« Selon Michael Steiner, représentant des Nations Unies dans la région, le Kosovo ressemble à une patate chaude que les dirigeants serbes se passent de main en main ». Parlement Européen La Tunisie est une patate que le cuisinier aurait négligé de sortir à temps du feu. La troïka attablée, taraudée par une faim de loup, s'est employée à l'éplucher pour se délecter de sa chair et de son jus. Rien à faire, la patate est trop chaude et les convives ont dû se la refiler mille et une fois pour réaliser enfin (au bout de plus de deux ans), après s'être brûlé les doigts et, pour certains d'entre eux, les habits, qu'il serait peut-être plus sage de refiler cet encombrant fardeau à un goyim (les autres, dans l'idiome du peuple élu, compte tenu du fait que la Troïka fonctionne comme une véritable secte, gourou compris) – ou des technocrates indépendants, si vous préférez – pour qu'ils se chargent de la refroidir – dans le double sens – à leur place. Une fois accomplie cette délicate tâche, les convives troïkiens se dépêcheraient de reprendre leur précieux butin, enfin à la portée de leur vorace appétit, pour s'en empiffrer peinardement ! Le problème, c'est que les trois alliés ne sont pas tous d'accord sur cette démarche, salutaire en principe. Les ultras, d'entre eux, les redoutables vigiles de la République, sourds aux arguments de leurs associés, estiment qu'il est très risqué de refiler leur patate à des inconnus pour une raison si idiote. Chaude ou brûlante, il leur revient, à eux, et à personne d'autre, de trouver le moyen approprié pour faire baisser la température de leur légume, tare dont ils ne sont pas d'ailleurs les seuls responsables. Les Républicards estiment qu'ils n'en sont pas responsables du tout. En effet, si la patate est si chaude, c'est parce qu'il y a des mains invisibles qui n'arrêtent pas d'attiser le feu au lieu de l'éteindre ou, au moins, d'en atténuer l'intensité. La preuve est que, trois mois après que le « fief légitime » des troïkiens a été cédé, sous la pression des putschistes, à des mains inhabiles, la patate est encore trop chaude. Et il ne faut pas souhaiter qu'elle refroidisse un jour si elle devait demeurer longtemps dans le four de fortune des usurpateurs ! Maintenant que la passation s'est effectuée, en dépit de l'opposition des farouches gardiens du Temple Républicain, les troïkiens se félicitent d'avoir pris la décision qu'il faut au moment opportun parce que cette drôle de patate, qu'est la petite – mais tout à fait ingouvernable – Tunisie, ne semble pas disposée à se défaire du manteau de feu qu'elle s'obstine de porter, par toutes les saisons, depuis le 14 janvier 2011. Les médecins et les psychiatres ne comprennent rien à cette fixation et, le plus grave, c'est que la majorité d'entre eux sont quasiment certains qu'il s'agit là d'une sorte de maladie chronique contre laquelle il n'y a rien à tenter pour le moment. La fournaise libyenne ne semble pas arranger la patate tunisienne. Bien au contraire, en particulier parce que le vestige de la troïka révolue (en apparence tout au moins), toujours solidement incrusté à Carthage, s'emploie du mieux qu'il peut pour attirer le feu vers ce qu'il considère être comme « sa patate », à lui tout seul, sur laquelle il a droit de vie ou de mort. Peu importe qu'elle se carbonise ou qu'elle parte complètement en fumée, l'essentiel, pour le grand prêtre de la République, c'est de prouver, à ceux qui croient lui avoir réglé définitivement son compte, qu'il a toujours les rênes entre les mains et qu'il peut diriger sa patate – sa monture en fait – là où il le désire lui, et personne d'autre que lui. Sa cour, qui n'a plus d'autre idole à vénérer, applaudirait toutes ses initiatives et trouveraient les preuves plausibles pour les justifier. Le peuple, lui, n'aurait plus tellement le choix. Il y aurait toujours des témoins oculaires, et des baveux d'ici et d'outre-mer, pour jurer leurs grands dieux que la rue a longuement ovationné son Excellentissime ! Voilà pourquoi le locataire de Carthage, qui se croit sincèrement être le Seul Maître à bord de la patate, n'a pas attendu que le ministre des affaires étrangères se prononce sur l'imbroglio libyen, pour voler au secours de la légitimité bafouée, comme il l'a déjà fait, par le passé, en Tunisie et ailleurs, pour dénoncer le prétendu putsch égyptien. Son excellence est d'autant plus sûr de son fait que, sur les tenants et les aboutissants de la crise libyenne, sa position concorde parfaitement avec celle de son allié d'hier, et de toujours, l'unique qui compte à ses yeux. Car, ce n'est certainement pas une coïncidence que Mohamed Moncef Marzouki parle, à ce propos, le même langage que Rached Gannouchi. La différence entre les deux est que le second, plus futé et de loin plus conséquent que son allié volage, parle au nom de son parti, alors que le premier, plus extravagant que jamais, a la fatuité de parler au nom de sa patate, pardon de la Tunisie et de son peuple. En réalité, c'est en son nom propre que le président provisoire, qui aurait dû déménager du palais de la république depuis belle lurette, défend la « légitimité » en Libye, dans les mêmes termes dont il a usé pour défendre la légitimité partout où elle lui semble être menacée par des putschistes intransigeants ! Car il est un fait que rien, en dehors de la légitimité et de ses attributs, n'intéresse le coriace droit-de-l'hommiste, promu président par un extraordinaire hasard (où des calculs d'épicier ont joué un rôle déterminant), même pas la tragédie des lycéennes nigérianes kidnappées par la détestable secte Boko Haram. Sur ce chapitre, comme sur tant d'autres, le militant des droits de l'homme, n'a qu'une position : celle de son émule le « sheikh » R. Gannouchi, soucieux, comme lui, du sort de la légitimité dans le monde. C'est donc à sa légitimité (d'autant plus évidente à ses yeux qu'elle est inépuisable, inusable et – c'est là le plus important – lucrative) défendant que le droit-de-l'hommiste président se bat pour la légitimité de ses malheureux collègues desservis par le destin. Peu importe le bénéficiaire de cette légitimité. Qu'il s'agisse de Morsi, de Ben Laden ou du diable en personne, M. M. Marzouki se range toujours du côté du droit, c'est-à-dire des urnes. Curieusement, sur ce point aussi, il épouse la position de son (ex-)puissant allié (le hasard ne fait jamais les choses à moitié !) qui, lui, cela tombe sous le sens, n'a pas tellement à cœur les droits de l'homme (surtout dans leur version marzoukienne, un trop laïque au goût du sheikh, mais cela n'empêche pas les deux « frères » de s'entendre à merveille) dont le locataire de Carthage s'est fait – toujours à sa légitimité défendant – le chantre enthousiaste et – ô que c'est touchant ! – bénévole ! Le salaire que lui concède le contribuable tunisien le dispense de la corvée de faire des heures supplémentaires et lui laisse suffisamment de temps pour satisfaire son ardeur droit-de-l'hommiste, oralement et par écrit. Il semble en effet qu'Al-jazira ne lésine pas sur le cachet. Ce n'est pas tous les jours qu'elle recrute des présidents parmi ses pigistes ! Surtout quand il s'agit d'un président qui ne plaide que les bonnes causes, celles-là mêmes en faveur desquelles se dépense sans réserve le propriétaire de la chaîne, le minusculissime Qatar. Et la patate (dite également la Tunisie dans le jargon cabalistique de Carthage et de Montplaisir) dans tout cela ? Maintenant qu'elle brûle d'autres mains que les leurs, Marzouki et Gannouchi ne s'offusquent point de souffler sans relâche sur les braises. Il faut bien, se sont-ils dit sans s'être concertés au préalable, que la preuve soit donnée de l'incompétence des présumés « sauveurs » de cette satanée patate qui leur donne tant du fil à retordre ! Voilà pourquoi il est impératif que ces derniers soient non seulement incapables de tenir ce féculent pourri dans leurs mains, mais qu'ils soient simplement incapables de le toucher. L'impatience de la foule ferait le reste. Un jour ou l'autre, il y aurait suffisamment de gens sur les places publiques pour crier aux incompétents avec toute la véhémence du monde : « dégage » ! C'est seulement ce jour-là que le locataire de Carthage pourrait se dire que sa « chère patate » est sauvée. Pour ce qui est de la mystérieuse fièvre dont elle est affligée, M. M. Marzouki, en accord avec son suzerain le seigneur de Montplaisir, estime qu'elle n'en mourrait pas. Nombreux sont les malades qui ont su domestiquer leur mal. Parole de médecin ! L'inconvénient, c'est que cette maudite chaleur rend la patate provisoirement incomestible !