La Tunisie doit se mettre au diapason de cette dynamique internationale caractérisée par la mutation du monde des affaires vers plus de transparence et de prise en charge de l'intégrité dans les systèmes de management. Ceci est d'autant plus indispensable que des entreprises tunisiennes ont opté pour l'internationalisation et l'ouverture sur le monde extérieure. Il y va de l'avenir de nos entreprises et de l'économie tout entière. Force est de constater que le monde de l'entreprise en Tunisie reste en dehors de cette dynamique, et même très peu réceptif à ce discours. A part le secteur bancaire qui a institué le principe de contrôle de la conformité, en application de la circulaire de la Banque centrale de 2006, le monde des affaires semble ignorer ces évolutions en direction de plus de transparence et de prise en charge de la gestion de l'intégrité. Depuis mars 2011, la loi britannique classe le défaut de prévention de la corruption par les personnes morales comme un délit passible de poursuites judiciaires. Il faut aussi reconnaître que la culture de l'éthique n'est pas entièrement inexistante dans nos entreprises. Son existence relève beaucoup plus de l'implicite. Il s'agit maintenant de passer d'une culture implicite vers une culture de l'explicite, avec l'adoption de nouvelles valeurs et l'intégration des mécanismes qui renforcent l'intégrité et limitent la corruption, à travers, entre autres, la création de départements d'intégrité, la nomination de déontologues, l'introduction des pratiques de délation -appelée aussi élégamment alertes éthiques (whistle-blowing)- et la protection juridique des délateurs, l'audit éthique, le contrôle de la conformité, les codes d'éthique, etc. Ces mécanismes, qui ont fait leurs preuves ailleurs, doivent être adaptés à notre culture pour éviter le rejet qui s'est produit dans certains pays à l'égard de certains mécanismes. Cette nouvelle culture doit s'appuyer sur un effort de formation et de renforcements des capacités des employés en vue de promouvoir l'intégrité individuelle et de préparer le personnel à cette mutation. Les grandes multinationales ont réussi toutes ces réformes et sont maintenant en train de passer d'une culture basée sur le respect des règles à une culture basée sur le respect des valeurs. La Tunisie possède beaucoup d'atouts pour se hisser à un niveau de classement qui le placerait dans le peloton des pays dits propres dans l'Index de la Perception de la Transparence. L'indignation collective contre la corruption de l'ancien président et de sa proche famille a causé un choc majeur dans la conscience de toute la société. Comment un président pourrait tolérer que les richesses de son pays puissent être pillées d'une manière aussi abjecte? L'émotion devant cet état de fait pourrait générer un élan collectif pour atteindre le plus haut niveau de transparence et d'intégrité, à condition que la raison l'emporte sur les effets d'émotion et que les vraies réformes soient engagées. Il faut passer d'une culture de la dénonciation à la culture de la prévention, tout en poursuivant les poursuites judiciaires dans la sérénité et la légalité.