé par des dispositions exonérant, de manière explicite, les FAI de toute responsabilité pour la publication de contenus produits par les utiers, y compris leurs clients, dans la mesure où les FAI ne sont pas intervenus sur ces contenus. 8. La législation devrait être amendée de sorte que seuls des tribunaux ou autres organes juridictionnels soient habilités à ordonner des mesures de blocage/filtrage/retrait de contenu dans le respect des principes de nécessité et de proportionnalité. 9. Nécessité d'énoncer le principe de la neutralité de l'Internet et d'interdire aux FAI de surveiller les contenus circulant sur leurs réseaux. 10. Nécessité de réviser la loi N°2004-5 relative à la sécurité informatique en vue de définir étroitement le terme ‘sécurité informatique et de limiter les prérogatives de l'Agence Nationale de sécurité informatique en matière de contrôle technique des systèmes informatiques et des réseaux. 11. Les dispositions relatives au discours de haine doivent être formulées conformément aux " Principes de Camden " sur la liberté d'expression et l'égalité d'ARTICLE 19, qui fournissent des précisions à ce sujet. Pour lire le rapport « Tunisie: document de référence sur la réglementation relative à Internet »http://www.article19.org/data/files/medialibrary/37135/Tunisia-Report-V7.pdf