Vendredi 10-10-2014, non seulement les regards de plusieurs citoyens du monde, mais surtout ceux de plusieurs Tunisiens, étaient fixés sur le verdict d'Oslo qui devait annoncer l'heureux récipiendaire du prix Nobel de la paix 2014. Finalement ce prix a été attribué à l'adolescente pakistanaise Malala Yousafzaï et à l'Indien Kailash Satyarthi pour récompenser leur lutte en faveur de l'accès de tous les enfants à l'éducation. Mais notre pays comptait deux candidatures à chances démesurément inégales et à motivations totalement divergentes. La première candidature, sérieuse, rationnelle et internationalement crédible, est incontestablement celle de l'Union Générale des Travailleurs Tunisiens (UGTT). En effet, même quand certains de ses mouvements étaient entachés d'une quelconque violence généralement indépendante de sa volonté et souvent provoquée par un tiers (souvenez-vous du 4 décembre 2012), la centrale syndicale a toujours fait preuve de sérénité et de prise en considération de l'intérêt de la patrie d'abord, de celui de ses adhérents ensuite et en conséquence, convaincue qu'elle est de la concomitance des deux intérêts. A y voir de plus près et dans l'objectivité requise, peut-être trouverait-on que cette ligne de conduite est la même depuis la création de l'organisation syndicale. De fait donc, l'UGTT, de par son histoire, sa stature, ses objectifs, son rôle capital et efficace dans la dynamique raisonnable de la paix sociale au profit de la transition démocratique, avait de fortes chances de décrocher ce titre international qui aurait pu constituer à la fois une consécration pour la démarche « postrévolutionnaire » de notre pays et un catalyseur pouvant l'aider à maintenir le cap sur ses objectifs essentiels. D'ailleurs, à très peu de temps du verdict final, l'UGTT restait nobélisable. D'aucuns verraient dans l'inaccomplissement de la transition démocratique la raison du ratage de la consécration ! Peut-être un peu, mais l'argument n'est pas suffisant. Il y avait, me semble-t-il, un bruitage de dérangement qui avait perturbé la nette visibilité de la candidature de notre organisation syndicale : c'est la candidature du président provisoire de la République, fabriquée, nous semble-t-il, non seulement pour l'ambition personnelle de Moncef Marzouki, ce qui est son droit absolu, mais aussi et surtout pour des raisons électoralistes. Moncef Marzouki et son équipe savent l'impact que peut avoir une telle candidature sur l'opinion publique, ils savent en tout cas l'exploitation qu'ils pourraient en faire dans leur campagne pour le candidat faussement indépendant (donc un autre jeu biaisé) qu'est le président d'honneur et fondateur du CPR, celui-ci l'ayant déclaré comme son candidat officiel (Imed Daïmi dixit). Car Moncef Marzouki et son équipe savent que leur candidature au Nobel n'avait aucune chance d'aboutir, d'abord parce que le profil du candidat est très loin du minimum requis pour une telle consécration, ensuite parce que le jury du Nobel n'est pas assez inconscient, ni assez négligent de son image de marque, pour se permettre d'intervenir au profit d'un candidat précis dans un processus démocratique national que tout le monde attend comme l'hirondelle du printemps. La veille même du verdict, des collègues me demandaient mon avis sur la question ; je les rassurai que notre provisoire de président ne pouvait être même pas dans l'ensemble dégagé du tout premier tri. Il y a une Raison qui commande la dynamique du Nobel. Notre présidence semble ne pas avoir saisi ses constantes, nuisant peut-être alors à la candidature de l'UGTT. Je ne sais pas pourquoi cette candidature au Nobel de Moncef Marzouki, pour l'élection présidentielle de 2014, me rappelle l'initiative lancée il y a quelques années en faveur d'une candidature de Ben Ali au Nobel de la paix, pour préparer l'élection présidentielle 2014. Est-ce à dire que certaines gens se refusent à tirer des leçons des différentes péripéties de l'Histoire ? Tout cela est à analyser. Sans doute aussi, à psychanalyser.