Nous venons de rencontrer Ridha Belhadj, porte-parole du Hizbuttahrir, sur un arrière-fond d'inquiétude à l'égard des Salafistes alors que personne n'est capable d'ouvrir avec eux une ligne convenable de communication. Pour un moment, tout le monde avait compté sur Ennahdha pour ouvrir cette ligne de communication et ramer les Salafistes à une disposition d'esprit moins belliqueuse, mais il est vite apparu que, malgré une base commune et un texte partagé, Ennahdha n'en était pas capable... pour toutes sortes de raisons! Il était donc assez naturel de se tourner vers Hizbuttahrir qui affiche, certes, un discours fondamentalement salafiste jalonné de khilafa, chariaâ..., mais qui affiche clairement sa vocation politique, son respect des lois, son inclinaison au débat et son refus catégorique de la violence. En tout cas, c'est la meilleure option (sinon la seule) que nous ayons pour dialoguer avec les Salafistes, les amener au respect de la coexistence entre tous en Tunisie et les convaincre qu'un Laïc et un Salafiste sont des jalons de la richesse nouvelle du paysage politique tunisien. Nous avons posé la question de cette ligne de communication à Ridha Belhadj et il a répondu qu'il convenait que de nombreux facteurs se conjuguaient pour que le courant passe entre Hizbuttahrir et les Salafistes (du moins, les plus sensés d'entre eux): Avec les Salafistes, nous avons un 'croisement' et il est normal que, si nous avons notre visa qui nous donnera un statut légal, nous tâcherions de les amener à une présence politique et respectueuse des autres, a-t-il souligné. Revoilà donc le dilemme du visa de Hizbuttahrir sur la table! Le gouvernement Essebsi s'était radicalement opposé à l'octroi du visa légal au Hizbuttahrir, et le gouvernement Jebali a promis de le faire mais il ne semble pas pressé de lier les actes aux paroles. Mais nous sommes aujourd'hui dans une situation où Hizbuttahrir est devenu (presque) le cadet de nos soucis alors que d'innombrables courants salafistes, autrement plus radicaux, émergent comme des champignons et ne veulent parler à personne. Et tout indique que nous avons vraiment besoin de Hizbuttahrir... C'est tout simplement de la real politik! La seule chose dont nous devons nous assurer, nous semble-t-il, est l'inclinaison de Hizbuttahrir à être démocratique; c'est-à-dire respecter les lois, les autres partis, l'identité plurielle des Tunisiens, les principes de coexistence... Nous avons donc posé la question à Ridha Belhadj: Vous engagez-vous à obéir aux lois si vous obtenez votre visa? Et voici sa réponse: L'appartenance de Hzbuttahrir au domaine politique nous engage à trois garanties: - nous sommes contre l'utilisation de la violence car nous considérons celle-ci comme un crime. Pas de violence en politique; - nous ne professons pas d'interdits, à l'exception de liens avec des parties étrangères (avec des agendas et des financements de sources extérieures); - nous n'avons pas de monopole de l'islam. Il n'y a pas de clergé dans notre religion, nous ne sommes que les fils de la ''Oumma'' (Nation) et notre mission se borne à uvrer à la formation d'une conscience globale, seule capable de nous amener à appliquer la chariaâ; - nous appelons tous les Tunisiens, de tous bords, à la stricte observance des lois. Maintenant, c'est à nous tous de nous demander si nous préférons rester désarmés devant le mur quasi insondable des Salafistes radicaux ou bien prendre le taureau par les cornes et oser créer un partenariat avec des Salafistes (car Hizbuttahrir est un parti salafiste, cela ne fait pas le moindre doute) qui affirment leur volonté de jouer le jeu politique et d'obéir aux lois!