Nous ne sommes pas des naïfs et nous sommes tous Tunisiens. Alors personne ne croit sérieusement que l'UGTT est une mosquée sainte où le mal n'osera jamais pointer de sa tête. D'ailleurs, des années durant, la gauche qu'on appelle radicale s'est battue mordicus contre ce qu'on appelait la bureaucratie syndicale. Même aux pires moments de la mainmise des pouvoirs bourguibien et RCDiste, certaines fédérations de la centrale étaient imperméables aux palabres des coulisses et aux cadeaux sous la table dont bénéficiaient certains potentats syndicaux! Les reformes à l'UGTT sont à l'ordre du jour et sont toujours jugées à l'aune des forces en présence dans les congrès. Oui, l'UGTT souffre de cet héritage, comme elle souffre du poids du régionalisme, de l'importance des salariés de la fonction publique, du manque de démocratie dans son fonctionnement interne, de l'importance du rôle politique de la centrale depuis 1946 Mais, personne ne peut sérieusement mettre en doute le rôle patriotique que l'UGTT a joué tout au long de son histoire. Personne ne peut occulter le rôle de Hached dans l'indépendance du pays. Personne ne peut nier le rôle d'Ahmed Tlili dans le combat pour la démocratie. Personne ne peut oublier la plateforme de l'UGTT de 1956 qui a servi de base pour les premiers programmes de développement du pays. On ne peut pas oublier la lutte de l'UGTT contre le libéralisme sauvage de Hédi Nouira en 1978, ni son rôle dans la révolte du pain en 1984 contre Mzali, ni ses longues années de face à face avec le pouvoir de Ben Ali où elle a pu quand même sauver les meubles, comme on dit, et où elle a été la maison de tous les opposants de tout bord, y compris les opposants islamistes! Ceci c'est l'UGTT! Malgré ses mauvaises accointances, malgré ses syndicalistes véreux -et il y en a- la centrale syndicale a démarré au quart de tour en 2008 dans le bassin minier et a été le moteur de l'éclatement de la révolution du 14 janvier. Sans conteste de personne et surtout pas des militants d'Ennahdha présents en Tunisie à ce moment là! Alors aujourd'hui que le parti au pouvoir a bien compris que cette force est indomptable, et ce dès les premiers jours de l'installation de la Troïka avec la grève des agents du nettoyage municipaux, il a voulu tout au long de cette année et à plusieurs reprises l'attaquer soit frontalement soit par ricochet. Les événements de Siliana à la fin novembre ont encore montré la force et le poids de l'UGTT comme acteur politique de premier plan et certains islamistes n'en reviennent pas du fait que le gouvernement de Jebali ait fini par composer avec la centrale et que le gouverneur nahdhaoui ait été dégagé comme il se doit. Là on sort la rengaine des syndicalistes véreux. On brandit illico les appels au «nettoyage» et on cherche le RCDiste qui se cache derrière Houcine Abassi. Ils ont eu tout faut! D'abord, par le choix de la date qui coïncide avec la commémoration du décès de Hached, et là on s'attaque à un symbole ! Puis par le choix du lieu devant le siège de l'UGTT qui a été échaudée par les agressions de l'hiver dernier quand certains nahdhaouis avaient déversé des poubelles à la Place Mohamed Ali et qui, logiquement, doit se défendre contre toute attaque. Ensuite par le choix politique d'une bataille qui n'est à l'ordre du jour de personne aujourd'hui même si plusieurs critiques ont toujours accompagné le travail de l'UGTT . Sans oublier que cette manifestation a complètement pris au dépourvu le gouvernement qui signait le matin même les accords sur la hausse des salaires avec les centrales syndicale et patronale. Ainsi, les manifestants nahdhaouis ont encore fait des dégâts insoupçonnables !